Шрифт:
Huit jours avant, alors que les deux boh'emiens venaient `a peine d’arriver aux portes de la capitale, tandis qu’ils s’occupaient d’installer leur campement, ils n’avaient pas 'et'e peu surpris de voir appara^itre devant eux celle qu’ils avaient surnomm'ee « la merveilleuse jeune femme », et qui n’'etait autre que la fille de Fant^omas.
— Bonjour, p`ere et m`ere Zizi, comment donc allez-vous ?
De stup'efaction, le p`ere et la m`ere Zizi avaient failli tomber `a la renverse.
Apr`es l’accident de Morlaix, l’accident au cours duquel leur compagne, si malencontreusement, avait bless'e un malheureux jeune homme, puis s’'etait vue arr^et'ee, les deux boh'emiens, effray'es, terrifi'es m^eme, s’'etaient h^at'e de reprendre la route.
Ils avaient voyag'e `a marche forc'ee. Alors qu’ils s’appr^etaient `a faire encore campagne pendant un mois, le p`ere et la m`ere Zizi brusquement avaient d'ecid'e de regagner Paris, esp'erant bien que la police, la justice, institutions qui veulent du mal aux pauvres gens, perdraient leurs traces et ne les retrouveraient pas dans la plaine de Saint-Ouen.
H'el`ene avait 'et'e avare d’explications.
— Bah, ne vous faites pas de mauvais sang. Tout s’est tr`es bien arrang'e. On a reconnu que j’'etais innocente. On m’a remise en libert'e. En libert'e provisoire, et vous le voyez, je me suis h^at'ee de vous suivre `a la piste, pour reprendre ma place dans la roulotte.
— Mais ma pauvre petite, c’est que pendant l’hiver on ne peut pas t’employer. Nous avons juste, le p`ere et moi, de quoi ne pas mourir de faim.
Par bonheur, l’esprit inventif du p`ere Zizi avait trouv'e moyen d’arranger les choses.
Il savait que la jeune fille 'etait travailleuse, il savait aussi qu’elle avait besoin de gagner sa vie, il n’avait pas h'esit'e `a lui proposer une place :
— Allons, j’ai assez de relations pour pouvoir te caser. Ici, vois-tu, ma fille, nous sommes au centre des installations de biffins. C’est bien le diable si je n’en trouve pas un qui veuille t’engager.
La fille de Fant^omas avait accept'e d’enthousiasme, et, deux heures plus tard, en effet elle 'etait « engag'ee » par l’un des chiffonnier les plus importants de la plaine Saint-Ouen, un chiffonnier qui s’occupait tout sp'ecialement des vieux m'etaux, et que, par plaisanterie, ses compagnons avaient surnomm'e « l’Accapareur ». H'el`ene 'etait ainsi devenue chiffonni`ere. Elle gagnait sa vie. Mais 'etait-ce bien pour gagner sa vie qu’elle avait accept'e ce rude m'etier ? N’avait-elle pas une raison secr`ete de ne pas quitter les 'epoux Zizi ?
***
— Chauffeur, vous me m`enerez `a la porte de Saint-Ouen.
Juve qui venait de sauter dans un fiacre et de donner cette adresse vague, s’enfonca sur la banquette de la voiture, s’accouda, parut profond'ement r'efl'echir.
— De plus en plus bizarre, murmurait le policier, d’un air pr'eoccup'e, c’est `a n’y rien comprendre, et je me demande si jamais je renouerai les fils rompus de cet extraordinaire 'echeveau. O`u est le portefeuille ? Nikita m’'ecrit qu’il ne trouve rien. Diable, cela c’est le plus grave de tout. Mais il y a mieux. Qu’est devenu Fandor ? Lui me t'el'egraphie que la fille de Fant^omas est arr^et'ee, puis ne me donne plus de nouvelles. Pourquoi ? Qu’est devenue m^eme la fille de Fant^omas ? « D'etenue dans la prison de Brest », m’a t'el'egraphi'e Fandor. Je t’en fiche, `a la prison de Brest, il y a bien eu, en effet, une jeune fille r'epondant au signalement d’H'el`ene, mais elle a trouv'e le moyen de s’enfuir, avec l’aide probable d’un jeune chirurgien-dentiste. Un complice de Fant^omas ? C’est possible, mais ce n’est pas certain. Et puis o`u a 'et'e H'el`ene ? Ah, nom d’un chien de nom d’un chien, il faudrait pourtant que j’arrive `a comprendre quelque chose avant que ca commence `a se g^ater.
Juve avait raison de s’inqui'eter.
Non seulement il n’avait pas de nouvelles de Fandor, ce qui, 'etant donn'e leurs conventions, ne devait pas le tourmenter outre mesure, mais encore il n’avait pas la moindre id'ee de ce qu’avait pu devenir le portefeuille.
Quand Fandor et lui l’avaient cach'e dans le creux de la falaise, se rendant compte qu’ils n’avaient aucun moyen de l’emporter en s'ecurit'e jusqu’`a Paris et qu’il valait mieux le laisser en lieu s^ur pour d'etourner sur eux l’attention de Fant^omas et laisser au lieutenant Nikita le temps de venir le chercher, Juve avait 'et'e persuad'e que nul n’avait pu le voir dissimuler le pr'ecieux document. Nikita cependant n’avait rien trouv'e dans la cachette. Quelqu’un l’avait donc pris ?
— Fant^omas, songeait Juve, nous a attaqu'es, Fandor et moi, `a la petite gendarmerie, o`u il a tu'e le malheureux Pancrace. C’est la preuve certaine que Fant^omas ne se doutait pas, ne pouvait pas se douter de ce qu’'etait devenu le portefeuille. Il croyait `a ce moment-l`a que nous l’emportions, Fandor et moi. Il ne soupconnait nullement que nous avions cach'e l’objet. Rien n’a pu le faire changer d’opinion. Rien n’a pu lui faire d'ecouvrir notre cachette. Or, l’explication est la m^eme pour Sonia Danidoff et Ellis Marshall. Ils nous poursuivaient, donc ils croyaient que nous poss'edions le portefeuille. Donc ce ne sont pas eux comme ce n’est pas lui qui sont all'es le reprendre. Qui, alors ?
Juve, de r'eflexion en r'eflexion, de d'eduction en d'eduction, en 'etait arriv'e `a se demander s’il ne fallait pas croire qu’une seule personne avait pu voler le portefeuille rouge, une personne qui n’'etait autre que la fille de Fant^omas.
— Elle, songeait Juve, ne nous a jamais poursuivis. J’ignore ce qu’elle a fait depuis le naufrage du Skobeleff. Ne serait-il pas `a supposer qu’embusqu'ee derri`ere un rocher, elle ait pu nous voir, Fandor et moi, en train de dissimuler le portefeuille ? D`es lors, pourquoi ne l’aurait-elle pas retir'e de sa cachette ? pourquoi ne l’aurait-elle pas vol'e, soit pour le remettre `a son p`ere, soit par haine de la police, soit encore pour s’en faire une arme terrible contre quiconque – agents russes ou agents francais – voudrait attenter `a sa libert'e ?