Шрифт:
— Sa venue chez le diplomate autrichien 'etait d’ailleurs non pas la cons'equence d’une initiative priv'ee, mais bien l’ex'ecution d’une mission dont il avait 'et'e charg'e en haut lieu. D’accord avec M. Dupont (de l’Aube), directeur de La Capitale, M. le ministre de la Guerre avait d'esir'e…
Le sous-secr'etaire d’'Etat coupa la parole `a l’inspecteur.
— Nous sommes au courant de cela, monsieur Juve… Toutefois, je puis vous dire que la personne sur laquelle le ministre voulait ^etre renseign'e n’'etait pas M llede Naarboveck, mais bien sa dame de compagnie… une jeune femme appel'ee Berthe…
— … et surnomm'ee Bobinette… acheva Juve ; je sais, monsieur le sous-secr'etaire d’'Etat.
— Que pensez-vous d’elle ? interrogea M. Maranj'evol.
— Plus j’y r'efl'echis et plus je suis tent'e de croire que Wilhelmine de Naarboveck 'etait la ma^itresse de Brocq… oh ! en tout bien tout honneur… J’entends par l`a que ces jeunes gens, lorsqu’ils se trouvaient ensemble, devaient s’entretenir uniquement de sujets d’amour… mais derri`ere eux, subrepticement, une tierce personne p'en'etrait leur intimit'e, 'etait d'epositaire de leur secret et pouvait de ce chef prendre pas mal de libert'es avec eux. Cette personne, c’est M lleBerthe, dite Bobinette… Messieurs, ou je me trompe fort, ou Bobinette n’est autre qu’une fille de la plus basse extraction, capable de tout et qui aurait 'et'e m^el'ee `a la bande de criminels la plus redoutable qui soit au monde, `a la bande que j’ai maintes fois poursuivie, d'ecim'ee, d'esagr'eg'ee, mais qui rena^it sans cesse, se reforme, `a la mani`ere de l’hydre malfaisante, `a la bande, messieurs… de Fant^omas.
Juve se tut, s’'epongea le front.
La voix s`eche du colonel Hofferman rompit le silence :
— Hypoth`eses, monsieur ! Hypoth`eses vraisemblables en ce sens qu’il se peut fort bien que Brocq ait eu une ma^itresse, – nous en sommes tous l`a, – mais en r'ealit'e, c’est du roman.
Un coup discret venait d’^etre frapp'e `a la porte du cabinet du sous-secr'etaire d’'Etat.
— Qu’y a-t-il ? demanda M. Maranj'evol.
— Le capitaine Loreuil fait dire `a mon colonel qu’il est de retour `a l’instant et qu’il a une communication urgente…
— Le capitaine attendra ! s’'ecria Hofferman.
Mais l’huissier, ex'ecutant la consigne qu’il avait recue :
— Le capitaine a pr'evu cette r'eponse, mon colonel, et il m’a dit d’ajouter que la communication ne pouvait pas attendre…
Le domestique se retirait. Du regard, Hofferman avait consult'e le sous-secr'etaire d’'Etat.
— Allez-y, lui dit ce dernier, et revenez aussit^ot…
Puis, s’adressant `a Juve, M. Maranj'evol commencait :
— Le Gouvernement est fort ennuy'e de tous ces incidents qui prennent des proportions 'enormes. Nous en causions encore hier au Conseil des ministres… Savez-vous que les bruits de guerre s’accr'editent de plus en plus ?… l’opinion publique est boulevers'ee… c’est d'esolant !… `A la Bourse, la Rente continue `a baisser…
— Je n’y peux rien, monsieur le sous-secr'etaire d’'Etat.
Midi sonnait.
10 – LA TANTE PALMYRE
Ce m^eme jour, bien avant la r'eunion mouvement'ee qui se tenait dans le cabinet de M. Maranj'evol, sous-secr'etaire d’'Etat au minist`ere de la Guerre, le patron de l’ H^otel des Trois-Lunes, `a Ch^alons, 'etait fort occup'e `a mettre son vin en bouteilles.
Soudain il fut troubl'e dans ses occupations par une voix inconnue de lui qui appelait avec insistance :
— H'e ! il n’y a donc personne ici ? L’p`ere Louis, o`u est-il ?
En maugr'eant, l’h^otelier remonta jusqu’au vestibule.
— Le p`ere Louis ? fit-il, c’est moi-m^eme, quoi qu’on m’veut ?
Le gargotier 'etait en pr'esence d’une grosse femme `a la silhouette 'eminemment grotesque, v^etue d’un complet clair dont la jupe, sur le devant, 'etait soulev'ee par le ballonnement d’un gros ventre. Une voilette `a ramages dissimulait les traits de la femme, qui devait ^etre assez ^ag'ee, mais voulait sans doute para^itre jeune encore. La peau de sa figure 'etait en effet recouverte d’une 'epaisse couche de maquillage…
— Quel tableau ! pensa le p`ere Louis.
— Ouf ! s’'ecria-t-elle, l’p`ere Louis, que c’est donc loin, votre cambuse !… Ma parole, j’ai cru que je n’arriverais jamais… Alors, comment c’est-y qu’elle va ma fille ?
Interloqu'e, soupconneux presque, le p`ere Louis regardait la grosse personne.
— Qui donc que vous ^etes ? demanda-t-il d’un ton bourru, je ne vous remets pas !
— Parbleu s’'ecria la vieille, parbleu, ca n’est pas 'etonnant que vous ne me reconnaissiez pas, puisque vous ne m’avez jamais vue !… Mais, vous savez qui je suis, `a force d’en entendre parler… Je suis la tante Palmyre !… la tante `a Nichoune.
— En effet !… en effet…
— C’est moi qui l’ai 'elev'ee, c’t’enfant, car elle est rest'ee orpheline, la pauv’gosse `a l’^age de quatorze mois… Elle a recu une belle 'education, et maline avec ca ! La m^eme chose que moi, j’vous dis… D’abord, dans la famille nous sommes toutes cocottes de g'en'eration en g'en'eration… Il n’y a pas de sot m'etier, pas vrai ?… Qu’est-ce que vous avez donc `a rigoler comme une baleine ?…
L’h^otelier riait `a gorge d'eploy'ee…