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Le gouvernement russe, apr`es avoir travaill'e vingt ans, est parvenu `a allier d'une mani`ere indissoluble la Russie `a l'Europe r'evolutionnaire.
Il n'y a plus de fronti`eres entre la Russie et la Pologne.
Or donc, l'Europe sait ce que c'est que la Pologne, cette nation abandonn'ee de tout le monde dans une lutte in'egale, qui depuis a vers'e `a flots son sang 'sur tous les champs de bataille o`u il s'est agi de conqu'erir la libert'e d'un peuple quelconque. On conna^it ce peuple qui, apr`es avoir succomb'e sous le nombre, a travers'e l'Europe en triomphateur plut^ot qu'en vaincu, et s'est dispers'e dans les autres peuples pour leur enseigner, malheureusement sans succ`es, l'art de succomber sans fl'echir, sans s'avilir et sans perdre la foi. Eh bien, on peut an'eantir la Pologne, mais non pas l'asservir, on peut ex'ecuter la menace de Nicolas de ne laisser sur la place de Varsovie qu'une inscription et un tas de pierres, mais la rendre esclave, `a l'instar des provinces paisibles de la Baltique, c'est impossible.
Confondant la Pologne avec la Russie, le gouvernement a 'elev'e un pont immense pour le passage solennel des id'ees r'evolutionnaires, un pont qui commence `a la Vistule et finit `a la Mer Noire. La Pologne est cens'ee morte, mais `a chaque appel elle r'epond «Pr'esente», comme l'a dit, en 1848, l'orateur d'une deputation polonaise. Elle ne doit pas bouger, sans ^etre s^ure de ses voisins occidentaux, car elle en a assez de la sympathie de Napol'eon et des c'el`ebres paroles de Louis-Philippe: «La nationalit'e polonaise ne p'erira pas».
Ce n'est pas de la Pologne, ce n'est pas de la Russie que nous doutons, c'est de l'Europe. Si nous avions quelque foi dans les-peuples d'Occident, avec quel empressement eussions-nous dit aux Polonais:
«Votre sort, fr`eres, est pire que le n^otre, vous avez beaucoup souffert, patience encore; un grand avenir est au bout de vos malheurs. Vous tirerez une vengeance sublime, vons aiderez l''emancipation de ce peuple par les mains duquel on a riv'e vos fers. Dans vos ennemis, au nom du tzar et de l'autocratie, vous reconna^itrez vos fr`eres, au nom de l'ind'ependance et de la libert'e».
Annexe
Sur la commune rurale en Russie
La commune rurale russe subsiste de temps imm'emorial, et les formes s'en retrouvent assez semblables chez toutes les tribus slaves. L`a, o`u elle n'existe pas, elle a succomb'e sous l'influence germanique.Chez les Serbes, les Bulgares et les Mont'en'egrins, elle s'est conserv'ee plus pure encore qu'en Russie. La commune rurale repr'esente pour ainsi dire l'unit'e sociale, une personne morale, l'Etat n'a jamais d^u aller au-del`a; elle est le propri'etaire, la personne `a imposer; elle est responsable pour tous et pour chacun, et par suite elle est autonome en tout ce qui concerne ses affaires int'erieures.
Son principe 'economique est l'antith`ese parfaite de la c'el`ebre maxime de Malthus: elle laisse chacun sans exception prendre place `a sa table. La terre appartient `a la commune et non `a ses membres en particulier; `a ceux-ci appartient le droit inviolable d'avoir autant de terre que chaque autre membre en poss`ede au dedans de la m^eme commune; cette terre lui est donn'ee comme possession sa vie durant; il ne peut et n'a pas besoin non plus de la l'eguer par h'eritage. Son fils,aussit^ot qu'il a atteint l'^aged'homme, a le droit, m^eme du vivant de son p`ere, de r'eclamer de la commune une portion de terre. Si le p`ere a beaucoup d'enfants, ils recoivent apr`es avoir atteint la majorit'e chacun une portion de terre; d'un autre c^ot'e, `a la mort de chacun des membres de la famille, la terre revient `a la commune.
Il arrive fr'equemment que des vieillards tr`es ^ag'es rendent leur terre et acqui`erent par l`a le droit de ne point payer d'imp^ots. Un paysan, qui quitte pour quelque temps sa commune, ne perd pas pour cela ses droits `a la terre, ce n'est que par l'exil prononc'e par la commune (ou le gouvernement) qu'on peut la lui retirer, et l`a commune ne peut prendre part `a une pareille d'ecision que par un vote unanime; elle n'a cependant recours `a ce moyen que dans les cas extr^emes. Enfin, un paysan perd aussi ce droit dans le cas o`u, sur sa demande, il est affranchi de l'union communale. Il est alors autoris'e seulement `a prendre avec lui son bien mobilier, rarement lui permet-on de disposer de la maison ou de la transporter. De cette sorte, le prol'etariat rural est chose impossible.
Chacun de ceux qui poss`edent une terre dans la commune, c'est-`a-dire chaque individu majeur et impos'e, a voix dans les int'er^ets de la commune. L'ancien du village et ses adjoints sont choisis dans une r'eunion g'en'erale. On proc`ede de m^eme pour d'ecider les proc`es entre les diff'erentes communes, pour partager la terre et pour r'epartir les imp^ots. (Car c'est essentiellement la terre qui paie et non la personnel Le gouvernement compte seulement les t^etes; la commune fait sa distribution de la somme totale en prenant pour unit'e le travailleur actif, c'est-`a-dire le travailleur qui a une terre `a son usage).
L'ancien (le starost) a une grande autorit'e sur chaque membre, mais non sur la commune; pour peu que celle-ci soit unie, elle peut tr`es bien contrebalancer le pouvoir de l'ancien, l'obliger m^eme `a renoncer `a sa place s'il ne veut pas se plier `a leurs voeux. Le cercle de son activit'e est d'ailleurs exclusivement administratif; toutes les questions qui ne sont pas purement de police sont r'esolues, ou d'apr`es les coutumes en vigueur, ou par le conseil des p`eres de famille, des chefs de maison ou enfin par la r'eunion g'en'erale. M. Haxthausen [18] a commis une grande erreur en disant que le pr'esident administre despotiquement la commune. Il ne peut agir despotiquement que si toute la commune est pour lui.
18
Dans un ouvrage tr`es int'eressant, mais fr'en'etiquement r'eactionnaire sur la Russie agricole qu'il a publi'e, en 1847, en allemand et en francais.