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Le policier savait qu’il fallait s’attendre `a tout de la part du bandit.
Et, s’il avait agi avec une semblable prudence, se faisant conduire rue de la Banque, `a un immeuble qu’il connaissait pour avoir deux issues, s’il avait dit au m'ecanicien du taxi de l’attendre dix minutes pour faire croire `a son poursuivant 'eventuel qu’il allait revenir, c’'etait afin de couper la filature que peut-^etre Fant^omas avait organis'ee autour de lui.
Sans perdre une minute, Juve fit signe `a une voiture de place qui descendait la rue Notre-Dame-des-Victoires et, s’'etant assur'e d’un rapide coup d’oeil circulaire que nul cette fois n’'etait `a ses trousses, il donna sa v'eritable adresse au cocher et d'ecida enfin de se faire conduire `a son domicile, rue Bonaparte.
Dix minutes plus tard, Juve arrivait chez lui sans encombre.
Certes, il y avait eu des changements chez Juve et encore que l’on n’e^ut gu`ere renouvel'e le mobilier depuis que le c'el`ebre inspecteur s’'etait install'e rue Bonaparte, au moment o`u il commencait `a se faire une situation `a la Pr'efecture de Police, le personnel, lui, avait chang'e.
Et c’est ainsi que Juve, lorsqu’il rentrait, ne trouvait plus dans son appartement la vieille silhouette famili`ere de son domestique Jean, mort depuis quelques mois, mais bien la silhouette plus grave et un peu solennelle de son nouveau serviteur, brave homme ventripotent et chauve, un certain Joseph, ancien huissier de la Pr'efecture de Police que Juve avait pris `a son service au lendemain du jour o`u ce fonctionnaire avait 'et'e mis `a la retraite.
Juve pouvait entrer, dans son appartement, entre sept heures du matin et huit heures du soir, il 'etait `a peu pr`es certain de d'ecouvrir dans un angle obscur de l’appartement, le fameux Joseph, immobile, la main sur la crosse de son revolver, qui attendait les 'ev'enements. Joseph, en outre, 'etait muet comme la tombe et lorsqu’il avait prof'er'e :
— Salut, chef, ou : Au revoir, chef, il n’aurait pas annonc'e le moindre 'ev'enement, quelle que f^ut son importance, avant qu’on ne l’e^ut pri'e de parler.
Juve, en rentrant chez lui, avait donn'e son bagage `a d'efaire `a son domestique puis, il se fit pr'eparer un bain, et en se d'eshabillant, le policier posait quelques questions `a son serviteur :
— Il n’est venu personne, Joseph ?
— Si, chef. L’homme du gaz. J’ai pay'e la note.
— Pas de courrier ? Pas de communications t'el'ephoniques ?
— Pardon, chef, quelqu’un a t'el'ephon'e ce matin qu’il viendrait vous voir vers les onze heures.
— Quelle est cette personne ?
— Elle ne s’est pas nomm'ee.
Quelques instant apr`es, Juve s’allongeait dans sa baignoire, 'eprouvait un bien-^etre extr^eme `a la douce caresse de l’eau ti`ede. Peu `a peu, il sentit une torpeur exquise, un d'elicieux engourdissement l’envahir lentement.
Juve, alors qu’il prenait son bain, aurait vu surgir Fant^omas, qu’il n’aurait pas 'et'e autrement 'etonn'e. N’avait-il pas eu jadis, l’occasion de se trouver dans la pi`ece toute voisine de sa salle de bain, dans son cabinet de travail, en t^ete `a t^ete avec le bandit, alors que Juve tout en soupconnant ce visiteur, 'etait `a cent lieues de se douter, qu’il avait en sa pr'esence et `a sa merci l’insaisissable Roi du Crime.
C’est qu’alors, en effet, Juve ignorait l’extraordinaire facult'e de transformations, que poss'edait Fant^omas, et qui lui permettait de se d'eguiser si habilement que les plus avertis s’y trompaient.
C’'etait l`a aussi, dans cet appartement, que Juve arrachant au bouge dans lequel il menacait de se corrompre et de se perdre, le petit Fandor, l’avait pris sous sa protection, pr'epar'e pour les luttes de la vie, d'ebrouill'e et fait de lui ce qu’il 'etait.
Et enfin Juve n’oubliait pas non plus que si ces murs, qui avaient 'et'e t'emoins de tant de sc`enes, devaient en conserver une empreinte d’horreur, ils renfermaient aussi des souvenirs plus doux et plus paisibles.
Soudain, comme Juve achevait de s’habiller, un coup de sonnette retentit.
Joseph introduisit le visiteur dans le cabinet de Juve. C’'etait un tout jeune homme, tr`es blond, au visage color'e, comme celui de quelqu’un qui vit au grand air. Il avait des yeux bleus tr`es clairs, des yeux de porcelaine, et sa l`evre sup'erieure s’ornait d’une petite moustache coup'ee ras. Les cheveux 'etaient courts, l’allure du visiteur, martiale et d'ecid'ee.
— Est-ce bien `a monsieur Juve que j’ai l’honneur de parler ?
Ce jeune homme s’exprimait dans un francais tr`es correct, avec `a peine une pointe d’accent. Juve inclina la t^ete, affirmativement :
— C’est moi-m^eme, monsieur.
— Je suis le lieutenant prince Nikita.
— Je le sais, monsieur, dit le policier, j’ai eu l’honneur de vous voir `a maintes reprises, et je n’ai point de doute quant `a votre identit'e, encore que vous ayez beaucoup chang'e depuis quelques ann'ees.
Il fouillait dans sa poche, pour y prendre une pi`ece d’identit'e.