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— Ma parole, continuait Fandor, quand nous avons apercu votre taxi-auto, quand Nalorgne s’est pench'e en demandant : « C’est vous, Pros… ? » je n’aurais pas donn'e cher de ma vie, je me croyais bel et bien fichu.
— Et alors ?
— Et alors, bien entendu, je ne vous ai pas reconnu, mon bon Juve, car vous 'etiez sous votre voiture.
— Pr'ecis'ement pour que l’on ne me reconnaisse pas.
— Je suis donc mont'e docilement dans cette auto, et je m’attendais aux pires 'ev'enements, lorsque j’ai vu votre main, votre main droite qui, avec ostentation, frappait contre la vitre. Donc, votre signe de la main a attir'e mon attention sur la vitre du fiacre. J’y ai lu tout naturellement l’avis que vous aviez grav'e :
T’inqui`ete pas, Fandor, c’est moi, Juve, qui m`ene ce taxi-auto, t^ache d’immobiliser P'erouzin, je me charge de Nalorgne.
Je me suis acquitt'e de ma partie de concert. P'erouzin, qui ne s’attendait `a rien, a tr`es gentiment accept'e de venir dans mes bras, et ma foi, c’est tout. Mais comment diable ^etes-vous ici ?
Le taxi-auto filait toujours dans la nuit noire. De temps `a autre, Juve, d’un signe de la main, indiquait `a Fandor la direction qu’il importait de prendre, une direction bizarre qui rapprochait certainement le v'ehicule de Paris, mais qui, cependant, n’'etait pas le chemin le plus court pour gagner la Pr'efecture.
— Ah c`a, faisait-il, vas-tu me reprocher d’avoir remplac'e Prosper, car c’'etait Prosper qu’ils attendaient, sur la pr'esence duquel ils comptaient, ces bandits. Aimerais-tu mieux…
— Ne plaisantez donc pas, Juve, vous devriez comprendre mon impatience. Je vous quitte paralytique, je vous retrouve agile comme un z`ebre. J’arrive prisonnier et cinq minutes apr`es je suis libre, il y a bien de quoi…
— Tu n’es pas libre du tout, faisait-il tranquillement, tu es toujours sous le coup d’un mandat d’arr^et, ne l’oublie pas, un mandat d’arr^et sign'e par moi-m^eme.
— Sans doute, Juve, mais enfin ?
— Stoppe, ordonna le policier.
Comme Fandor h'esitait, Juve r'ep'eta :
— Arr^ete-toi donc, animal, fais entrer notre taxi-auto dans ce terrain vague que tu apercois l`a-bas. Je connais l’endroit, n’aie pas peur, notre voiture peut passer. Bon, maintenant, va te ranger pr`es de la champignonni`ere.
Fandor, intrigu'e, ob'eissait aux ordres de Juve, conduisait le v'ehicule pr`es du monticule que le policier lui d'esignait. L’endroit 'etait sinistre `a souhait, d'esert comme il n’est pas possible. Fandor n’avait pas immobilis'e son v'ehicule, qu’il questionnait `a nouveau Juve.
— Mais, bon Dieu de bon Dieu, que pr'etendez-vous donc faire ?
— Tu vas le voir.
Juve avait saut'e du fiacre, il faisait signe `a Fandor de venir l’aider. Juve ouvrait la porti`ere du taxi-auto. Bl^emes, livides, d'ecompos'es, ligot'es au point de ne pouvoir faire un geste, b^aillonn'es `a ne pouvoir dire un mot, P'erouzin et Nalorgne s’y trouvaient, croyant leur derni`ere heure venue.
Juve regarda les deux agents, rit, puis :
— Crois-tu, Fandor, que tu as une belle revanche ? Crois-tu qu’ils ont l’air malheureux ?
La remarque faite, Juve ordonnait :
— Prends-moi Nalorgne par les 'epaules, pendant que je me charge de P'erouzin. Ah, tu peux ramasser le revolver de P'erouzin, c’est le mod`ele de la S^uret'e, il est excellent.
Fandor, de plus en plus interloqu'e, se demandait quelles pouvaient ^etre les intentions de Juve. Le policier venait de charger P'erouzin sur ses 'epaules, avec la m^eme indiff'erence qu’il e^ut apport'ee `a transporter un colis.
— Prends donc Nalorgne, r'ep'etait Juve, tu n’as pas l’air de te douter que je suis horriblement press'e.
Fandor empoigna Nalorgne et suivit Juve. Le policier se dirigeait alors vers un puits d’a'eration communiquant avec une champignonni`ere. Un grand panier 'etait l`a, suspendu `a une corde servant 'evidemment `a descendre les outils de travail n'ecessaires `a la culture des champignons.
— Voil`a un ascenseur parfait.
Et, en m^eme temps, il jetait P'erouzin dans le panier.
— D'epose Nalorgne.
Et quand Fandor se fut ex'ecut'e, quand Nalorgne eut rejoint dans le grand panier son complice P'erouzin, Juve laissa filer la benne, la fit descendre au fond de la champignonni`ere.
— `A notre tour, dit Juve. Il y a une 'echelle.
Quelques secondes plus tard Juve et Fandor tiraient Nalorgne et P'erouzin du panier qui avait servi `a les descendre, les accolaient `a la muraille.
Juve 'etait toujours d’excellente humeur, il se frottait les mains, il riait :
— Et maintenant, mon petit Fandor, d'eclarait le policier, tu vas me faire le plaisir de prendre ce revolver en main, de t’asseoir dans cette cave, bien en face de ces gaillards-l`a, et de monter la garde devant eux, jusqu’`a ce que je sois revenu te prendre. J’ai `a faire.