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— Je suis M. Nalorgne et voici mon associ'e, M. P'erouzin. Vous ^etes ici dans notre cabinet, Mademoiselle. Parlez sans crainte. Qu’est-ce qui vous am`ene `a notre porte ?
— Mon Dieu, Messieurs, commencait la jeune fille, je viens vous trouver pour une affaire importante.
— Eh bien, Mademoiselle, de quelle affaire s’agit-il ?
— Du vol qui s’est produit dans le bureau de mon patron, M. Herv'e Martel, et la suite.
D'ej`a P'erouzin avait bondi.
— Nalorgne, c’est le dossier 1738, hein ?
— Voyez au r'epertoire, mon cher ami, je ne me rappelle plus trop.
— Il n’est peut-^etre pas n'ecessaire de retrouver le dossier, je venais simplement vous demander si vous aviez du nouveau. Vous continuez les recherches, n’est-ce pas ?
— Voyez plut^ot.
Triomphalement, Nalorgne exhibait un 'enorme dossier bourr'e de documents :
— Voyez plut^ot. Malheureusement, nous n’avons rien de nouveau. Vous n’aviez que cela `a nous demander. Mademoiselle ? C’est dommage. Vous ne d'esirez pas, par exemple, que nous nous occupions de votre mariage ?
— Je ne d'esire pas me marier, Monsieur. Mais j’aurais peut-^etre `a vous demander aide et conseils. Vous vous chargez de rechercher les personnes, n’est-ce pas ?
— Parfaitement. Vous d'esirez retrouver ?
— Je serais heureuse d’avoir l’adresse d’un journaliste r'edacteur `a La Capitale. M. J'er^ome Fandor.
***
Pour la troisi`eme fois la sonnette tinta.
— Bigre, murmura P'erouzin, encore un client ?
P'erouzin se trompait. Un homme lui tendait un papier :
— Le terme, fit-il, deux cent soixante quinze francs, messieurs.
— Oh, ce n’est pas la peine, ne vous d'erangez pas, faites une fiche, on passera payer cet apr`es-midi `a la banque.
— Ah bon.
Leurs r'eflexions devenaient sombres, lorsque quelques instants plus tard, par la porte qu’ils n’avaient point referm'ee, un second garcon de recette, qui n’'etait autre que Prosper, se glissait dans le cabinet de travail.
Prosper, joyeux comme un pinson, se jeta dans un grand fauteuil, brandit triomphalement sa sacoche, 'eclata de rire, envoya une claque amicale sur le ventre de P'erouzin :
— H'e, bon sang, rigolez donc, les enfants, c’est de la bonne ouvrage que je viens de faire. Ah, mince alors, comment que je me suis amus'e. C’est quatre fafiots que je viens de lever.
— Quatre cents francs ? demanda Nalorgne.
— Jamais de la vie, petit p`ere, je ne travaille pas dans ces prix-l`a, moi. C’est quatre mille balles que je rapporte, et, vous savez, il n’y a pas de surprise, avec moi. Moiti'e, moiti'e, que je vous ai dit. Voil`a les quatre mille francs. Deux mille pour moi, deux mille pour vous.
Sous les yeux 'eblouis de Nalorgne et P'erouzin, Prosper tira de sa sacoche quatre beaux billets bleus :
— Non, voyez-vous, d'eclarait-il, c’est une mine, que mon proc'ed'e ; rien `a craindre, pas de frais g'en'eraux et de la galette tant qu’on en veut. Ah, on va se la couler douce, tous les trois.
— Enfin, Prosper, expliquez-nous donc un peu votre profession ?
— Que je vous l’explique ? r'ep'etait le cocher, eh bien, vous en avez de bonnes, j’croyais que vous l’aviez devin'ee. Allons, les poteaux, ouvrez les oreilles. 'Ecoutez-moi bien. Je vous ai dit, n’est-ce pas, chaque mois, de t^acher de me savoir, c’est facile, dans votre m'etier, l’adresse de maisons de commerce qui ont de gros encaissements `a faire, et le nom des gens qui doivent leur payer cet argent. Bon. Quand vous m’avez fourni ce renseignement, je m’arrange `a me faire faire par un imprimeur une facture du mod`ele de celui qu’emploie la maison qui a l’argent `a toucher. C’est pas malin, et puis, dame, apr`es, ca va tout seul. Tenez, aujourd’hui 30, je savais que la maison Guinon devait payer quatre mille balles `a la maison Miller et Moller. Vous m’avez procur'e une facture de la maison Miller et Moller. Bon, `a neuf heures du matin, raide comme balle, juste `a l’ouverture des bureaux, j’'etais chez Guinon. « Monsieur le caissier, que je leur ai dit, c’est pour un recu Miller et Moller de quatre mille balles. Le payez-vous ? » — « Attendez, qu’il m’a dit, je vais voir si j’ai ca de marqu'e sur mon 'ech'eance. » Il a regard'e. Naturellement, c’'etait marqu'e, et comme ma facture paraissait bonne, que de plus je suis rev^etu d’un habit de garcon de recette, il m’a vers'e les quatre mille balles sans douleurs. Et allez donc. Comme je me pr'esente le premier, il n’y a jamais de difficult'es. C’est rond comme une galette, mon truc. Il n’y a qu’`a se laisser faire. Celui qui se fait engueuler, c’est m^eme pas moi, c’est le vrai garcon de recette, celui qui arrive avec la vraie traite, et qu’on prend pour un voleur. Ah, va te faire fiche, moi, j’suis loin.
Prosper se leva, tapa derechef sur le ventre de P'erouzin :
— C’est compris ? eh bien, mes petits enfants, je vous le r'ep`ete, vous ^etes des copains, des poteaux, j’vous propose la combine. Moiti'e, moiti'e, vous me fournissez des adresses, des renseignements. Comme vous 'ecrivez mieux que moi, vous m’aidez `a faire les traites, `a imiter les signatures. En 'echange, je vous donne la moiti'e de mes b'en'efices. Ah, au fait, en raison de notre premi`ere affaire, rendez-vous ce soir `a huit heures et demie ici, ca va ? ca colle ? On cro^ute ensemble ?
D'ej`a le joyeux Prosper 'etait parti.
— 'Evidemment, commenca P'erouzin, 'evidemment, ce qu’il fait n’est pas honn^ete, et notre devoir…
— Oui, notre devoir nous oblige `a le faire arr^eter… Vous allez chez le commissaire, alors, P'erouzin ?
— Non, c’est vous qui y allez.
— Allons-y ensemble, voulez-vous ?
Ils avaient le chapeau sur la t^ete, le parapluie en main, quand, soudain, Nalorgne, timidement, remarquait :
— Il y a la banque aussi o`u il faut passer. La banque pour payer notre loyer.