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D’un ton rogue, Dumoulin interrogea :
— Hiloire ?
— Pr'esent, mon commandant.
— Comment vous appelez-vous ?…
Le soldat 'ecarquilla les yeux et croyant qu’il s’agissait de donner son pr'enom, d'eclara en balbutiant :
— Justinien.
— Quoi, grommela le commandant qui froncait les sourcils, vous ne vous appelez pas Hiloire ?
D'ej`a l’homme perdait pied, il esquissa quelques explications confuses : il s’appelait `a la fois Hiloire et Justinien. Hiloire 'etant son nom de famille et Justinien son nom de bapt^eme.
— Bon, d'eclara le commandant qui proc'eda ensuite `a l’interrogatoire d’identit'e du deuxi`eme troupier, Tarbottin (Nicod`eme).
L’officier pour simplifier la proc'edure les questionnait ensemble :
— Vous ^etes bien soldats de 2 eclasse au 213 ede ligne et remplissez les fonctions de plantons d’'etat-major ?
Avec un bel ensemble les deux hommes r'epondirent :
— Oui, mon commandant.
— Vous connaissez le caporal Vinson ?
— Oui mon commandant.
Dumoulin, d’un geste de la main, d'esignait Fandor et poursuivait :
— Est-ce lui ?
— Oui, mon commandant ! r'epondirent encore les deux soldats…
Mais `a ce moment le lieutenant Servin fit observer `a son chef que les t'emoins avaient r'epondu affirmativement, sans m^eme tourner la t^ete du c^ot'e du pseudo caporal.
Le commandant se f^acha. Il cria :
— Esp`eces d’imb'eciles, avant de dire que l’on reconna^it quelqu’un, il faut commencer par le regarder. Regardez le caporal…
Les hommes ob'eirent.
— Est-ce le caporal Vinson ?
— Oui, mon commandant !…
L’officier insista encore :
— Vous en ^etes s^urs ?
— Non, mon commandant.
Le commandant Dumoulin s’exasp'erait de plus en plus contre eux.
— Ah, c`a, hurla-t-il, est-ce que vous vous foutez du monde ? je m’en vais vous coller huit jours de bo^ite si vous continuez `a ^etre aussi b^etes que ca. T^achez de comprendre ce que vous faites.. Savez-vous seulement pourquoi vous ^etes ici ?
Apr`es s’^etre consult'es du regard un instant, pour savoir lequel des deux prendrait la parole, Tarbottin, moins timide que son compagnon expliqua :
— C’est le sergent qui nous a dit comme ca, mon commandant, que nous 'etions envoy'es `a Paris pour reconna^itre le caporal Vinson… alors…
— Alors ?
— Alors, continua Hiloire… on le reconna^it !..
Et tous deux conclurent, fiers d’avoir compris la consigne :
— On a des ordres… on les ex'ecute.
Le commandant 'etait devenu 'ecarlate. D’un violent coup de poing, il envoya promener trois dossiers par terre et s’adressant au lieutenant Servin :
— Je ne comprends vraiment pas le capitaine d’'etat-major qui para^it avoir choisi expr`es les plus grandes brutes de son service. Que diable voulez-vous qu’on obtienne de ces gaillards-l`a ?
Il interrogeait encore son subordonn'e :
— A-t-on proc'ed'e `a la contre-'epreuve ? leur a-t-on montr'e le cadavre du vrai caporal Vinson ?
Le lieutenant r'epondait affirmativement.
— Et qu’ont-ils d'eclar'e ?
— Rien de pr'ecis, fit le lieutenant substitut. Ils 'etaient tr`es 'emus `a la vue du mort. Les traits sont d’ailleurs d'ecompos'es, – on n’a rien pu tirer d’eux…
Fandor prit la parole.
— Mon commandant, d'eclara-t-il, je suis fort surpris que vous ayez cru devoir ne faire venir que ces deux soldats, c’est tout au moins 'etrange… V'eritablement, sans demander de faveur, j’ai le droit de m’attendre `a ce que l’instruction du proc`es que vous voulez m’intenter soit faite plus s'erieusement que cela… Un magistrat doit ^etre impartial et…
— Que voulez-vous dire ?
— Je veux dire, 'eclata le journaliste, que depuis quarante-huit heures vous faites preuve `a mon 'egard d’une partialit'e r'evoltante…
— Mais, s’'ecria Dumoulin, du fond du coeur et abandonnant toute formule protocolaire, je suis pourtant un honn^ete homme, moi…
Et le commandant avait raison. C’'etait le plus digne, le plus respectable des officiers, et s’il instruisait avec ardeur l’affaire dont il 'etait charg'e, il pr'etendait le faire sans la moindre animosit'e, avec la plus grande conscience.