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— Voil`a ce que c’est, Juve, que de vous ^etre conduit comme un poseur. Est-ce que votre buste n’a pas figur'e au Salon ? Est-ce que le marbre n’a pas admirablement reproduit vos traits ? Tenez, Juve, je mettrais ma main au feu que c’est sur votre buste qu’a 'et'e moul'e le masque qui nous a tant stup'efi'es par la photographie que nous venons d’en faire.
L’explication 'etait plausible, simple, irr'efutable. Mais elle ne fit pas plaisir `a Juve.
— Tu as raison, confessa le policier, hochant la t^ete, je suis puni par o`u j’ai p'ech'e. Un masque, oui, un masque moul'e sur mon buste, je suis roul'e `a plate couture. Mais j’aurai ma revanche, cr'edibis`eque, j’aurai ma revanche ! Cette affaire-l`a, il y a quelque chose qui me dit qu’il faut la joindre `a l’affaire de Ville-d’Avray et l’affaire de Ville-d’Avray, je ne serais pas 'etonn'e qu’il faille l’imputer aux chineurs, ces gens qui, en somme, ont attir'e ce malheureux Faramont `a la villa myst'erieuse.
10 – H'EL`ENE ET SES MYST`ERES
Au coin de la rue Saint-Vincent, tout en haut de Montmartre, trois personnages 'etaient r'eunis : l’Italien Isolino, Nadia sa ma^itresse, et la fille de Fant^omas.
Isolino et Nadia ne comprenaient pas tr`es bien ce que pouvait avoir `a leur communiquer la fille du bandit et pourquoi H'el`ene, quelques minutes plus t^ot, avait sembl'e si press'ee de les voir en particulier.
Isolino et Nadia, depuis l’affaire de Ville-d’Avray, 'etaient peu rassur'es. Ils vivaient dans une crainte perp'etuelle, une frayeur continuelle de la police et des agents de la S^uret'e.
Les deux amants ignoraient qui les avait attaqu'es lors de l’agression de Ville-d’Avray. Aveugl'es par le poivre, ils n’avaient song'e qu’`a fuir sans tenter la moindre r'esistance. Cela 'etait fort heureux pour H'el`ene.
H'el`ene, en effet, s’'etait rendue `a Ville-d’Avray le soir m^eme de l’agression. Elle 'etait renseign'ee sur le lieu exact de l’attaque, Mario Isolino ayant eu l’imprudence de parler trop haut au Cabaret des Raccourcis.
« Je sauverai le d'efenseur de mon p`ere », s’'etait dit H'el`ene.
La vaillante jeune fille avait tenu parole. `A pr'esent, la fille de Fant^omas, d’un air `a la fois autoritaire et engageant, s’adressait aux amants :
— Et puis quoi, disait-elle, au moment o`u Isolino et Nadia se d'ecidaient `a la rejoindre, et puis quoi, des fois ? Est-ce que vous vous imaginez que je vais rester longtemps `a poireauter pour vous esp'erer ? Non mais, vous ne compreniez pas, peut-^etre ? quand je vous faisais signe de radiner par ici ? En voil`a des flemmards. C’est-y que vous avez h'erit'e ?
Mario Isolino prit un sourire aimable :
— Tou es une gentille enfant, commenca-t-il, mais tou nous fais peur oune peu, et qu’est-ce que tou nous veux ?
Quant `a Nadia, elle campait ses deux petits poings serr'es sur ses hanches, et, jetant `a la fille de Fant^omas un regard de d'efi, elle l’interrogeait :
— Qu’est-ce que tu as `a nous dire ? Allez, jaspine, et ne fais pas de magnes.
H'el`ene, `a ce moment, fr'emit sous le vent du soir. Une horreur, un d'ego^ut secret lui venait `a la pens'ee qu’elle s’entretenait ainsi, en pleine nuit, dans les ruelles d'esertes de Montmartre, avec les deux mis'erables qu’elle avait devant elle, avec ce Mario Isolino, qui, simple escroc d’abord, 'etait devenu, au moins par intention, un assassin, avec cette Nadia, jadis encore petite femme de chambre, fine et d'elicate, au service de la grande dame qu’'etait Sonia Danidoff, et qui, par le fait des circonstances, s’'etait ainsi m'etamorphos'ee en une pierreuse au parler canaille, aux attitudes grossi`eres.
H'el`ene se m'eprisait d’^etre oblig'ee de parler comme une fille.
— Jaspine, r'ep'etait Nadia, conte-nous voir tes balivernes, de quoi qu’il s’agit ?
— Il s’agit de travail.
Or, cette annonce 'etonnait `a coup s^ur Isolino et Nadia. Dans la langue de la p`egre, « travailler » a toujours eu pour signification « voler ». 'Etait-ce bien un vol que la fille de Fant^omas voulait leur proposer ? Certes, H'el`ene 'etait connue dans la p`egre, certes, on connaissait sa parent'e avec le terrible G'enie du Crime, mais on savait aussi que, jusqu’alors, elle semblait avoir marqu'e une profonde r'epulsion pour le « travail », justement. H'el`ene changeait donc ? Elle perdait donc ses bons sentiments ?
— Tou vas nous proposer une affaire ?
— Oui.
— Un vol ou un crime ?
— Oh pas un crime. Un vol !
Et, en m^eme temps, elle reculait, effray'ee malgr'e elle de la lueur cruelle qui venait de s’allumer au fond des prunelles de Nadia.
— 'Ecoutez-moi bien, reprenait-elle pourtant, en tapant du pied et en faisant signe `a Isolino de ne point l’interrompre, je sais que vous ^etes tous les deux capables de me seconder et que vous n’avez pas peur.
— Peur ? Je ne sais pas ce que c’est, interrompit Nadia qui, depuis l’affaire de Ville-d’Avray, 'etait devenue audacieuse, terrible presque.
— Donc, continuait H'el`ene, voici ce que j’ai `a vous proposer : je connais un certain bonhomme, un nomm'e Dick, qui a sur lui, ce soir m^eme, une tr`es grosse somme d’argent enferm'ee dans son portefeuille, deux cent mille francs peut-^etre. Voil`a. Il faut aller les lui prendre.
— Sainte Madone, c’est une somme ce que tou dis l`a, et vraiment tou crois qu’il a cet argent dans son portefeuille ?
— Mais tu crois que le vol est facile ? demandait Nadia. Allons, quoi, fais pas des magnes, je te dis, raconte voir un peu la manigance ?