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Garrick, `a ces mots crispa les poings :
— Qui donc s’est permis de nous troubler ?… en plein bonheur.
Puis, menacant du geste un ennemi imaginaire, un adversaire inconnu, l’amant de Francoise Lemercier, car c’'etait bien, en effet, la ma^itresse du dentiste de Putney qui se trouvait l`a, poursuivit :
— Ah ! si seulement j’avais pu me douter… oui, ce doit ^etre « lui » qui a voulu reprendre son enfant…
Mais, au fait, Francoise, comment se fait-il que tu sois `a bord de ce paquebot ?… pourquoi veux-tu partir en Am'erique ?…
— Je pars chercher Daniel, je n’aurai de cesse, que Daniel une fois retrouv'e…
— Francoise, je veux t’aider `a retrouver ton enfant, poursuivit Garrick. Cela ne me dit toujours pas tes intentions, pourquoi tu pars pour le Canada ?
— Pourquoi ! s’'ecria Francoise Lemercier, qui paraissait surprise d’une telle interrogation, convaincue sans doute qu’il n’y avait pas, pour retrouver son fils, d’autre solution `a adopter que celle qui consistait `a s’embarquer `a destination de Montr'eal.
Garrick lui imposa silence ; il murmura `a son oreille :
— Descendons dans ta cabine, veux-tu ?… nous causerons plus librement.
***
Francoise Lemercier, jeune Francaise, mari'ee `a un Canadien et s'epar'ee de son 'epoux depuis qu’elle exercait la profession d’artiste, 'etait non seulement la m`ere d’un d'elicieux bambin de dix-huit mois, enfant blond, aux yeux clairs, mais encore la ma^itresse du docteur Garrick.
Ce dentiste 'etait mari'e. Et il ne b'en'eficiait pas de la sympathie de ses voisins. On le tenait pour un ^etre myst'erieux, 'etrange, perp'etuellement en voyage… Dans le voisinage de sa ma^itresse, bien que beaucoup moins connu, beaucoup moins remarqu'e, il n’'etait pas l’objet d’une beaucoup plus grande consid'eration.
On se rendait parfaitement compte que cet homme qui venait voir son amie en cachette, qui prenait les plus grandes pr'ecautions pour se dissimuler lorsqu’il entrait ou sortait de chez Francoise Lemercier, devait avoir quelque chose `a cacher.
Francoise Lemercier 'etait plus sympathique que Garrick aux habitants de Jewin Street.
La jeune femme 'etait modeste, r'eserv'ee, accueillante et serviable. Avait-on besoin d’elle, qu’elle se mettait toujours aimablement `a la disposition de ses voisins. Toutefois « la Francaise », comme on disait, n’'etait gu`ere loquace. Elle avait beau parler assez correctement l’anglais, elle restait muette sur sa vie priv'ee.
On attribuait cela `a la pudeur qu’elle 'eprouvait, peut-^etre m^eme `a la honte qu’elle ressentait de vivre en concubinage avec un homme mari'e, s^urement…
***
Or, alors qu’elle 'etait rentr'ee et qu’elle avait trouv'e l’appartement vide, le petit Daniel avait disparu, Francoise avait fix'e son regard sur un journal qui tra^inait sur la table.
Machinalement, Francoise Lemercier en avait lu le titre : Le Pr'ecurseur, et soudain la malheureuse s’'etait 'ecroul'ee sur le plancher, en proie `a une nouvelle 'emotion, en proie `a une lueur d’espoir.
La d'ecouverte de ce journal venait de lui ouvrir des horizons nouveaux.
Le Pr'ecurseur, c’'etait en effet une feuille canadienne qui se publiait `a Montr'eal. Francoise Lemercier n’'etait pas abonn'ee, elle ne la recevait jamais.
Ce journal avait donc fait son apparition chez elle depuis quelques instants `a peine, pendant sa malencontreuse absence, pendant les dix minutes qui avaient suffi au myst'erieux ravisseur pour lui d'erober son enfant… N’'etait-ce pas le ravisseur lui-m^eme qui avait involontairement laiss'e tra^iner derri`ere lui ce document r'ev'elateur ?
Francoise Lemercier se prenait `a l’esp'erer. Qui pouvait avoir int'er^et `a lui voler son fils, le petit Daniel ? Sans nul doute, son mari, le mari, le p`ere de l’enfant. Or, le mari de Francoise Lemercier 'etait canadien, la pr'esence de ce journal oubli'e expliquait tout.
Certes, Francoise Lemercier 'eprouvait une douleur effroyable `a l’id'ee que le petit Daniel avait disparu, mais elle se consolait aussi en songeant que le ravisseur de l’enfant devait ^etre son p`ere et que ce p`ere, assur'ement, ne ferait pas de mal `a son fils…
Puis, c’avait 'et'e la ru'ee des voisines dans le petit appartement de Francoise. Nul ne savait rien. On n’avait rien vu. Mais on voulait ^etre l`a.
Enfin, d`es qu’elle avait 'et'e seule la pauvre maman du petit Daniel avait pris une d'ecision.
Elle partirait pour le Canada par le premier bateau. Elle arriverait `a Montr'eal, ferait l’impossible pour retrouver son enfant… et elle le retrouverait.
Francoise Lemercier consulta un indicateur, partit le soir m^eme pour Liverpool. Auparavant, n’ayant pu joindre son amant Garrick, elle lui avait 'ecrit une lettre confuse o`u elle expliquait tant bien que mal ce qui lui 'etait arriv'e, puis son projet.