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Que faisait Fandor `a Saint-Martin ?
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Il avait fait un r'eel prodige et pay'e d’audace en s’emparant de la lettre `a lui adress'ee par H'el`ene. Mais depuis qu’il avait lu les mots de la mourante, il 'etait `a vrai dire incapable de r'efl'echir, incapable d’une action sens'ee, d’une d'ecision raisonnable.
Fandor, en arrivant `a Cherbourg, en reconnaissant la fille de Fant^omas dans la personne de la dactylographe d’Herv'e Martel, avait, un instant, cru qu’il allait enfin toucher au bonheur, qu’il allait enfin pouvoir go^uter les joies d’un amour qui jusqu’alors ne lui avait apport'e que les plus cruelles tristesses.
Puis, des calamit'es terribles s’'etaient `a nouveau abattues sur le journaliste et voil`a qu’au moment o`u la police enti`ere 'etait mobilis'ee contre lui, o`u son signalement 'etait t'el'egraphi'e de tous c^ot'es, o`u on le recherchait comme on recherche un espion, un tra^itre abominable, il apprenait par surcro^it qu’H'el`ene 'etait mourante, qu’elle agonisait au ch^ateau de Saint-Martin.
— H'el`ene va mourir, s’'etait dit Fandor, je saurai trouver moyen de lui rendre ses derniers moments moins p'enibles, d’^etre `a c^ot'e d’elle. `A coup s^ur, avait imagin'e Fandor, H'el`ene est tomb'ee aux mains de Fant^omas. C’est Fant^omas, ce ne peut ^etre que Fant^omas, l’homme qui a abord'e, en barque, le sous-marin d'esempar'e. C’est lui qui a enlev'e la jeune fille. Mais cette lettre, n’'etait-elle pas dict'ee, sous la terreur, par Fant^omas ?
Or, H'el`ene 'ecrivait qu’elle 'etait mourante. N’y avait-il pas l`a une ruse ? La lettre 'etait-elle sinc`ere ? Fant^omas n’avait-il pas contraint sa fille qu’il aimait, `a adresser ce supr^eme appel `a Fandor ? Le jeune homme n’avait pas h'esit'e une seconde.
H'el`ene lui donnait son adresse. Elle lui disait qu’elle agonisait au ch^ateau de Saint-Martin, il irait `a Saint-Martin, il irait vers H'el`ene, au risque de se trouver face `a face avec Fant^omas.
Parce que le chemin de fer 'etait surveill'e, Fandor avait achet'e une bicyclette et avait gagn'e sa destination par la route.
`A peine le jeune homme 'etait-il sur la place du pays, – il 'etait cinq heures et demie du soir, – qu’il avisait un gamin appuy'e contre une maison et le regardant avec l’effarement que met un petit campagnard `a consid'erer un homme de la ville arr^et'e dans son pays.
— H'e, le gosse, criait Fandor, peux-tu me dire o`u est le ch^ateau ?
Il e^ut demand'e o`u se trouvait le roi, o`u l’on pendait les gens, o`u la guillotine fonctionnait, qu’il n’e^ut pas produit un effet plus consid'erable. Fandor avait cri'e `a haute et intelligible voix. Il assista non seulement `a la fuite 'eperdue de l’enfant, mais encore `a l’apparition simultan'ee d’une dizaine de t^etes aux maisons voisines.
— Tiens, pensa le journaliste, ils sont curieux dans ce patelin.
— S’il vous pla^it, pourriez-vous m’indiquer le chemin du ch^ateau ?
`A la question, pourtant simple du journaliste, le jeune homme devint rouge comme une pivoine, b'egaya quelque chose, puis regagna l’auberge sans demander son reste.
— Eh bien, murmura Fandor, d'epit'e, ils sont complaisants dans l’arrondissement.
Fandor, sans se d'ecourager cependant leva la t^ete, pr^et `a interroger l’un des paysans aux fen^etres. Mais, comme le journaliste se retournait, une par une, les fen^etres se referm`erent. Il n’y avait pas `a s’y tromper, on refusait de le renseigner.
Au tabac, Fandor demanda et obtint un paquet de cigarettes, puis en tendant sa monnaie, s’informa :
— Pourriez-vous m’indiquer, madame, le chemin du ch^ateau ?
Or, il n’avait pas sit^ot pos'e cette question que quatre paysans, occup'es dans un coin de la boutique `a vider des pichets de cidre, d’'emotion se lev`erent. La buraliste repoussa sa chaise et parut pr^ete `a dispara^itre.
— Mais qu’est-ce qu’ils ont donc ? murmura-t-il, qu’est-ce qu’il y a donc de si 'etrange `a ma question ?
Et il r'ep'eta :
— Pourrais-je savoir par o`u je dois passer pour atteindre le ch^ateau ?
— Vous voulez aller au ch^ateau, monsieur ?
— Oui, madame, j’ai une visite `a y faire.
— Une visite ? Mais comment donc s’appellent les gens qui y habitent ?
— Ma foi, madame, je ne sais pas. Je ne connais pas ces personnes. J’ai besoin pr'ecis'ement de faire leur connaissance.
La buraliste se signa.
Maintenant, tout le monde parlait `a la fois.
Le ch^ateau hant'e.
Le monsieur de Paris ne le savait pas ? Des chats de deux m`etres. Des revenants, tra^inant des cha^ines. `A moins de vouloir se suicider, il ne fallait pas s’y rendre. On y livrait, chaque nuit, de la chair saignante.
19 – LES GARDIENS DU CH^ATEAU
— Si j’'etais mar'echal en chef, si j’'etais Napol'eon I er, il n’est pas douteux que j’ordonnerais `a l’un de mes clairons, de sonner le rassemblement. C’est l’instant. Il faut tenir conseil. H'elas, je ne suis pas Napol'eon. Je ne suis plus m^eme Fandor.