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Le gros int'er^et de la vente avait disparu, et la salle se vida aux deux tiers, cependant que le commissaire, impassible, continuait `a d'etailler les lots qui restaient `a vendre.
Juve et Fandor 'etaient sortis. Ils se retrouv`erent rue Drouot. Juve entra^ina son ami :
— Allons chez toi, rue Richer, fit-il. Il est bon de nous d'ebarbouiller et d’enlever ces grossiers maquillages qui pouvaient passer inapercus dans la p'enombre de l’h^otel des Ventes, mais qui nous feraient remarquer dans la pleine lumi`ere du jour.
Et lorsque les deux hommes furent install'es dans le petit appartement de Fandor, ce dernier demanda `a son ami :
— Enfin, Juve, m’expliquerez-vous pourquoi, apr`es vous ^etre attendu a voir ce tableau se vendre tr`es cher, ce qui semblait vous plaire, vous avez eu l’air tr`es content lorsque vous avez constat'e qu’il 'etait vendu fort bon march'e ?
— Cela prouve que j’ai un excellent caract`ere, et que je suis toujours heureux des 'ev'enements qui se produisent.
— Parfait, dit Fandor, mais encore ?
Juve redevint s'erieux :
— Eh bien voil`a, dit-il. J’estime que mes affaires vont tr`es bien. Je suis s^ur d’^etre sur une bonne piste. En r'ealit'e, j’avais peur de voir ce tableau filer dans les mains d’un amateur. Or, il reste dans le « milieu » d’o`u il ne doit pas sortir pour le moment. De deux choses l’une : ou ce tableau a 'et'e achet'e par une bande noire de revendeurs, simplement pour en tirer ensuite un certain profit. Ou alors ce sont les complices de Fant^omas, ceux qui, de pr`es ou de loin, se sont m^el'es des affaires des chineurs, qui ont gard'e ce tableau. Je crois que cette derni`ere hypoth`ese est la bonne et, d`es lors, nous allons mener notre enqu^ete grand train.
— Juve, je vous comprends de moins en moins.
— C’est pourtant bien simple. Je t’ai dit que j’avais une id'ee, une id'ee que tu trouverais folle, extraordinaire, invraisemblable, si je te la communiquais tout de suite ; mais tu la trouveras peut-^etre excellente un peu plus tard, lorsque je te l’expliquerai en d'etail. Toujours est-il que, pour le moment, j’estime que les vrais acheteurs du tableau n’ont pas os'e se manifester `a l’h^otel des Ventes. Il leur aurait d'eplu que l’on sache qu’ils s’en 'etaient rendus acqu'ereurs, et maintenant que cette fameuse cro^ute est tomb'ee entre les mains de la m`ere Toulouche, et que l’on peut se la procurer chez elle, tout en b'en'eficiant de l’anonymat, tu vas voir les amateurs se pr'esenter, et quels amateurs !
— Nous verrons, fit le journaliste qui, un peu sceptique, allumait une cigarette et interrogeait :
— Qu’allons-nous faire ?
Juve consulta sa montre.
— Attendre tranquillement chez toi. La vente se termine `a quatre heures, le tableau que vient d’acheter la m`ere Toulouche sera chez elle vers six heures du soir, probablement. `A six heures cinq, je serai dans le bric-`a-brac de la vieille femme et je lui ferai les propositions les plus honn^etes en vue d’acqu'erir cette oeuvre.
— Vous, Juve ?
— Moi, Juve, r'epliqua le policier, et je te prie de croire qu’en m’adressant `a la m`ere Toulouche, je ferai tout mon possible…
— Pour dissimuler votre identit'e ?
— Pas le moins du monde, dit Juve, je ferai tout mon possible, au contraire, pour bien me faire reconna^itre d’elle.
***
Il 'etait six heures cinq. Quelqu’un entra dans la boutique de la m`ere Toulouche, c’'etait Juve.
La vieille m'eg`ere sursauta : elle reconnaissait fort bien l’inspecteur de la S^uret'e, auquel elle avait eu si souvent affaire quelques ann'ees auparavant.
La m`ere Toulouche, toutefois, n’avait rien `a se reprocher.
Elle avait 'et'e condamn'ee, par les tribunaux, `a des peines assez longues, puis, suivant les usages, mise en libert'e provisoire.
La m'eg`ere se demanda un moment s’il convenait de saluer le visiteur par son nom, et de montrer `a Juve qu’elle reconnaissait en lui l’inspecteur qui, si souvent, lui avait donn'e du fil `a retordre.
Mais la m`ere Toulouche 'etait perspicace, et elle se rendait compte que, volontairement ou non, Juve ne paraissait pas se souvenir qu’il avait 'et'e jadis en relations avec elle.
Sans doute voulait-il passer aupr`es de la marchande pour un vulgaire acheteur, un amateur ordinaire. Juve venait chez elle, nullement grim'e, il semblait mettre une sorte de vanit'e `a se montrer tel qu’il 'etait r'eellement.
C’'etait bien Juve, l’inspecteur de la S^uret'e, qui entrait dans la boutique.
Il s’adressait `a elle, d’ailleurs, fort poliment :
— Madame, demanda Juve qui saluait, je suis amateur de curiosit'es, et l’on vient de me raconter que vous avez fait tout r'ecemment, cet apr`es-midi m^eme, l’acquisition d’un certain tableau, attribu'e `a Rembrandt, dont je voudrais me rendre acqu'ereur.