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`A gauche du ma^itre de maison, Charley, un petit jeune homme d’un blond d'eteint, `a la moustache tombante, artiste, mais personne ne savait si la musique, la litt'erature, la peinture, la sculpture, 'etaient l’occupation dont il attendait gloire et fortune.
Herv'e Martel recevait parfaitement.
— Vrai, c’est rigolo, affirmait Irma de Steinkerque, souriant d’un r^atelier superbe `a une maigre jeune femme blonde coiff'ee `a la Botticelli qui accompagnait Maurice de Cheviron. J’ai d'ej`a remarqu'e ca. Quand on veut faire un bon d^iner, il ne faut pas ^etre plus de quatre ou cinq.
Mais on discutait de la repr'esentation prochaine d’un cirque de gens du monde :
— Vous savez que la petite baronne dansera sur la corde raide ? demanda Cheviron.
— Parbleu, elle a l’habitude des faux pas.
Et comme on riait de cette rosserie non d'eguis'ee, Irma qui n’avait pas compris :
— Mais non, c’est pas vrai. Elle marche l`a-dessus tout `a fait bien, comme sur un plancher.
— D'ecid'ement, mon cher Herv'e, disait Charley, je commence `a croire que le courtage maritime est une excellente classe. Depuis que vous avez achet'e votre charge, on ne vous reconna^it pas. Auparavant vous 'etiez silencieux, triste, renferm'e.
— Et maintenant, je suis gai comme une petite folle ? Parbleu, vous oubliez, mes amis, que vous me voyez toujours apr`es l’heure fatidique o`u j’abandonne mes affaires. Moi, je fais de ma vie deux parts, l’une pour le travail, l’autre pour le plaisir.
— Et quelle est la plus grosse ?
Herv'e allait r'epondre, Irma lui coupa la parole d’une plaisanterie, stupide `a son ordinaire :
— Cela d'epend des dames.
Sur quoi, avec un air de reproche et une face indign'ee, Rosalie, la vieille domestique, qui, les jours de r'eception intime, aidait Baptiste au service de la table, quitta la salle `a manger apr`es avoir jet'e `a son ma^itre un regard d'edaigneux.
Rosalie ne pouvait souffrir qu’Herv'e Martel, un monsieur si bien, un monsieur, rec^ut de la sorte, « n’importe qui » chez lui.
— C’est des gens qu’on voit au restaurant, affirmait Rosalie.
Mais qui se souciait de ce que pensait Rosalie ?
— Vrai, demandait Irma de Steinkerque `a Charley, vous croyez que je pourrais apprendre `a danser ?
— Mieux que Terpsichore, affirma gravement le courtier maritime, d’ailleurs, je parie que vous valsez `a ravir.
— Non, je ne sais pas.
— Allons donc.
— Allez, Charley intervint alors Cheviron, faites-nous l’invitation `a la valse qu’Irma nous montre ses talents, je me charge de la musique.
On rit, on applaudit, Charley se leva pour inviter Irma de Steinkerque, l’enlaca et la fit tournoyer, tandis qu’avec un accord touchant, les autres convives bourdonnaient la valse lente.
Tandis que Rosalie murmurait :
— Si c’est pas honteux. C’est des orgies qu’ils font.
Or, au moment pr'ecis o`u Charles Charley, que l’on n’aurait pas cru si vigoureux, faisait pirouetter une Irma de Steinkerque tenue `a bout de bras, un vacarme surprenant s’'eleva dans l’appartement du courtier maritime. Comme si le plafond se f^ut 'ecroul'e. Comme si les meubles eussent dans'e la polka. Comme si… Une seconde, deux secondes… Puis le silence.
— Hein ? Qu’est-ce qu’il y a ? Vous avez entendu ?
— Mes amis, commenca Herv'e Martel, excusez-moi quelques secondes, je vais voir…
— On vous suit.
***
— Qu’est-ce qui se passe, Rosalie ? qu’est-ce que c’est ?
Rosalie 'etait `a l’abri, derri`ere la silhouette bedonnante d’un superbe ma^itre queux.
— Je ne sais pas, monsieur, r'epondait Rosalie, mais bien s^ur que c’est le diable ou un d'emon, la maison en a trembl'e.
— Vous savez, dit Martel, ne vous attendez pas `a une surprise, ca ne fait nullement partie du programme des f^etes. Ah ca, par exemple, la porte est donc ferm'ee ?
Mais Herv'e Martel se trompait. Devant la r'esistance impr'evue de la porte du cabinet de travail, il avait fait un violent effort et soudain elle s’ouvrit :
Le cabinet de travail si bien rang'e il y a un moment, offrait un spectacle de champ de bataille.
L’'etag`ere, charg'ee de petits vases pr'ecieux, 'etait 'ecroul'ee sur le sol, les coussins du canap'e gisaient, 'eventr'es, pr`es de la chemin'ee, les chaises 'etaient renvers'ees, les fauteuils crev'es montraient le crin. Sur le bureau, les papiers en tas, en tra^in'ee, jonchant la pi`ece. Les tableaux arrach'es, jet'es sur le sol. Un rideau de la fen^etre accroch'e aux cand'elabres de la chemin'ee. La biblioth`eque avait sa vitre lamentablement bris'ee. La corbeille `a papiers 'etait vid'ee de son contenu r'epandu `a travers la pi`ece. Sur la petite table o`u d’ordinaire la dactylographe travaillait, le pot de colle perdait son liquide naus'eabond.