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— C’est logique, d'eclara-t-il froidement, j’ai lutt'e contre Fant^omas, je suis parfois arriv'e `a mettre ce bandit en 'echec, il fallait bien qu’un beau jour il pr^it sa revanche. C’est lui, je n’en doute pas, qui me tient `a merci en ce moment… j’ai perdu la partie, je paie, je n’ai pas `a me plaindre…
Le journaliste ne voulait pas se rebeller contre le sort cruel. Ce n’'etait pas fanfaronnade de sa part, il lui plaisait d’accepter la mort comme un simple incident de lutte, comme une cons'equence naturelle de la vie qu’il s’'etait faite, volontairement, en engageant la bataille contre Fant^omas…
Et c’'etait avec un sentiment de r'esignation impassible, presque curieuse, que Fandor attendait…
Il attendait la mort ; il attendait ce qui devait arriver fatalement, f'erocement. Il comptait les secondes ; il 'ecoutait le silence lugubre de l’atelier ; il se disait :
— Pourquoi n’est-il pas l`a ? est-ce qu’il esp`ere que je vais avoir peur ? que je vais crier ? que je vais me d'ebattre ? ou bien a-t-il invent'e un long supplice et dois-je agoniser seul ici, dans quelque torture que je n’imagine pas encore ?
Soudain, sans bruit, dans un glissement qu’amortissait l’'epaisseur des tentures que feutraient les tapis, la porte de l’atelier s’ouvrit : des hommes entraient, une vingtaine, solennels, graves, myst'erieux…
Ils 'etaient tous enti`erement v^etus de noir. Sur leurs visages, un masque de velours, sorte de loup, 'etait 'etroitement maintenu, qui emp^echait de facon absolue d’apercevoir leurs traits.
Fandor regarda fixement ces inconnus… eux d'etournaient les yeux, semblaient ne point vouloir le consid'erer…
Sans un mot, sans un geste, ils gagn`erent le centre de l’atelier puis, en demi-cercle, ils se rang`erent face `a Fandor.
L’un d’eux, visiblement un chef, demeurait `a l’'ecart, les bras crois'es, t^ete haute, consid'erant le journaliste.
Et dans le silence impressionnant de la pi`ece, l’homme prit enfin la parole et, s’adressant `a ses compagnons :
— Fr`eres, dit-il, vous avez jur'e de d'efendre par tous les moyens la cause de la Russie. Le jurez-vous encore ?
— Nous le jurons !
D’une seule voix vibrante, convaincue, mystique, les masques 'enigmatiques avaient r'epondu.
— Fr`eres, je suis all'e vers vous, de ma retraite, parce que les n^otres m’ont dit : « Leurs bras ne tremblent point. leur volont'e est droite, leur coeur est pur… » Fr`eres, je suis all'e vers vous parce qu’en assurant de vous gouverner et de vous diriger, j’avais conscience que j’allais commander `a des braves et `a des vaillants. Fr`eres, vous ^etes pr^ets `a tout pour notre cause ?
— Nous sommes pr^ets !
L’homme qui venait de se poser ainsi en chef abandonnait alors son attitude nonchalante et, venant au-devant des conjur'es qui baissaient toujours la t^ete, comme ob'eissant `a une consigne donn'ee, il les apostrophait :
— Il est un homme dans Paris qui nous a fait plus de mal, `a nous autres, tch'ekistes, que toutes les polices du monde ! Un homme qui a soulev'e contre tous l’horreur des peuples, le m'epris de l’opinion, en accumulant les crimes les plus hideux, en en rejetant la responsabilit'e sur nous ; cet homme, moi, Trokoff, j’ai promis de vous le livrer pour que vous en tiriez vengeance… regardez, fr`eres, il est devant vous. Je vous le livre…
En s’entendant d'esigner sous le nom de Fant^omas, en s’entendant menacer par les tch'ekistes, Fandor, une seconde, avait eu envie de crier de toutes ses forces :
— Je ne suis pas Fant^omas ! et votre Trokoff est un tra^itre !… Fant^omas, c’est lui. La ruse est cousue de fil blanc.
Mais pouvait-il d'esarmer l’aveuglement farouche de ces hommes ?
L’essayer, c’'etait folie ! C’'etait crier mis'ericorde ! C’'etait s’abaisser `a une supplication…
Et le journaliste, dans un sursaut d’'energie, d'ecida :
— Je montrerai `a Fant^omas que J'er^ome Fandor sait mourir comme il le saurait lui-m^eme. Il ne faut point que moi, le pourchasseur de ce monstre, je lui donne le droit de me m'epriser…
Les Russes, cependant de plus en plus passionn'es, de plus en plus furieux, voulaient tirer une vengeance imm'ediate de celui qu’ils prenaient pour Fant^omas.
L’un d’eux s’approcha du journaliste et, le d'efiant :