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— C’est entendu, r'epondit H'el`ene, je vous remercie de me pr'evenir et si vous pouvez h^ater les formalit'es de lev'ee d’'ecrou, je vous en serais tr`es reconnaissante.
La gardienne s’'eloigna.
H'el`ene songeait `a ce moment `a l’extraordinaire facilit'e avec laquelle on signait sa mise en libert'e.
Elle n’'etait pas 'eloign'ee m^eme de penser que, peut-^etre, elle devrait sa rapide sortie de prison `a un effet de la volont'e de Fant^omas.
— Mon Dieu, pensait-elle, pourvu qu’en quittant cet horrible endroit, je ne tombe pas entre les mains de mon p`ere ?
Mais plus elle r'efl'echissait et moins il apparaissait vraisemblable `a son imagination surexcit'ee que ce f^ut gr^ace `a Fant^omas qu’elle allait recouvrer la libert'e.
— Si ce n’est point mon p`ere, se disait-elle, qui donc, si vite, a pu obtenir ma gr^ace ? Ne serait-ce pas Fandor ?
La jeune fille en 'etait l`a de ses r'eflexions, lorsque le surveillant-chef fit son entr'ee.
— Num'ero 22, venez ici, num'ero 22, cria-t-il.
— Est-ce pour ma mise en libert'e ? demanda H'el`ene.
— Ah bien, vous en avez de bonnes, vous ? votre mise en libert'e. C’est pas pour vous conduire `a la rue que je viens vous prendre, c’est pour vous mener en cellule.
— En cellule, mon Dieu, pourquoi donc ?
— Para^it que vous ^etes inculp'ee dans l’affaire du naufrage du cuirass'e russe. Vous avez 'et'e mal inspir'ee, tout de m^eme, de vous faire choper `a Morlaix. Sans votre maladresse, jamais on ne vous aurait mis la main dessus.
H'el`ene ne r'epondit rien. Car il n’y avait rien `a dire au garde-chiourme.
En suivant le surveillant, H'el`ene croyait vivre un abominable cauchemar.
Deux jours plus tard, comme la fille de Fant^omas commencait `a d'ejeuner, c’est-`a-dire entamait la miche de pain rassis offerte par l’administration p'enitentiaire, elle ne fut pas peu surprise de trouver, enfoui dans la mie de son pain, un tout petit billet 'ecrit sur du papier `a cigarette, roul'e en boule, et sur lequel se lisaient ces mots :
« Plaignez-vous d’une rage de dents… »
H'el`ene r'efl'echissait encore `a cette myst'erieuse intervention quand un gardien, par le judas trouant l’'epaisse porte de sa cellule, effectuant la ronde ordinaire, demanda :
— Rien `a noter au rapport ?
— Si, dit H'el`ene, inscrivez-moi pour la visite m'edicale. J’ai une terrible rage de dents.
Le sort en 'etait jet'e. Qu’allait-il se passer ?
Il devait ^etre `a peu pr`es six heures du soir, lorsque enfin un gardien s’arr^eta `a la porte de la cellule occup'ee par la fille de Fant^omas.
Les verrous grinc`erent, la porte imposante et massive finit par s’ouvrir.
— Venez dit le gardien. C’est pour le dentiste, num'ero 22 ? Ah, sacr'e Dieu, je vous plains, les rages de dents, ca fait bougrement souffrir, je sais ce que c’est. Il y a un an, j’avais comme ca une grosse molaire.
***
Par raison d’'economie budg'etaire, la prison de Brest poss'edait une infirmerie aussi mal organis'ee que possible.
Les malades, hommes ou femmes, 'etaient entass'es dans des salles 'etroites et petites, mal a'er'ees, o`u l’on respirait un air vici'e.
Les consultations, notamment les consultations des m'edecins proprement dits, des oculistes, des dentistes, se tenaient dans un petit cabinet dont la fen^etre 'etait close par des vitres d'epolies si sales que le jour y passait `a peine, avec des barreaux de fer entre lesquels s’accumulaient d’'epaisses toiles d’araign'ees m^el'ees `a une poussi`ere s'eculaire.
Ce fut dans ce local que, sous la conduite du gardien-chef pr'epos'e aux mouvements des prisonni`eres, on introduisit H'el`ene.
Deux hommes se trouvaient l`a, en blouses blanches : le dentiste et son aide.
— Mon Dieu, songeait la fille de Fant^omas, que vont-ils dire s’ils s’apercoivent que je n’ai rien ?
Mais d'ej`a le plus ^ag'e des praticiens, 'evidemment le dentiste en titre, la brusquait :
— Allons, montez sur ce fauteuil. Asseyez-vous. Plus vite que ca, o`u souffrez-vous ?
Il n’'ecouta m^eme pas sa r'eponse, b'egay'ee d’une voix mal assur'ee. Il introduisait dans la bouche de la patiente une sorte d’instrument d’acier, destin'e `a maintenir les m^achoires ouvertes.