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— Ah ! Monsieur, puissiez-vous dire vrai !
Le diplomate, h^ativement, s’arrachant `a l’'etreinte du journaliste, ouvrit la lourde serviette d’avocat qu’il portait sous son bras et en tira une toge noire, semblable `a la sienne, une toque, un pantalon fonc'e :
— Tenez, poursuivit-il, tandis que Fandor absolument abasourdi consid'erait cette 'etrange garde-robe, tenez habillez-vous rapidement et nous partirons ensemble…
Naarboveck 'etait-il devenu subitement fou ? 'Etait-ce une plaisanterie ? Fandor h'esitait, mais Naarboveck, sans para^itre s’apercevoir de son trouble, `a mots pr'ecipit'es, insistait :
— Il faut absolument que vous partiez d’ici, je sais o`u vous aurez les preuves de votre innocence, nous n’avons pas une minute `a perdre, au surplus moi-m^eme, eu 'egard `a ma qualit'e de diplomate, j’ai le plus vif int'er^et `a ce que le document vol'e chez le capitaine Brocq soit retrouv'e. Je sais o`u il est, je veux que ce soit vous qui le rendiez au Gouvernement ! Ce sera l`a la preuve la plus 'eclatante que vous puissiez donner de votre innocence !
Fandor croyait r^ever et, machinalement rev^etait la tenue bizarre, mais ing'enieuse, qu’'etait venu si myst'erieusement lui apporter le baron. Certes, Fandor se demandait bien quel 'etait le formidable int'er^et qui avait pouss'e le diplomate `a oser s’introduire ainsi, en d'epit des dangers courus, aupr`es du prisonnier, `a lui proposer m^eme de se faire le complice de son 'evasion ? Mais Fandor avait vu tant de choses bizarres et incompr'ehensibles au cours de son aventureuse existence qu’il n’en 'etait pas `a se pr'eoccuper de semblables d'etails.
Et au surplus, que risquait-il ?
N’avait-il pas maintes fois, au cours de ses crises de d'esespoir, caress'e en pens'ee l’irr'ealisable d'esir de profiter d’un moment d’inattention pour s’enfuir, m^eme en employant la force, de l’odieux cachot dans lequel on l’avait enferm'e ?
— Le plus dur, murmura Naarboveck `a l’oreille du journaliste, sera de nous faire ouvrir la porte de la prison. Heureusement, j’ai pr'evenu le ge^olier que j’attendais mon secr'etaire… Esp'erons qu’en vous voyant, il vous prendra pour lui et que nous b'en'eficierons de la confusion.
***
La prison militaire du conseil de guerre de Paris n’est pas une prison comme les autres et c’est pourquoi le plan de Naarboveck pouvait avoir des chances de r'eussir, tandis qu’il aurait certainement 'echou'e si on l’avait tent'e `a la Sant'e.
Le rez-de-chauss'ee o`u se trouvaient 'evidemment, au si`ecle dernier, les cuisines et les communs, constitue `a proprement dire la prison, car dans ces locaux sont am'enag'ees les cellules o`u les inculp'es attendent leur comparution devant les juges.
Nul, `a moins d’^etre au courant de ces dispositions immobili`eres, ne se douterait que la porte basse que l’on remarque `a peine dans le vestibule d’entr'ee, juste en face de l’escalier qui acc`ede au premier 'etage, n’est autre que l’entr'ee de la prison. En effet, sit^ot cette porte basse franchie, on est dans le couloir sur lequel donnent les cellules.
`A la porte de la prison se tient d’ordinaire un gardien, dont le r^ole est moins de surveiller les prisonniers et de pr'evenir leurs tentatives d’'evasion que d’ouvrir aux personnes qui ont besoin d’entrer dans le sinistre local.
Lorsque arrive la nuit, la surveillance se rel^ache souvent. Le gardien est en m^eme temps charg'e de l’entretien des bureaux et lorsqu’il a sa cl'e dans sa poche, certain que nul n’enfoncera la lourde fermeture, il va et vient dans la maison.
De Naarboveck qui, 'evidemment, s’'etait renseign'e au pr'ealable, 'etait non seulement au courant de ces d'etails, mais savait que ce jour-l`a, comme les jours pr'ec'edents d’ailleurs, comme les jours `a venir jusqu’`a la date du proc`es Fandor, vu l’affluence de curieux, d’avocats, etc., on avait d'ecid'e de donner au gardien un aide et que celui-ci prenait son service `a partir de six heures. Il 'etait six heures pass'ees.
Selon toutes probabilit'es, lorsque les faux avocats frapperaient de l’int'erieur de la prison pour se faire ouvrir la porte communiquant avec l’ext'erieur, ce serait le gardien suppl'ementaire qui viendrait leur livrer passage !
Non sans 'emotion, Naarboveck tapa de son index au judas m'enag'e dans la lourde cl^oture.
Un bruit de verrous retentit, la prison s’entrouvrait, la silhouette du gardien apparut et Fandor r'eprima un soupir de satisfaction : c’'etait un ge^olier qui ne le connaissait pas, c’'etait le remplacant pr'evu, escompt'e !
— Tiens ! s’'ecria celui-ci, en saluant militairement les gens de robe, vous 'etiez donc deux ?…
— Naturellement mon brave, r'epliqua Naarboveck d’un ton prodigieusement calme, votre coll`egue ne voua a-t-il pas pr'evenu que mon secr'etaire m’avait rejoint ?
— J’avais compris qu’il allait venir, fit l’homme, je ne savais pas qu’il 'etait d'ej`a l`a.
Mais le baron de Naarboveck l’interrompait et, avec un gros rire :
— Nous partons ensemble…, quoi de plus naturel ?