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— Tout va bien, s’'ecria Fandor, il ne me reste plus d'esormais qu’`a prendre mon r^ole au s'erieux… et `a le jouer avec bonne humeur.
Le train siffla, ralentit. On entrait en gare de Verdun.
Fandor laissa descendre la foule des militaires et quelques rares civils.
Ayant soigneusement r'eajust'e sa capote, arrang'e les franges de ses 'epaulettes, et rendu `a son k'epi une forme convenable, le caporal gagna la sortie.
Il se trouva sur un vaste terre-plein, hors de la gare, pataugeant dans la boue. Il apercut, envelopp'e d’un grand capuchon, l’honn^ete et r'ebarbatif visage d’un vieux sergent de ville.
L’agent consid'era le caporal d’un air curieux, et Fandor, qui n’'etait pas autrement rassur'e sur les cons'equences de son 'equip'ee, crut opportun de s’assurer les bonnes gr^aces du repr'esentant de l’autorit'e.
Il ignorait en faits quels 'etaient les rapports officiels de l’arm'ee et de la police.
`A tout hasard, il d'ecida d’^etre aimable.
— Pardon, excuse, fit-il en roulant les « r », pour s’essayer `a contrefaire le campagnard – Fandor avait une ^ame de cabotin `a certaines heures, et toujours celle d’un ironiste, – pardon, excuse, monsieur l’agent, vous pourriez pas m’dire o`u c’qu’est le 257 ede ligne ?
— Qu’est-ce que vous lui voulez ? interrogea le gardien de la paix.
— J’vas vous expliquer, m’sieu l’agent. Cens'ement que j’'etais au 213 een garnison `a Ch^alons. Pour lors, voil`a huit jours qu’on m’a mis en permission et que l’on m’a signifi'e mon changement de corps, autrement dit que j’'etais affect'e au 257 e.
Le gardien de la paix se gratta le menton, parut interroger sa m'emoire, puis, apr`es r'eflexion, objecta :
— C’est que le 257 ede ligne se trouve dans trois endroits : au bastion 14, `a la caserne Saint-Benoit et au Fort-Vieux… O`u c’est-y que vous vous rendez, caporal ?
Fandor n’avait pas pr'evu cette question.
— J’n’ai pas de pr'ef'erence, murmura-t-il, en prenant une attitude imb'ecile, je ne sais point !…
Les deux hommes restaient immobiles. Fandor sentait qu’un fou rire le gagnait.
Mais soudain l’agent eut une id'ee.
— Voyons voir votre feuille de route ?…
Et Fandor s’'etant ex'ecut'e, le brave gardien de la paix poussait une exclamation triomphale.
— Ca y est, j’ai trouv'e, c’est 'ecrit sur le papier, vous ^etes d'esign'e pour rallier la caserne Saint-Beno^it. Mon vieux, c’est d’la veine, elle est `a cinquante m`etres d’ici, descendez la route, et `a gauche vous verrez le mur de la caserne. L’entr'ee est au milieu…
Fandor, d'ej`a accoutum'e `a son nouveau r^ole, salua, s’enfonca `a grands pas dans l’obscurit'e.
Il parvint quelques instants apr`es devant la grille du quartier Saint-Beno^it.
— Le 257 e ? demanda-t-il au factionnaire.
— C’est ici, r'epondit l’homme qui montait une garde m'elancolique. Allez voir le poste.
`A l’entr'ee de Fandor le grad'e se dressa en maugr'eant. C’'etait le sergent :
— Qu’est-ce que vous voulez ?
Tr`es militairement, Fandor articula :
— Caporal Vinson, arrive de Ch^alons, permutant du 213 e…
— Ah ! parfaitement, murmura le sous-officier, j’vois ce que c’est… Attendez…
Tout en s’'etirant, le chef de poste allait au fond de la pi`ece, leva le gaz mis en veilleuse et ouvrant un cahier, en tourna lentement les pages, les mouillant du doigt pour ne point en passer :
— Caporal Vinson ?… caporal Vinson ?… ^anonna-t-il, mal r'eveill'e.
Soudain il s’arr^eta, appela :
— Planton !…
Un homme se pr'esentait :
— Conduisez le caporal Vinson au b^atiment A, deuxi`eme 'etage… Vous ^etes affect'e `a la troisi`eme du deux.
***
— Vous voil`a arriv'e, caporal, annonca le planton en s’adressant `a Fandor.
Il lui d'esigna du doigt une vaste salle au fond d’un couloir.
La diane sonnait.
D'ej`a le planton s’'etait 'eclips'e et Fandor demeurait sur le pas de la porte de la chambre, n’osant p'en'etrer.
C’'etait d'esormais le plus dur de son r^ole qui lui restait `a jouer, Vinson l’avait mis en garde contre les myst`eres de la chambr'ee et ses traditions.
— Vraisemblablement, avait-il dit `a Fandor, lorsque vous arriverez pour vous installer, vous ne trouverez rien du tout. Votre lit aura disparu. Or, en votre qualit'e de cabot, vous avez droit `a un bas-flanc. Il faut l’exiger en « gueulant », les hommes feront d’abord semblant de ne pas comprendre, mais insistez de toutes vos forces, prenez d’autorit'e les premiers objets dont vous aurez besoin, `a droite et `a gauche, autour de vous, finalement votre installation se fera…