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— Avant d’^etre dans les affaires, messieurs, vous 'etiez, dans la police, si je ne me trompe ?
— Pardon, nous 'etions inspecteurs g'en'eraux de la S^uret'e g'en'erale de Monaco.
— Je me le rappelle, en effet, fit le courtier d’assurances. Vos silhouettes m’'etaient famili`eres, ces derniers hivers, lorsque j’allais dans les salles de la roulette `a Monte-Carlo. Bien. Exercez-vous toujours ce… m'etier ?
— Nous faisons, en effet, d'eclara-t-il, des enqu^etes discr`etes, des recherches, dans l’int'er^et des familles. Naturellement nous ne travaillons pas pour tout le monde. Mais lorsqu’il s’agit d’un client, d’un client important bien entendu…
— En somme, interrompit Herv'e Martel, vous seriez dispos'es ?
Nalorgne cligna de l’oeil, hochait la t^ete :
— Nous sommes `a votre enti`ere disposition.
Tant et si bien que le courtier leur raconta la disparition des dix milles francs de titres, la dactylo qui avait vu le paquet, l’ancien cocher Prosper qui 'etait entr'e et sorti.
— Tout cela, dit P'erouzin, est extr^emement grave.
— Grave, peut-^etre. En tout cas l’aventure est compliqu'ee.
— Plus que vous ne le croyez, poursuivit Herv'e Martel. J’oubliais de vous dire qu’`a un moment donn'e, nous avons entendu, M lle H'el`ene, la dactylographe, et moi, comme un profond soupir. J’ai m^eme plaisant'e `a ce propos, M lle H'el`ene, lui demandant si elle avait des peines de coeur. Or elle n’avait pouss'e aucun soupir.
— Voil`a, fit Nalorgne, qui est 'etrange.
— Extraordinaire, dit P'erouzin.
— N’est-ce pas, messieurs, fit le courtier. Pour ma part, je vous avoue que je ne comprends pas, mais l`a pas du tout. Je ne sais qu’une chose malheureusement, c’est que mes titres ont disparu et que je voudrais bien les retrouver.
— Et vous voulez nous charger de faire une enqu^ete ?
— Ma foi, d'eclara franchement Herv'e Martel, telle est en effet mon intention, mais vous comprenez comme c’est d'elicat. Je ne tiens pas du tout `a ce que la chose s’'ebruite. Il s’agit l`a d’une aventure d'esagr'eable qui s’est pass'ee chez moi. T^achez donc de faire la lumi`ere, mais avec tact et discr'etion. Si je ne m’adresse pas `a la Pr'efecture de Police, c’est pr'ecis'ement pour 'eviter `a ceux qui m’entourent, les brutalit'es de ces messieurs du quai des Orf`evres. Attention, n’est-ce pas, et du tact. Tenez, il y a aussi mon valet de chambre, le vieux Baptiste, qui depuis vingt ans est dans la famille. Bien entendu, je ne l’accuse pas. Mais enfin, l’enqu^ete vous regarde. Agissez, et `a bient^ot.
— Ah, dit Nalorgne, une fois que les deux nouveaux d'etectives priv'es se retrouv`erent dans la rue, nous trouverons et ce n’est pas difficile de dire, d`es `a pr'esent, quel est le coupable.
— Oui, dit P'erouzin, vous avez raison de dire « le » car dans cette affaire on ne peut pas dire : « Chercher la femme ».
— La femme, non, mais le cocher.
— Oui, nous sommes bien d’accord. Parbleu, la voil`a la source inexpliqu'ee de la soudaine fortune de Prosper. C’est lui qui, ce matin encore a d'erob'e les titres de son ancien patron. Bonne affaire, bonne affaire, nous avons `a la fois sous la main le coupable et le plaignant. Et dans les quarante-huit heures, gr^ace `a notre perspicacit'e, j’aime `a croire que le sympathique Prosper couchera au D'ep^ot.
3 – L’INCOMPR'EHENSIBLE COUP DE VENT
— Vous direz tout ce que vous voudrez mais lorsqu’on sait s’arranger, prendre la vie du bon c^ot'e, ne jamais mettre midi `a quatorze heures, se persuader que tout s’arrange, avoir le plus souvent possible le ventre `a table et le dos au feu, conna^itre de bons amis, r'eussir dans sa profession, l’existence est encore une chose charmante. Je porte la sant'e de notre ch`ere Irma.
Le courtier maritime avait r'euni ce soir-l`a, chez lui, ceux qu’il appelait ses amis de plaisir, par opposition aux autres.
— Chaque jour, disait Martel, je suis oblig'e de fr'equenter mes coll`egues, courtiers maritimes. Ce sont d’excellentes gens qui me parlent courtage maritime. Or, le courtage maritime m’int'eresse de huit heures du matin `a six heures du soir. Apr`es il m’assomme. Donc, si j’ai des amis s’occupant de courtage maritime, ils ne m’int'eresseront que jusqu’`a six heures du soir. Pass'e ce moment, fini !
En cons'equence de quoi, l’assistance, ce soir, ignorait tout des questions de fret, connaissements ou sinistres.
`A sa droite, tr^onait Irma de Steinkerque, grosse bonne fille visant `a la minceur demi-mondaine, au coup de fourchette fameux, pr'esence obligatoire `a tous les « balthazars ».
`A c^ot'e d’elle, Maurice de Cheviron, titulaire d’une excellente charge d’agent de change, dont toute l’ambition 'etait de m'eriter le qualificatif de boulevardier. Il savait les derniers potins du Tout-Paris, fredonnait le refrain en vogue, tutoyait la vedette du music-hall `a la mode. Lui aussi poss'edait un coup de fourchette appr'eciable et de plus se connaissait en vins.