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En v'erit'e, ca n’'etait pas le policier qui menait l’interrogatoire, mais bien l’attach'e du Deuxi`eme Bureau et le jeu commencait `a devenir dangereux…
Heureusement que Loubersac aidait, par ses questions, les r'eponses :
— Je pense, d'eclara-t-il, que vous le recherchez toujours ?
— Bien s^ur, fit Juve.
— Vous le savez, c’est cinquante mille francs que je vous donne en 'echange…
— H'e ! fit le faux Vagualame avec une moue comique, moins les vingt-cinq louis d’amende…
— Nous en reparlerons…
Puis il poursuivit :
— Les 'ev'enements ont march'e depuis la mort de la ma^itresse du capitaine Brocq…
— Comment, elle est morte ?
— Ah, ca, voyons, Vagualame, ^etes-vous donc compl`etement idiot ?…
— Mais pourquoi, mon lieutenant ?
L’officier tapa du pied :
— Pas de lieutenant, vous dis-je, M. Henri… Henri tout court… comme vous voudrez… Vous ignorez donc l’affaire de Ch^alons ? l’assassinat de la chanteuse Nichoune ?…
— Mais non ! d'eclara le faux Vagualame…
— Alors ?…
— Alors, articula Juve qui venait d’avoir une id'ee, alors… non ! j’aime mieux me taire !…
— Parlez…
— Non !
— Je vous l’ordonne !…
— Eh bien, poursuivit le policier qui jouait de mieux en mieux son r^ole de Vagualame, puisque vous voulez ma pens'ee, j’estime que Nichoune n’'etait pas du tout la ma^itresse de Brocq.
— On a trouv'e chez elle des lettres du mort…
— Mise en sc`ene…
— Par exemple !
— Mais au fait, vous devez ^etre mieux renseign'e que personne, vous causiez encore avec Nichoune vendredi, la veille de sa mort ?
Juve allait protester, l’officier poursuivit :
— L’h^otelier vous a vu…
— Tiens ! tiens !… pensa Juve, auquel cette d'eclaration ouvrait des horizons…
— D’apr`es vous, qui aurait tu'e Nichoune ?
— Ma foi, je suis tent'e de croire que le coupable pourrait bien ^etre la tante Palmyre…
— La tante Palmyre ! Ah, vous tombez bien ! D'ecid'ement mon pauvre Vagualame, vous ^etes stupide aujourd’hui, mais la tante Palmyre c’'etait tout simplement un de mes coll`egues du Deuxi`eme Bureau…
— Tant mieux, se dit Juve, je m’en doutais.
— Vagualame, vous parliez tout `a l’heure de la ma^itresse de Brocq. D’apr`es vous, Nichoune n’aurait eu aucune relation avec le capitaine ? Quelle serait donc la femme ?…
— H'e ! sugg'era Juve, cherchez ailleurs…, autour d’elle.
— Attention, Vagualame, dit l’officier, pesez bien vos paroles.
— Soyez sans crainte, monsieur Henri…
— Vous croyez peut-^etre que c’est Bobinette ?…
— Non !
— Alors, alors ce serait…
— Wilhelmine de Naarboveck… Oui.
Un cri d’indignation retentit, cependant que, d’un formidable coup de pied, l’officier, incapable de se contenir, envoyait le faux Vagualame rouler dans la boue grasse sur la berge de la Seine.
— L’animal ! grommela tout bas Juve en se relevant ; si je n’'etais pas Vagualame dans la circonstance, je saurais comment lui r'epondre…
Mais le policier avait accept'e d’avance le r^ole d'elicat qu’il jouait avec ses avantages et ses inconv'enients : il se redressa en tr'ebuchant comme un vieillard, alla s’accouder `a la rampe de l’escalier qui conduit au quai.
Le lieutenant de Loubersac, sans para^itre se pr'eoccuper de son interlocuteur, allait et venait, en proie `a une agitation extr^eme et sans souci d’^etre entendu, il monologuait `a haute voix :
— Sales individus !… sales gens !… sale m'etier !… ils ne respectent rien !… insinuer de semblables choses ! Wilhelmine de Naarboveck, la ma^itresse de Brocq… ah, c’est ignoble !… quelle honte !… quelle calomnie !…
— Monsieur Henri…
`A cet appel, l’amoureux e^ut une recrudescence de col`ere :
— Taisez-vous ! hurla-t-il, vous m’'ecoeurez !…
— Mais, insista le faux Vagualame, si je vous ai parl'e comme je l’ai fait, c’est parce que ma conscience…