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Aussi bien le personnage 'etait connu ; son extraordinaire sobriquet venait de ce qu’il passait dans la p`egre pour avoir commis deux crimes abominables. Lors du premier, il avait tu'e trois personnes, lors du second, il en avait tu'e deux.
Trois-et-Deux toutefois n’'etait pas un assassin ordinaire.
Loin de dilapider, en effet, la petite fortune que ses deux crimes lui avaient rapport'ee, il s’occupait `a la g'erer et la g'erait de si habile facon qu’il 'etait en quelque sorte devenu un v'eritable petit rentier, touchant, affirmaient les gens bien inform'es, pr`es de huit cents francs d’int'er^ets par an !
Trois-et-Deux, 'evidemment, ne pouvait songer, avec ces revenus, `a vivre largement, mais comme c’'etait un sage, il ne se plaignait point de son sort. Tout rentier qu’il f^ut, d’ailleurs, Trois-et-Deux n’avait pas renonc'e `a travailler. Par exemple, il avait une profession bizarre, il s’intitulait tout simplement contre-policier.
Trois-et-Deux, en effet, s’occupait principalement de faire de la contre-police. C’est ainsi que lorsqu’un crime se commettait, il se chargeait, moyennant une honn^ete r'etribution vers'ee d’avance, de surveiller les agissements de la police, et de filer les inspecteurs de la S^uret'e qui cherchaient eux-m^emes `a filer le criminel.
Trois-et-Deux 'etait inattaquable, car la prescription couvrait ses m'efaits pass'es, et, d’autre part, il avait bien soin de vivre honorablement d'esormais. Trois-et-Deux op'erait donc en toute libert'e d’esprit.
Cet extraordinaire bonhomme trouvait moyen de s’insinuer un peu partout, de tra^iner `a la Pr'efecture de police, d’^etre bien avec les commissariats, d’apprendre enfin tous les mouvements concernant les affaires criminelles. Il tenait des fiches, avait un r'epertoire fort en ordre, c’'etait en r'ealit'e un homme pr'ecieux et que les criminels instruits avaient tout int'er^et `a fr'equenter.
Fant^omas connaissait depuis longtemps, naturellement, l’existence de Trois-et-Deux. Il utilisait rarement cependant les avis du bonhomme. Fant^omas 'etait en effet si parfaitement intelligent, si sup'erieurement document'e par ses propres complices qu’il n’avait gu`ere besoin des services d’autrui.
Cette fois, cependant, il lui 'etait indispensable de se renseigner.
La bande de Fant^omas 'etait en effet quelque peu diss'emin'ee.
Ma Pomme, parti avec Juve, 'etait nul ne savait o`u. OEil-de-Boeuf et Bec-de-Gaz devaient se trouver encore en Belgique, occup'es `a rapatrier ou plus probablement `a fourguer l’automobile de Fant^omas.
Gueule-de-Bois 'etait rest'e `a Bruxelles sans doute, Bouzille lui-m^eme avait disparu depuis le passage de Fandor dans le passage `a niveau.
Fant^omas ne pouvait s’adresser `a ses autres complices, car ceux-ci, bien 'evidemment, et cela par sa faute, n’'etaient pas au courant de ses derni`eres aventures.
Fant^omas, dans ces conditions, prenait un ton aimable pour interroger Trois-et-Deux.
— Je viens chercher des renseignements, disait-il, et je paierai bien.
Trois-et-Deux, `a un tel exorde, r'epondait par un aimable sourire.
— Bien payer, d'eclarait-il sentencieusement, c’est le moyen d’^etre bien servi. Que veux-tu savoir, Fant^omas ?
Le Ma^itre de l’effroi parut, avant de r'epondre, r'efl'echir quelque peu.
— Je voudrais, hasardait-il enfin, conna^itre exactement ce que fait Juve depuis quelque temps ?
Un sourire passa sur les l`evres de Trois-et-Deux, qui, ayant introduit Fant^omas dans une petite pi`ece organis'ee en bureau, s’'etait assis sans facon sur le coin de sa table.
— Fort bien, r'epondait-il. Depuis quand, Fant^omas, veux-tu ces renseignements ?
Le Ma^itre de l’effroi, `a ce moment, regardait soupconneusement Trois-et-Deux.
L’infernal contre-policier souriait, en effet, d’un sourire 'enigmatique, et cela n’'etait pas sans inqui'eter le G'enie du crime qui, brusquement, demanda :
— Pourquoi ris-tu, Trois-et-Deux ?
Le bonhomme ne fit aucune difficult'e pour r'epondre.
— Parce que, r'epliquait-il, Fant^omas, je pense que si je voulais m’amuser `a te donner tous les renseignements qui peuvent ^etre pris sur Juve, il faudrait que je te fasse fouiller dans plus de cent mille documents…
— Fichtre… dit Fant^omas. Tu pistes donc Juve ?…
Trois-et-Deux eut un petit hochement de t^ete satisfait.
— Naturellement, d'eclarait-il. Je pique des fiches sur lui le plus souvent possible. Elles te serviront quelque jour, Fant^omas, tu verras !
Trois-et-Deux avait l’air de sous-entendre quelque chose qu’il ne voulait point pr'eciser ; il reprit brusquement :
— Enfin, Fant^omas, pr'ecise ta question. Que dois-je t’apprendre sur Juve ?