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Lorsque le faux Anglais eut regagn'e sa chambre, ayant soigneusement ferm'e les rideaux des fen^etres, il tourna le commutateur et se mit en devoir d’enlever sa perruque, de supprimer les favoris roux qu’il avait substitu'es depuis quelques instants `a sa moustache grise et il apparut enfin tel qu’il 'etait.
Ce myst'erieux individu n’'etait autre que Fant^omas.
C’'etait bien le bandit qui, d'esormais, seul et sans t'emoin, ne jouait plus de com'edie, ne tenait plus de r^ole. Il se d'eshabilla lentement, le front soucieux, puis, une inspiration subite le d'etermina `a remettre sa perruque rousse et ses favoris jaunes. Il sonna alors, se fit monter par le garcon de l’eau chaude et les journaux du soir, puis il boucla sa porte.
***
Fant^omas, machinalement, avant de se mettre au lit, avait d'echir'e la bande d’un journal qu’il d'eployait devant lui.
Mais, le bandit ne lisait pas : il 'etait pr'eoccup'e. Soudain, celui que l’on avait tant de fois qualifi'e d’insaisissable, et qui ce soir-l`a se disposait `a passer une nuit paisible et tranquille comme la nuit du plus honn^ete des bourgeois, tressaillit soudain en consid'erant le journal qu’il avait sous les yeux.
Cette feuille, en effet, portait la date du 24 mars.
Le bandit tira sa montre :
— Dix heures, fit-il, et dire que je n’y songeais plus. Me suis-je donc tromp'e de jour ? Non pourtant. Nous sommes bien aujourd’hui le 24.
La pens'ee de Fant^omas se reportait `a quelques journ'ees en arri`ere, `a la conversation avec le sinistre 'equarrisseur rencontr'e sur la falaise bretonne, avec l’'enigmatique et myst'erieux Jean-Marie, au rendez-vous avec lui. Tant pis, il n’y serait pas. Il avait d'ep^ech'e Jean-Marie aux trousses de sa fille et l’'emotion qu’il 'eprouvait donc ce soir-l`a en s’apercevant que l’on 'etait le 24 mars, qu’il 'etait 10 heures 1/4 du soir et qu’il avait rendez-vous dans un quart d’heure, `a six cents kilom`etres de l`a, n’'etait qu’une 'emotion r'etrospective, car il se doutait bien que s’il manquait au rendez-vous, Jean-Marie, lui non plus, n’avait pas pu s’y rendre. Fant^omas se rassura, mais sa tranquillit'e ne devait ^etre que de courte dur'ee.
En effet, comme il parcourait le journal, le bandit ne put retenir un cri d’angoisse. Il lut un fait-divers, le relut avec attention, poussa des exclamations 'etouff'ees, puis, devint tout pale, cependant qu’une inqui'etude extr^eme se peignait sur son visage.
La d'ep^eche envoy'ee au journal, d'ep^eche dat'ee de Rennes et r'eduite `a quelques lignes, 'etait ainsi concue :
« Au cours d’une exp'erience de tir effectu'ee dans les faubourgs de notre ville par une jeune fille employ'ee dans la baraque de deux romanichels, r'epondant au nom du P`ere et de M`ere Zizi, un accident qui aurait pu ^etre grave s’est produit Les cartouches que l’on croyait charg'ees `a blanc, 'etaient charg'ees `a balles et la jeune boh'emienne feignant de tirer sur un spectateur qui s’'etait offert comme comp`ere b'en'evole, a failli tuer ce malheureux. On a proc'ed'e `a l’arrestation de l’involontaire coupable qui, n’ayant pu justifier de son identit'e a 'et'e conduite au Commissariat de Police, puis 'ecrou'ee `a la prison de Rennes. »
— H'el`ene, murmura Fant^omas, H'el`ene est arr^et'ee. Qu’a-t-il bien pu se passer ? la malheureuse, que va-t-il advenir d’elle ?
Fant^omas, en effet, savait bien que la seule jeune fille faisant partie de la troupe du p`ere et de la m`ere Zizi, 'etait sa fille. Mais comment le drame s’'etait-il produit ? par suite de quelle affreuse supercherie, H'el`ene avait-elle 'et'e mise, `a son insu dans un aussi mauvais cas ?
Et, tout naturellement, Fant^omas en 'etait amen'e `a se demander quel r^ole Jean-Marie, qu’il avait cat'egoriquement charg'e de surveiller et de prot'eger la jeune fille, avait jou'e dans cette affaire.
Jean-Marie avait manqu'e `a sa mission, peut-^etre m^eme avait-il trahi ? Cette id'ee, Fant^omas ne pouvait la supporter. Il se leva brusquement, arpenta la pi`ece `a grands pas, faisant de profondes aspirations, en homme qui 'etouffe. Puis, une nouvelle inqui'etude parut envahir son esprit.
— En admettant m^eme, se disait Fant^omas, que Jean-Marie ait accompagn'e H'el`ene et l’ait prot'eg'ee jusqu’au moment du scandale, il est bien 'evident qu’il a d^u d'eguerpir sit^ot apr`es l’accident.
Fant^omas v'erifia :
— La d'ep^eche est dat'ee du 22, fit-il. Mais alors, Jean-Marie voyant qu’H'el`ene 'etait conduite en prison, a d^u consid'erer sa mission comme termin'ee. Il a d^u se dire qu’il convenait de m’aviser au plus vite des incidents, qu’il fallait me les expliquer. Oui, c’est 'evidemment logique, Jean-Marie en toute h^ate a d^u regagner la falaise, il doit m’attendre aux abords du manoir de Kergollen o`u il croit me retrouver, oh, c’est simple, terriblement simple. Nous avons rendez-vous ce soir `a dix heures et demie `a la porte du manoir, Jean-Marie y sera et moi je me trouve `a six cents kilom`etres du lieu du rendez-vous, nulle puissance humaine ne pourrait d'esormais me permettre d’arriver `a temps. Et si Jean-Marie se trouve seul il agira peut-^etre.
Et Fant^omas, en effet, songeait au sinistre crime que tous deux avaient complot'e, le bandit songeait que dans un quart d’heure, une demi-heure peut-^etre, devait d’apr`es leurs conventions, sonner l’instant supr^eme o`u Dame Brigitte allait ^etre hors d’'etat de nuire.
Soudain, Fant^omas bondit, pris d’une inspiration subite.
Il venait d’apercevoir, accroch'e au mur, l’appareil t'el'ephonique. D’une main tremblante il d'ecrocha le r'ecepteur, se fit mettre en communication avec le portier de l’h^otel :