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Fant^omas parlait avec tant de calme, tant de d'ecision, que ses menaces effray`erent Dick. Le revolver qu’il braquait toujours sur Fant^omas d'esarm'e trembla l'eg`erement. Lentement, l’acteur laissa tomber sa main. Il gardait le regard braqu'e sur Fant^omas, et c’est d’une voix 'etrange, d’une voix douloureuse, qu’il s’'ecria, comme s’il se f^ut parl'e `a lui-m^eme :
— Vous ^etes donc un G'enie, qu’il faille toujours se courber devant votre volont'e, alors m^eme que l’on croit vous tenir `a merci ? Ah Fant^omas, si vous saviez cependant comme je vous hais de toute mon ^ame.
— En v'erit'e, vous me ha"issez, Dick ? Pourquoi ? Que vous ai-je fait ?
Or, cette question r'eussissait `a ranimer la col`ere de l’acteur. `A nouveau, Dick bondit vers Fant^omas, `a nouveau son revolver fr^olait la tempe du bandit.
— Vous me demandez pourquoi je vous hais ? cria-t-il. Eh bien, apprenez-le ! Je me nomme Dick, vous ai-je dit, c’est un mensonge, Dick est un pr'enom, Fant^omas ! Fant^omas, je m’appelle Valgrand ! Je suis le fils de l’homme que vous et lady Beltham avez envoy'e jadis `a l’'echafaud, quand il s’agissait de sauver votre t^ete, la t^ete de Gurn. Vous 'etiez alors `a peine connu sous le nom de Fant^omas. Vous avez tu'e mon p`ere, l^achement, abominablement. Lady Beltham a 'et'e la v'eritable meurtri`ere, et j’ai ha"i cette femme avant de vous ha"ir. Vous avez tu'e mon p`ere, mais il y a plus ! Vous avez fait p'erir ma m`ere. C’est lady Beltham qui a tu'e ma pauvre sainte m`ere, qu’elle avait prise comme dame de compagnie sous le nom de Mme Raymond [14]. Ah comprenez-vous, Fant^omas, si je peux vous ha"ir. Comprenez-vous ce qu’il y a de malheurs entre nous. Vous avez tu'e mon p`ere. Vous avez tu'e ma m`ere. Mon enfance a baign'e dans le sang que vous aviez vers'e. Il faudrait que je sois un monstre pour ne pas vous ha"ir comme je vous hais.
Fant^omas ne r'epondit pas. Le bandit 'etait devenu livide. Il consid'erait Dick, maintenant, avec des yeux d’'epouvante :
Le fils Valgrand ! Il 'etait en face du fils Valgrand ! `A ses oreilles, ce nom r'esonnait lugubrement, il semblait appeler des spectres, le spectre de l’acteur dont la t^ete avait roul'e sous le couperet de Deibler, le spectre de Mme Raymond que lady Beltham et lui avaient tu'ee, de Mme Raymond, qui 'etait Mme Valgrand. Puis brusquement, Fant^omas fut repris dans un tourbillon d’'epouvante. Dick devenait-il fou ? Devant lui le jeune homme venait d’'eclater de rire :
— Ah Fant^omas, hurla Dick, Fant^omas, quoi qu’il en soit je me suis d'ej`a terriblement veng'e. Je vous tiens aujourd’hui au bout de mon revolver, je n’ai qu’`a presser la d'etente pour verser votre sang, comme vous avez vers'e le sang de mon p`ere et de ma m`ere, mais ne croyez pas, ne croyez pas que ce serait l`a ma premi`ere ex'ecution. J’ai d'ej`a veng'e mes parents ! Allons, Fant^omas, vous pleurez lady Beltham. Eh bien, apprenez-le, lady Beltham, c’est moi qui l’ai tu'ee. Aujourd’hui, c’est Fant^omas contre Fant^omas. C’est Fant^omas qui se dresse. Car si vous ^etes Fant^omas, je l’ai 'et'e aussi. Pour m’approcher de lady Beltham, j’ai rev^etu votre cagoule, j’ai pris votre maillot noir. Fant^omas je l’ai 'et'e, je l’ai 'et'e aux yeux de beaucoup, aux yeux de Rose Coutureau, que vous avez tu'ee, sans soupconner pourtant la v'erit'e [15]. Fant^omas, je l’ai 'et'e encore aux yeux de Juve, et de Fandor. Vous ^etes puissant, Fant^omas, mais je le suis aussi. Ah, tenez, voulez-vous mieux encore ? Vous me parliez de votre fille, n’est-ce pas ? Vous n’avez qu’un amour au coeur, l’amour de votre fille ? Eh bien, H'el`ene est en mon pouvoir, ou sinon H'el`ene, du moins ses fameux papiers. Ces papiers o`u est racont'e le secret de sa naissance, je les avais vol'es chez Juve, en me grimant en Juve, H'el`ene me les a repris, mais je sais o`u ils sont cach'es, je les aurai quand je voudrai.
Un 'eclat de rire d'emoniaque secouait encore Dick.
— Me suis-je assez veng'e Fant^omas ? hurla derechef le jeune homme. Vous avez tu'e mon p`ere, mais j’ai tu'e lady Beltham, vous avez tu'e ma m`ere mais je vais d'epouiller votre fille.
Fant^omas 'etait livide. Les effroyables r'ev'elations qu’il venait d’entendre avaient boulevers'e ce coeur jusqu’alors intr'epide.
Quoi ? ce que disait Dick 'etait vrai ? C’'etait lui, l’assassin de lady Beltham ? C’'etait lui, l’autre Fant^omas ? Et il s’appr^etait encore `a nuire `a H'el`ene ?
Brusquement, Fant^omas se leva. En d'epit du revolver qui le menacait, il marcha sur Dick :
— 'Ecoutez-moi, ordonnait-il `a son tour, parlant d’une voix ^apre, m'etallique. 'Ecoutez-moi, vous vous ^etes veng'e, vous avez tu'e lady Beltham. C’est assez. Vous pouvez me tuer, si vous le voulez, peu m’importe. D'ecidez-vous. Mais, je vous le r'ep`ete, si vous m’assassinez ici, vous vous condamnez en m^eme temps, vous et Sarah Gordon. Quant `a ma fille, vous ne pourrez rien contre elle, puisque je vous le r'ep`ete, m^eme moi mort, vous ne sortirez pas vivant de cet h^otel.
Fant^omas se tut quelques instants. Puis, usant de cet art de com'edien qu’il poss'edait au supr^eme degr'e, changeant de voix, il proposa :
— Voulez-vous plut^ot, Dick, voulez-vous plut^ot que nous tachions de conclure un march'e ?
— Point de march'e possible entre nous.
— Si.
Et apr`es avoir hauss'e les 'epaules, le bandit poursuivit :
— Oh, je ne vous demande pas d’abdiquer quoi que ce soit de votre haine, je suis pour vous un objet d’ex'ecration parce que j’ai tu'e votre p`ere et votre m`ere, soit ! J’ai maintenant, moi, une terrible vengeance `a exercer contre vous, puisque je sais que vous avez tu'e lady Beltham. Eh bien n’importe ! Nous pouvons et nous devons nous entendre. Ma mort et votre mort n’arrangeraient rien. Or, il faut que l’un de nous deux triomphe de l’autre. Je suis le crime et vous ^etes la vengeance. Restons ce que nous sommes, continuons `a lutter, mais luttons utilement. Allons, vie pour vie. Ne me tuez pas et je ne vous ferai aucun mal. Dites-moi o`u sont les papiers de ma fille, et je vous promets que j’'epargnerai Sarah Gordon. Acceptez-vous ce pacte ? Vie pour vie, vous dis-je. Innocence pour innocence. Je n’ai pas de motif de ha"ir Sarah, et vous n’avez point le droit d’en vouloir `a H'el`ene.
En parlant, Fant^omas s’'etait crois'e les bras. Il semblait, d'edaigneux, hautain, attendre avec indiff'erence ce qu’allait d'ecider Dick. Il n’eut aucun fr'emissement, tandis que le jeune acteur r'epondait `a voix basse :
— Soit. J’accepte, Fant^omas, la tr^eve que vous me proposez, le pacte que vous m’offrez. Vous c'edez `a cause d’H'el`ene, je c`ede `a cause de Sarah. Venez, Sarah sera sauv'ee et moi, je vais vous faire trouver les papiers de votre fille. Allons, venez. Puisqu’il le faut, cessons une heure d’^etre ennemis. Nous nous ha"irons encore mieux apr`es.