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La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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Аллен Марсель

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Bouzille, d’ailleurs, semblait peu flatt'e d’avoir rencontr'e Saturnin. Volontiers l’ancien chemineau, d’habitude, conversait avec l’idiot, qu’il appelait pompeusement son « secr'etaire administratif », en se d'echargeant sur lui de certains menus travaux. Mais ce jour-l`a cependant, Bouzille monologuait tandis que Saturnin faisait le tour de la mare pour aller chercher la cruche demand'ee :

— C’est emb^etant qu’il ait vu cela, il va peut-^etre jaser. Bah, apr`es tout, je dirai que le cheval s’est 'echapp'e et que c’est de lui-m^eme qu’il est entr'e dans l’eau.

Saturnin, cependant, revenait. T^etu, il insista :

— Qu’est-ce que c’est, Bouzille, que ces choses noires qui remuent et pourquoi qu’il saigne le cheval ?

Il fallait bien r'epondre : Bouzille le fit, laconiquement :

— Les choses noires, d'eclarait-il, c’est des sangsues et si le cheval saigne, c’est que les sangsues l’ont mordu : faudra pas le dire.

— C’est des sangsues, r'ep'etait-il, et le cheval saigne parce qu’ils l’ont mordu. Pourquoi qu’ils l’ont mordu ?

— Parce que M. Peyrat me les ach`ete douze sous les cent.

Interloqu'e, Saturnin questionnait :

— Hein ? je ne comprends pas.

Naturellement, faisait Bouzille, eh bien, ca ne fait rien. Ca vaut m^eme mieux. 'Ecoute, Saturnin, aide-moi `a d'etacher les sangsues. Tu vois comment je fais ? bon. Tu les mettras dans la cruche.

— Comment que les sangsues elles ont fait pour s’attacher au cheval ?

— Saturnin, tu n’es qu’un fichu imb'ecile. Les sangsues, mon vieux, c’est comme des huissiers, ca s’attache tout seul. Ca colle 'epatamment. Ca bouffe le pauvre monde. Tu comprends, quand le cheval est entr'e dans la mare, elles l’ont senti, elles sont venues le sucer, et dame, quand il est sorti, elles n’ont pas eu le temps de se cavaler. Mais tu sais, Saturnin, ce que je t’explique-l`a, c’est pour toi seul, faut pas le raconter. Si jamais tu dis que j’ai fait entrer mon cheval dans la mare tu es s^ur qu’un jour ou l’autre je t’y flanquerai dedans, moi, dans la mare.

— Et alors Bouzille ?

— Et alors, mon vieux, c’est toi que les sangsues boulotteront.

En causant cependant, Bouzille expert et preste, – ce n’'etait certainement pas la premi`ere fois qu’il se livrait `a cette p^eche clandestine, avait d'etach'e des flancs du malheureux cheval, quantit'es de sangsues qui s’y 'etaient coll'ees. Satisfait, il cachait sa cruche sous les fourrages, lavait les plaies de la b^ete.

— Bah, je dirai qu’il s’est 'ecorch'e et l’on verra bien.

Puis Bouzille se disposait `a s’'eloigner, recommandant encore :

— Un bouchon, Saturnin, un bouchon, hein.

— Quoi ? r'epondait l’idiot.

— Pas un mot ou je te flanque dans la mare.

Saturnin 'eclata de rire.

Il n’agissait jamais de sa propre volont'e, mais en g'en'eral, ses actions et ses gestes 'etaient le r'eflexe de ce qu’il voyait faire autour de lui. Le malheureux idiot imitait, tel un automate, les mouvements dont ses yeux 'etaient t'emoins. Bouzille ne s’'etait pas 'eloign'e depuis cinq minutes que Saturnin, riant toujours, paraissant au comble de la joie, entra dans la mare.

H'elas, le malheureux idiot s’'etait `a peine avanc'e de quelques m`etres dans les eaux, il n’'etait mouill'e encore que jusqu’`a la ceinture que les sangsues se pr'ecipitaient en rangs serr'es contre lui. Terriblement mordu, Saturnin passait du rire aux larmes, poussait des cris effroyables, voulut rebrousser chemin.

Il fit quelques pas, quatre ou cinq dans la direction de la rive, lorsqu’en plein front une pierre, lanc'ee par une main invisible, le heurta violemment.

— Maman, cria Saturnin, 'etourdi par le coup et de plus en plus mordu par les sangsues, Maman.

Il tentait d’avancer encore, un caillou `a nouveau l’atteignit au visage, son front se mit `a saigner.

Alors le malheureux idiot fut envahi d’une peur 'epouvantable. Affol'e, ne comprenant rien `a ce qui lui arrivait, d'evor'e par les sangsues, recevant `a chaque mouvement qu’il faisait pour rejoindre la rive les cailloux qui l’'etourdissaient, il rebroussa chemin et, pr'ecipitamment, tout comme le cheval, il tenta de traverser la mare.

Saturnin n’arrivait pas `a l’autre rive que des pierres lui 'etaient encore jet'ees des bois environnants, des pierres qui l’emp^echaient de sortir de l’eau, qui le repoussaient vers le centre du marais.

Ce fut alors une chose effroyable. Saturnin, dix minutes encore courant au travers de l’'etang, s’efforca d’en partir pour 'echapper `a la morsure des sangsues et se vit contraint d’y demeurer par la gr^ele de cailloux qui l’assaillaient `a chacune de ses tentatives de fuite.

Terriblement mordu aux jambes, 'epuis'e d’ailleurs par la perte de sang que lui occasionnaient les voraces h^otes du marais, il cessa de se d'ebattre. Saturnin, 'etourdi, pris de vertige, leva les bras, poussa un dernier appel, puis se laissa tomber dans la mare.

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