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— Peut-^etre, r'epliqua Juve.
Et rien qu’`a la facon dont Juve prononcait ces mots, Fandor se prenait `a tressaillir. Quelques instants plus tard, cependant, les deux amis 'etaient `a la porte de l’appartement de Juve. Le policier prit sa cl'e, l’introduisit dans la serrure, ouvrit. Mais comme tout naturellement Fandor allait passer devant lui, Juve l’empoigna par le bras :
— Reste derri`ere, petit, commanda-t-il.
— Et pourquoi ?
— Ca sent l’ail.
La r'eponse pouvait para^itre incoh'erente, pourtant elle glaca d’effroi Fandor. Juve, original comme toujours, aimait intriguer ses interlocuteurs en les entretenant par phrases 'enigmatiques. Mais il avait cependant un ton de voix qu’il ne savait pas d'eguiser. Ceux qui le connaissaient, comme Fandor, devinaient ais'ement quand il s’agissait de choses s'erieuses, et quand, au contraire, il plaisantait.
Or, Juve, `a ce moment, 'evidemment 'etait s'erieux. De plus, Fandor se rendait compte que le policier n’avait point menti. La porte de l’antichambre ouverte, Fandor en reniflant, en humant l’air, se rendait compte que Juve avait parfaitement raison. L’appartement sentait l’ail. Il y avait une odeur d’ail intol'erable qui flottait dans l’antichambre.
Qu’est-ce que tout cela signifiait ?
Fandor allait interroger Juve, lorsque celui-ci, avisant un commutateur le long de la muraille, le tourna rapidement, faisant la lumi`ere. Et au m^eme instant, Juve jurait :
— Nom de Dieu, on a cambriol'e chez moi !
Il montrait du doigt, `a Fandor, la serrure de la porte d’entr'ee qui apparaissait grasse.
— Huilage de la serrure, annonca Juve. Il s’agit d’un monte-en-l’air habile. Attention, Fandor !
Juve venait de mettre le browning au poing. Le journaliste l’imita, et les deux hommes, dans l’appartement silencieux, s’avanc`erent, secouant les tentures au passage, ouvrant les armoires, v'erifiant les placards, et, de temps `a autre, humant l’air, sentant cette extraordinaire odeur d’ail qui avait d’abord attir'e l’attention de Juve.
Le policier, d’ailleurs, n’h'esitait pas sur le chemin `a suivre. Un peu p^ale, il empoigna le bouton de la porte, poussa un cri, un juron de col`ere, au moment o`u, tournant le commutateur 'electrique, il d'ecouvrit son bureau cambriol'e.
— Nom de nom ! hurlait Juve.
Et comme Fandor atterr'e ouvrait de grands yeux, le policier s’'ecroula sur le canap'e.
— Regarde, cherche, dans un 'etui de fer blanc, il y avait les papiers d’H'el`ene, vois s’ils sont encore l`a ?
F'ebrilement alors, Fandor se pr'ecipita. En un clin d’oeil, il fit l’inventaire des documents qui 'etaient demeur'es dans le tiroir fractur'e. H'elas, Juve avait eu raison. Les papiers d’H'el`ene avaient disparu, l’'etui de fer blanc n’'etait plus l`a.
Fandor alors se laissa tomber sur un fauteuil, plus accabl'e encore que Juve :
— Mon Dieu, g'emit le journaliste, mais qu’est-ce que cela signifie encore ? Que s’est-il donc pass'e ici ?
Un sanglot de rage lui souleva la poitrine. Il serrait les poings.
Juve d'ej`a avait retrouv'e son calme. La voix mauvaise, le policier r'epondit :
— Tu te demandes ce qui s’est pass'e ici, Fandor ? Eh parbleu, ce n’est pas difficile `a deviner, les faits parlent d’eux-m^emes. Pendant que nous 'etions `a Ville-d’Avray, on m’a cambriol'e. Oh, il s’agit d’un cambriolage sp'ecial, je ne suis pas inquiet pour les quelques sous qui dormaient dans ce tiroir, non. Ce sont les papiers d’H'el`ene que l’on voulait, ce sont les papiers que je gardais depuis les affaires du Transvaal [9], et le cambrioleur a r'eussi, tu le vois bien, les papiers ne sont plus l`a.
Juve tapa un grand coup de poing sur la table. Fandor qui s’'etait redress'e, qui se tordait les mains, dans un geste de d'esespoir, demanda :
— Mais qui donc, Juve ? Qui donc a pu faire cela ? Qui donc a pu vous voler ?
— Tu le demandes, Fandor ?
Telle 'etait l’intonation du policier, que Fandor crut deviner sa pens'ee.
— Vous accusez Fant^omas ?
— Imb'ecile ! Fant^omas est sous les verrous, il n’est pas sorti de la Sant'e, tout de m^eme, pour venir fracturer le tiroir.
— Alors quel est le coupable ?
— Le coupable, affirma Juve, cat'egorique, tu devrais dire la coupable ! J’accuse H'el`ene.
— Vous accusez H'el`ene ?
— Oui, formellement ! Je vais te prouver que je ne me trompe pas.
Juve, cette fois, venait d’'eclater de rire. Son rire sonnait faux d’ailleurs. On y d'em^elait une angoisse, une col`ere aussi.
— Je vais te prouver que je ne me trompe pas, r'ep'eta-t-il. 'Ecoute Fandor, tu la sens, cette odeur d’ail ?
— Oui, eh bien ?
— Eh bien, mon petit, cela provient d’un 'eclair de magn'esium.
— D’un 'eclair de magn'esium ?
— Oui, je me m'efiais d’un cambriolage, et j’avais pris mes pr'ecautions. Quand le cambrioleur a fractur'e ce tiroir, il a d'etermin'e l’explosion d’une certaine quantit'e de poudre de magn'esium, cach'ee par moi sur la biblioth`eque. `A ce moment aussi, il a d'emasqu'e l’objectif d’un appareil photographique cach'e de l’autre c^ot'e de la muraille. Fandor, `a moins qu’il ait eu une chance inou"ie, le malfaiteur qui s’est introduit ici a 'et'e photographi'e sans qu’il s’en doute. Il a bien vu l’'eclair du magn'esium, parbleu, mais je parierais gros qu’il n’a pas devin'e la ruse. Je te dis que ce malfaiteur est H'el`ene. Je vais te le prouver ; nous allons d'evelopper le clich'e.