Шрифт:
Les deux directeurs n’avaient qu’`a s’incliner.
— Prince, affirma l’a^in'e, toutes nos dispositions sont prises. Nous avons fait am'enager notre propre cabinet de travail au rez-de-chauss'ee. Le tsar n’aura qu’`a suivre ce couloir pour y p'en'etrer, nous tiendrons `a honneur de nous poster nous-m^emes, mon fr`ere et moi, ici au commencement de ce corridor, et vous pouvez ^etre certain que nul n’approchera de la pi`ece o`u vous causerez avec Sa Majest'e.
Le lieutenant prince Nikita, z'el'e, visita alors lui-m^eme les lieux, s’assura que tout avait 'et'e parfaitement pr'evu.
— Je vous remercie, messieurs, dit-il, je ne vois rien `a reprendre `a ce que vous avez d'ecid'e, nous n’avons plus qu’`a attendre l’arriv'ee du souverain.
Les fr`eres Rosenbaum s’inclin`erent, d’un mouvement automatique :
— Attendons.
Ils n’attendirent pas longtemps.
Vingt minutes apr`es, `a neuf heures cinq exactement, une nouvelle voiture s’arr^etait devant la petite porte de l’usine.
Un jeune homme fort 'el'egant, en civil, descendit qui, imp'erieusement, avertit les fr`eres Rosenbaum d’avoir `a se tenir pr^ets :
— Je pr'ec`ede la voiture imp'eriale, annoncait-il. Elle est `a quelques kilom`etres seulement.
L’envoy'e ne se trompait point. Il avait `a peine fait ranger sa propre voiture, qu’une nouvelle automobile s’arr^etait devant la petite porte de l’usine.
Les fr`eres Rosenbaum se pr'ecipit`erent pour faire les honneurs de leur maison. Tr`es p^ale, mais l’air r'esolu, le prince Nikita bondit `a la porti`ere qu’il ouvrit en personne :
— Sire, commenca le jeune officier, permettez-moi…
Mais il n’avait pas le temps de souhaiter la bienvenue au souverain. Du fond de la voiture, une voix br`eve, enrou'ee, lui coupa la parole :
— Lieutenant, ne m’appelez pas « sire », je suis ici incognito ; mon nom est « Comte Iakovleff ». Je passe pour un aide de camp de l’Empereur.
Et, en m^eme temps, n'egligeant l’offre des bras qui se tendaient pour lui pr^eter appui, le tsar descendit de la limousine, non sans remonter autour du cou, bien que la temp'erature f^ut tr`es douce, un 'epais cache-nez :
— Pressons, messieurs, conduisez-nous, prince Nikita. J’ai un maudit enrouement, je ne tiens pas `a l’aggraver en prenant froid.
Bien que les fr`eres Rosenbaum, tout comme le prince Nikita, d’ailleurs, fussent un peu d'ecus de la s'echeresse qui percait dans les paroles imp'eriales, ils n’avaient pas `a marquer leur m'econtentement :
— Excellence, si vous voulez me suivre, en effet… commenca le prince Nikita.
Et, marchant devant l’Empereur – car l’usage veut, en Russie, que le souverain soit toujours pr'ec'ed'e de quelqu’un, pour le cas o`u un danger pourrait se trouver sur sa route – le lieutenant guida le tsar vers le cabinet garni de fleurs o`u il allait avoir `a « rendre compte » de sa mission :
— C’est ici que nous devons causer ? eh bien, causons, lieutenant. Vous avez le portefeuille ?
Le tsar ne s’'etait m^eme pas d'ebarrass'e de son paletot. Il gardait son chapeau sur la t^ete, il avait l’air de vouloir en quelques minutes finir un entretien d'eplaisant.
— Mon Dieu songeait cependant le prince Nikita, consid'erant son auguste ma^itre et fr'emissant de plus en plus `a la pens'ee de la terrible confidence qu’il allait avoir `a lui faire. Pourvu qu’il ne m’en veuille pas.
— Prince, dit le tsar, qui nerveusement tirait de sa poche une cigarette russe, et se penchait au-dessus d’une lampe famili`erement, pour l’allumer, je vous attends. Donnez-moi ce portefeuille.
Le lieutenant mit un genou en terre et avoua :
— Sire, je ne l’ai pas.
Mais le prince Nikita n’avait pas achev'e de parler que, brusquement, le tsar se retourna :
— Vous ne l’avez pas ? demandait-il d’une voix devenue fr'emissante, vous ne l’avez pas ? allons donc, je ne veux pas vous croire. Je sais qu’hier soir…
— Sire, je ne l’ai pas. Je ne l’ai plus.
— On vous l’a repris ?
— Je l’ai d'etruit, sire.
— Vous l’avez d'etruit ? Vous ^etes fou.
— Non, sire, mais charg'e par l’Auguste Bienveillance de Votre Majest'e de la terrible mission de rapporter ce portefeuille, j’ai estim'e que Votre Auguste Bienveillance avait trop compt'e sur moi, que je n’'etais pas certain de pouvoir, f^ut-ce au p'eril de ma vie, sauver ce portefeuille des convoitises de vos ennemis et c’est pourquoi, sire, je l’ai d'etruit. Mais je l’ai d'etruit apr`es avoir lu le document qu’il contenait, apr`es avoir grav'e chacun de ses mots au plus profond de ma m'emoire.