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La corde tirait hors de la goutti`ere le malheureux Sunds, Juve et Fandor n’avaient pas le temps de se reconna^itre qu’un corps leur tombait sur la t^ete, cependant qu’`a quelques pas d’eux une sorte de boule ronde, sanglante, roulait.
C’'etait la t^ete de Sunds, la t^ete que le fil de fer avait tranch'ee net, comme l’avait pr'edit Fant^omas.
21 – LES AMATEURS DE FAUX REMBRANDT
La vente devait commencer `a deux heures pr'ecises, mais une bonne demi-heure auparavant, la foule s’'ecrasait d'ej`a dans la salle D de l’h^otel Drouot, qui avait 'et'e r'eserv'ee `a l’'eparpillement sensationnel des objets d’art ou autres, ayant appartenu `a l’infortun'e Danois Sunds. On avait annonc'e la liquidation de ses biens, `a grand renfort de r'eclame dans les journaux, dans l’espoir de faire une vente qui rapporterait pas mal d’argent.
C’'etait l`a l’int'er^et des cr'eanciers assez nombreux que le Danois laissait apr`es sa mort tragique.
Il y avait eu un autre but `a cette publicit'e, but que seuls quelques initi'es pouvaient conna^itre. La police, en effet, 'etait toujours sur les dents et confuse aussi de n’avoir pas fait la lumi`ere sur le myst'erieux assassinat du marchand d’antiquit'es, que l’on ne pouvait, malgr'e tout, attribuer `a un accident.
Fant^omas, avait conclu Juve.
Mais c’est `a peine si d'esormais, dans les bureaux de la S^uret'e, comme dans les couloirs du Palais de justice, on osait prononcer ce nom redoutable.
Or, si l’on avait annonc'e `a grand tapage la vente des objets ayant appartenu `a Sunds, et si on avait d'ecid'e d’op'erer cette vente dans les salons de l’h^otel Drouot, c’'etait afin d’y attirer parmi la foule interlope et vari'ee qui fr'equente habituellement l’h^otel des Ventes, des gens qui, peut-^etre, de pr`es ou de loin, auraient 'et'e m^el'es aux myst'erieuses affaires dont on recherchait la solution.
Il y avait autre chose 'egalement qui devait corser l’int'er^et de cette vente. C’'etait la pr'esence de la copie du tableau d'esormais presque aussi fameuse que le tableau lui-m^eme : le P^echeur `a la ligne de Rembrandt.
Les instructions ouvertes avaient 'etabli que l’auteur de cette affreuse peinture, qui avait 'et'e substitu'ee `a l’original, n’'etait autre que 'Erick Sunds. La d'ecouverte de sa supercherie remontait au lendemain de sa mort.
Lorsque Juve, avec les agents de la S^uret'e, perquisitionnaient dans l’atelier du d'efunt, ils y avaient d'ecouvert en effet, une bo^ite de couleurs contenant une palette, sur laquelle 'etaient 'etal'es quelques couleurs, quelques m'elanges encore tout frais. Or, ces diverses teintes que le peintre avait compos'ees 'etaient, pour la plupart, exactement identiques `a celles de la copie qui avait remplac'e la toile authentique `a l’exposition de Bagatelle.
Puis on avait enfin, au cours de l’enqu^ete `a Bagatelle, constat'e que quelqu’un avait d^u passer la nuit enferm'e dans le palais, la veille de l’inauguration, et, par une enqu^ete fort bien men'ee d’ailleurs, on avait conclu que Sunds 'etait le voleur et le copiste du superbe Rembrandt.
Il avait donc 'et'e d'ecid'e, sur les instances de Juve, et encore que cela ne f^ut pas tr`es r'egulier, que l’on mettrait en vente, avec les objets ayant appartenu `a Sunds, la copie du tableau de Rembrandt.
Lorsque les portes s’ouvrirent, la salle D se remplit en un clin d’oeil.
On s’y 'ecrasait consciencieusement. Des gens 'etaient debout, press'es les uns contre les autres. Toutefois, le monde 'el'egant, les gens chics, n’'etaient pas venus l`a. Par snobisme ou curiosit'e, certains auraient 'et'e d'esireux d’assister `a cette vente d’un genre assez inattendu, mais ils avaient eu peur. N’insinuait-on pas, depuis quelques jours dans le public, qu’il se pourrait bien qu’il se pass^at de vilaines choses `a l’h^otel Drouot, ce jour-l`a ?
M. Varin, commissaire-priseur, charg'e de la vente, vint rapidement s’installer `a son bureau et, assist'e de deux experts et de trois employ'es, il commenca l’'enum'eration des divers lots que l’on avait pr'epar'es.
Les ench`eres s’engag`erent, un peu molles, mais assez normales, cependant.
C’est ainsi que l’on vendait du linge, des meubles, quelques bibelots, des ustensiles de m'enage.
Dans un coin de la salle, deux hommes causaient `a voix basse.
Ils avaient l’air de modestes employ'es ou de gens venus de province, vu leurs accoutrements. Si quelqu’un, toutefois, s’'etait avis'e de les regarder de pr`es, et si on avait pu les voir au grand jour et non point dans cette salle fort obscure, on se serait peut-^etre rendu compte qu’ils avaient des apparences suspectes l’un et l’autre. Un habitu'e aurait certainement reconnu que ces deux hommes-l`a 'etaient grim'es, qu’ils portaient des postiches, que leur visage 'etait maquill'e.
Les deux hommes ainsi dissimul'es dans le fond de la pi`ece 'etaient Juve et Fandor.
Le policier avait entra^in'e l`a le journaliste, en lui disant :
— Tu vas voir qu’il se passera quelque chose et que nous ne sortirons pas de cette salle sans que notre enqu^ete ait progress'e.
Juve n’en avait pas dit plus, mais Fandor, habitu'e aux myst'erieuses attitudes de son ami, n’avait pas insist'e, attendant les 'ev'enements. Ceux qu’escomptaient Juve, devenaient 'evidemment imminents.