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Or, comme Juve longeait les compartiments de premi`ere classe et pensait n’avoir pas encore atteint celui dans lequel 'etait install'e pendant le commencement du trajet J'er^ome Fandor, le policier 'eprouvait une surprise qui, certes, n’'etait comparable qu’`a celle qu’avait connue le journaliste lorsqu’il s’'etait trouv'e `a l’improviste en face de Fant^omas, sur les quais de la gare d’Anvers.
Juve venait, en effet, tout juste de crier `a haute voix :
— Fandor…
Personne n’avait r'epondu. Or, dans le compartiment que Juve longeait, qui apercevait-il d’abord, tranquillement occup'e `a fumer un cigare ? J'er^ome Fandor en personne !
Juve, `a cette vue, eut r'eellement un mouvement de col`ere.
— Ah ca, par exemple, pensait l’excellent policier, c’est un peu fort ! mais voil`a une plaisanterie que je n’admets pas… Fandor me laisse le chercher comme un imb'ecile ; que diable, il aurait bien pu me r'epondre !
Et Juve, entra^in'e par son acc`es de mauvaise humeur, allait se pr'ecipiter vers le journaliste et lui adresser de virulents reproches, lorsque, tout au contraire, il s’arr^etait net, surpris.
J'er^ome Fandor, bien qu’ayant l’air de fumer avec rage, gardait les yeux clos et ne bougeait pas. Il y avait 'evidemment dans son attitude quelque chose de voulu, d’'etrange, de syst'ematique.
Juve, qui connaissait `a merveille Fandor pour ^etre remuant au possible, ne pouvait, sur ce point, garder le moindre doute. Si Fandor 'etait ainsi immobile, s’il ne tournait m^eme pas la t^ete, si, pour tout dire, il continuait sa plaisanterie et ne souriait pas `a Juve, c’'etait 'evidemment qu’il avait un grave motif pour agir ainsi.
Quel 'etait ce motif pourtant ?
Juve, bien 'evidemment, ne pouvait l’imaginer. Toutefois, il 'etait trop homme de sang-froid pour h'esiter sur le parti `a prendre.
— Bon, se dit Juve en lui-m^eme. C’est moi qui suis un imb'ecile, et j’ai eu tort de l’accuser. Il se passe quelque chose d’extraordinaire, j’en mettrais ma main au feu ; Fandor enqu^ete sur quelque chose ou du moins surveille quelqu’un !
Debout dans le couloir du wagon, se tenant `a la main courante pour r'esister aux secousses occasionn'ees par la marche rapide du train, Juve inspecta le wagon dans lequel se trouvait le journaliste.
Juve, toutefois, avait quelque peine `a passer ainsi une inspection s'erieuse et d'etaill'ee. Le wagon, en effet, 'etait plong'e dans la p'enombre, car le soir venait, et de plus, l’un des voyageurs, pr'ecis'ement situ'e en face de Fandor, avait tir'e, pour s’accoter confortablement, le rideau de la fen^etre.
La demi-obscurit'e qui r'egnait ainsi dans l’'etroit petit compartiment 'etait telle que Juve pouvait tout juste apercevoir son ami sans avoir aucune facilit'e pour distinguer l’expression de ses traits.
— Qui diable observe-t-il ? pensa Juve.
Et, lentement, le policier, t^achant de ne pas ^etre remarqu'e, consid'era les voyageurs qui entouraient Fandor.
Outre le voisin du journaliste, un homme d’une quarantaine d’ann'ees qui somnolait paisiblement, la bouche ouverte et pr^et `a ronfler, il n’y avait pas grand monde dans son compartiment. Il s’y trouvait tout juste, en effet, une vieille dame qui s’occupait fort d’une petite fille, laquelle semblait franchement insupportable, et, enfin, un autre monsieur `a l’apparence fort correcte, qui fumait, lui aussi, les yeux au plafond, suivant les zig-zags que dessinaient ses bouff'ees de tabac.
Juve vit tout cela en un clin d’oeil, et dut s’avouer qu’il ne notait rien parmi les habitants du compartiment, qui lui par^ut digne de remarque.
— Ma parole, grogna le policier… que diable surveille donc Fandor ?
`A nouveau, le journaliste fixa son ami. Fandor, toutefois, ne bougeait pas ; il gardait sa m^eme pose de nonchalance, le cigare aux l`evres, les yeux clos, la t^ete renvers'ee en arri`ere.
Juve alors s’impatienta.
— Fichtre de bonsoir, je n’y comprends rien ! jura-t-il encore.
Et, comme il 'etait sinc`ere avec lui-m^eme, Juve se d'eclara brutalement :
— D'ecid'ement, je vieillis, et Fandor devient plus fort que moi… O`u je ne trouve rien de suspect, il voit 'evidemment quelque chose de tr`es int'eressant, de remarquablement int'eressant !
Juve ne pouvait pas, en effet, se tromper sur l’int'er^et que J'er^ome Fandor portait `a la surveillance qu’il devait effectuer. Il ne pouvait pas s’y tromper, pour une tr`es bonne raison qui 'etait tout simplement que Fandor, quoique fumeur enrag'e, paraissait oublier compl`etement qu’il fumait. Le jeune homme, en effet, ne tirait pas une seule bouff'ee de son cigare qui se consumait lentement.