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Aucune lampe ne br^ulait dans le cabinet de travail de Fandor. `A la seule lueur des becs de gaz de la rue, l’agent du Deuxi`eme Bureau distinguait mal les traits du personnage qui entra…
Ce n’'etait pas le journaliste, mais bien un homme d’une quarantaine d’ann'ees, coiff'e d’un chapeau mou dont les bords dissimulaient `a moiti'e le visage, engonc'e dans un pardessus.
L’homme adressa un petit salut `a l’agent d’un air tr`es naturel, puis, fit quelques pas dans la pi`ece, gagna la fen^etre, regarda au dehors, `a la facon de quelqu’un qui n’est pas chez lui et qui attend que le ma^itre de la maison soit de retour.
— Ah ca ! pensa l’agent du Deuxi`eme Bureau, qu’est-ce que cela signifie ? On jurerait que ce bonhomme est en visite !…
Quelques minutes pass`erent… Les deux hommes, fatigu'es de leur premi`ere pause, prirent des si`eges, s’assirent.
— Ce bonhomme se lassera, pensa l’agent ; il s’en ira et je m’en irai apr`es !…
Mais alors, toujours `a la facon de quelqu’un qui se consid`ere comme un peu chez lui, l’individu entr'e quelques minutes auparavant et trouvant sans doute qu’il avait trop chaud, d'epouilla son pardessus, le posa sur une chaise, enleva son chapeau et, tirant une bo^ite d’allumettes de sa poche, avisant une lampe pos'ee sur la chemin'ee, se disposa `a faire de la lumi`ere.
Les deux hommes maintenant se trouv`erent face `a face dans la pi`ece 'eclair'ee…
Soudain, rompant le silence, l’agent demanda :
— Vous attendez M. Fandor, monsieur ?
— Oui, monsieur, vous aussi, sans doute ?
— En effet… je crois d’ailleurs que nous l’attendrons longtemps… je l’ai vu tout `a l’heure, il avait une course press'ee `a faire, et je ne crois pas qu’il rentre avant…
— Cette grande barbe ! pensa l’inconnu, cette moustache hirsute !… et puis ce paquet d'epos'e l`a-bas… je connais cet individu-l`a…
C’'etait lui maintenant qui voulut rompre le silence…
— Eh bien, dit-il d’une voix aimable, puisque le hasard nous fait rester ainsi l’un en face de l’autre, voulez-vous me permettre de me pr'esenter, monsieur ?… Je suis Juve, inspecteur de la S^uret'e…
— Nous sommes presque confr`eres, en ce cas, monsieur, je suis l’agent Vagualame, attach'e `a la Statistique.
Et Vagualame tendit la main `a Juve…
— Nom de Dieu ! pensait Juve, Vagualame, ce Vagualame-l`a, chez Fandor, c’est significatif… non ! pas de doute, cette barbe est postiche, cette moustache aussi. Cet individu est grim'e…
Juve 'etait l’homme des d'ecisions rapides…
S’apercevant qu’il avait en face de lui un interlocuteur masqu'e, il allait, malgr'e les noms et qualit'es 'enonc'es se pr'ecipiter sur lui, mais, `a l’instant o`u Juve le d'evisageait, l’homme avait fronc'e les sourcils…
Et vif comme l’'eclair, sans laisser `a Juve le temps de se reconna^itre, il 'echappait `a sa poign'ee de main, bondissait vers la chemin'ee, renversait d’un coup de poing la lampe qui s’'eteignit, bousculant Juve, se pr'ecipitant vers la porte…
Juve de son c^ot'e, rapide comme l’'eclair, se pr'ecipitait `a la poursuite de Vagualame… Celui-ci toutefois avait quelques m`etres d’avance. Porte claqu'ee, escalier descendu quatre `a quatre, Juve sur ses talons, Vagualame atteignait la porte, criait :
— Cordon, s’il vous pla^it !
Juve emport'e par son 'elan, tr'ebucha contre la porte qui lui 'etait renvoy'ee sur le nez, roula sur le sol. Quand Juve arriva dans la rue, furieux, hors d’haleine, personne au long des trottoirs !
B'en'eficiant de ce que la concierge de Fandor le connaissait fort bien, savait sa qualit'e d’inspecteur de la S^uret'e, Juve, apr`es avoir, en quelques mots rapides, expliqu'e `a la brave femme stup'efaite la cause du vacarme qui venait de bouleverser la maison, remontait chez Fandor.
Le policier 'etait ahuri…
— Du diable, pensait-il, qu’est-ce que cela veut dire que tout ca ? Il y a deux heures, Fandor me t'el'ephone de venir le voir d’urgence ; il m’a t'el'ephon'e qu’il ne pouvait pas sortir, qu’il m’attendait… et, non seulement il n’est pas chez lui, mais encore je tombe sur un Vagualame postiche qui s’enfuit, qui dispara^it avec une habilet'e extraordinaire. Qu’est-ce que c’est que ce bonhomme-l`a ?… O`u est Fandor ?
Il avisait sur le sol le paquet qui l’avait intrigu'e quelques minutes avant.
— L’ennemi, pensa-t-il, s’est retir'e, mais en abandonnant ses bagages… Ah ! j’aurais d^u m’en douter, c’est l’accord'eon, l’accord'eon de Vagualame…
Et machinalement, tournant et retournant l’instrument de musique, le policier, introduisant ses mains dans les poign'ees de cuir, voulut d'etendre le soufflet. `A sa grande surprise, l’appareil r'esista.
— Tiens ! qu’est-ce que cela veut dire ? est-ce que par hasard il y aurait dans cet accord'eon…