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Juve poussa Fandor vers un cabinet de toilette qu’il avait fait transformer en laboratoire de photographie. Il alla chercher le ch^assis muni de la plaque, sur laquelle devaient ^etre reproduits les traits du personnage qui avait cambriol'e son bureau.
— Allume la lanterne rouge, ordonna Juve, je suis pr^et.
Le policier venait de verser le liquide r'ev'elateur dans les cuvettes de porcelaine blanche. Fandor disposa la lanterne rouge, Juve 'eteignit. Dans le laboratoire obscur, lentement, la plaque commenca `a se r'ev'eler.
Alors, pench'es l’un contre l’autre, effray'es de ce qu’ils allaient savoir, et pourtant si anxieux de le savoir qu’une palpitation faisait battre leur coeur de facon d'esordonn'ee, Juve et Fandor surveill`erent l’op'eration chimique. La plaque blanche d’abord, perdait de sa teinte laiteuse, se nuancait de brun. Des ombres violettes se dessinaient ensuite, vaguement, les deux hommes discernaient des contours noirs qui devaient repr'esenter le bureau ministre du policier. Puis, le bureau lui-m^eme se pr'ecisa, et, `a c^ot'e de lui, les contours d’une t^ete apparurent, dont les d'etails, un `a un sous l’action du r'ev'elateur, se dessin`erent lentement.
— Juve, Juve, cria Fandor, ce n’est pas H'el`ene, ce n’est pas une femme qui vous a cambriol'e, c’est un homme.
On e^ut 'et'e encore incapable de reconna^itre la physionomie du cambrioleur, mais cependant, il 'etait d'ej`a apparent en effet qu’il s’agissait bien d’un homme.
— Je ne comprends plus, r'epondit Juve, mais nous allons savoir.
Et il ricana en m^eme temps :
— Ah le truc est bon tout de m^eme ! Avec une preuve en main semblable `a celle que je vais obtenir, j’imagine que mon voleur aura de la peine `a nier.
Pour laisser le d'eveloppement s’achever en toute perfection, Juve venait de recouvrir d’un morceau de carton la cuvette de porcelaine qu’il balancait d’un mouvement lent et r'egulier.
— Dans deux minutes au plus tard, nous pourrons retirer la plaque et la regarder par transparence, es-tu pr^et, Fandor ?
— Je suis pr^et.
Ils eurent tous les deux la force d’^ame d’attendre encore quelques secondes, puis Juve se saisit de la plaque, la tendit dans la direction de la lanterne rouge. Ce fut un cri de stupeur, un cri d’incompr'ehension, qui s’'echappa alors des l`evres de Juve et de Fandor.
Le clich'e qu’ils venaient de d'evelopper si soigneusement, repr'esentait bien, en effet, un homme occup'e `a briser le tiroir du bureau ministre.
Mais cet homme, cet homme dont les traits 'etaient nettement reproduits, ne pouvait, pourtant, ^etre le cambrioleur. Car cet homme, Fandor l’avait nomm'e tout de suite :
— Juve, hurla le journaliste, c’est vous, Juve, qui ^etes photographi'e !
Il n’y avait pas, en effet, `a s’y tromper. La plaque, soigneusement fix'ee, lav'ee `a grande eau, expos'ee `a la lumi`ere, ni Juve, ni Fandor ne purent garder la moindre illusion. C’'etaient bien les traits de Juve qu’elle repr'esentait, c’'etait bien le visage du c'el`ebre policier qui s’'etait imprim'e sur la plaque.
Par quel myst`ere l’homme qui avait cambriol'e le bureau, tandis que Juve et Fandor 'etaient `a Ville-d’Avray, poss'edait-il si exactement, si parfaitement, le visage du policier ?
Aucun grimage n’'etait possible. Les fards, les perruques, les moustaches postiches, tous les accessoires qu’emploient les com'ediens et les bandits pour changer leur figure, peuvent bien, en effet, modifier l’expression d’une physionomie, mais ils sont impuissants `a donner r'eellement, surtout en photographie, le dessin de certains visages.
C’'etait bien les yeux de Juve, c’'etait bien les oreilles de Juve, bien son front bomb'e, son nez un peu busqu'e, son menton volontaire, ses m^achoires tenaces. C’'etait bien Juve qui avait 'et'e photographi'e l`a. Pourtant Juve, `a l’heure o`u le magn'esium flambait dans son bureau, n’y 'etait point : il se trouvait `a Ville-d’Avray.
— Je ne comprends pas. Ce qui s’est pass'e ici tient de la sorcellerie.
Mais au m^eme instant, Fandor 'eclata de rire :
— Que nous sommes b^etes ! dit le jeune homme qui, tout comme Juve quelques minutes avant, riait nerveusement sans 'eprouver cependant le moindre sentiment de gaiet'e. Ah, que nous sommes b^etes, Juve ! Je sais bien comment et pourquoi le visage de votre voleur est votre propre visage.
Juve leva la t^ete, consid'era son ami, et ironiquement, lui demanda :
— Ah tu sais cela ? Eh bien, vas-y de ton explication.
— Elle est simple, Juve. Ce bonhomme avait un masque, un masque moul'e sur vos traits.
Aux paroles de Fandor, Juve haussa les 'epaules.
— Un masque ? fit-il, parbleu oui, j’y ai d'ej`a pens'e, mais tu le dis toi-m^eme, un masque suppose un moulage, or, on ne m’a pas moul'e la figure sans que je m’en sois apercu.
Pourtant, Fandor ne paraissait point renoncer `a son id'ee :