Шрифт:
Bouzille `a peine arr^et'e, Juve, – car c’'etait bien Juve, Juve en personne, qui avait tenu le r^ole de bonimenteur sur la place publique de Beylonque, – s’'etait imm'ediatement rendu `a la mairie o`u M. Anselme Roche, lui avait-on appris, 'etait en train de signer des proc`es-verbaux d’instruction.
Juve avait 'et'e envoy'e `a Beylonque par M. Havard lui-m^eme, alors qu’il venait `a peine de tirer au clair la sombre affaire des Granjeard.
Juve, d'ebarqu'e du train `a la gare de Rion-des-Landes, avait imm'ediatement commenc'e l’enqu^ete. Il avait appris avec un vif plaisir que le procureur s’occupant de cette instruction n’'etait autre que M. Anselme Roche, qu’il avait appr'eci'e lors des scandales de Saint-Calais.
— Monsieur le procureur, dit Juve, qui avait 'echang'e avec le magistrat des paroles cordiales de bienvenue, je sais maintenant un certain nombre de d'etails, relativement `a cette affaire. Mais j’en ignore les points essentiels. Voyons, voudriez-vous avoir l’amabilit'e de me mettre au courant ?
M. Anselme Roche, bien entendu, ne demandait pas mieux que de renseigner l’agent de la S^uret'e.
Il lui dit notamment que la seule d'eposition, extraordinaire qui e^ut 'et'e relev'ee comme int'eressante, 'etait celle d’un certain Saturnin Labour`es, malheureusement simple d’esprit, lequel avait affirm'e avoir 'et'e « mordu par une dame tout habill'ee, qui se baignait dans la chambre de Mme Borel. » Le malheureux d’ailleurs 'etait tragiquement mort depuis. Comment ? dans quelles conditions ? Cela restait `a 'eclaircir.
— Voyez-vous, conclut le distingu'e magistrat, ce qu’il y a de plus surprenant dans toute cette affaire, mon cher Juve, c’est que les d'etails les plus extravagants semblent s’y rencontrer, l’aspect m^eme des lieux est surprenant. Le rez-de-chauss'ee est meubl'e `a la paysanne, rustiquement. Le premier 'etage, au contraire, est fort luxueux. Au rez-de-chauss'ee, tout est boulevers'e, les meubles sont renvers'es, les traces de lutte sont ind'eniables. Au premier 'etage, rien n’a 'et'e d'erang'e. Enfin je me demanderais si nous ne nous inqui'etons pas `a tort, s’il n’y avait pas, et cela par exemple, aussi bien au rez-de-chauss'ee qu’au premier 'etage, des traces de sang indiscutables, des traces de sang importantes, tr`es importantes, de v'eritables tra^in'ees.
— Et la baignoire ?
— La baignoire ? r'ep'eta M. Anselme Roche, que voulez-vous savoir sur cette baignoire ?
— Rel`eve-t-on des traces de pas et des traces de sang pr`es d’elle ?
— Non, les traces s’arr^etent `a un ou deux m`etres du paravent derri`ere lequel est cette baignoire. Et puis vous le notez bien, mon cher Juve, il y a encore cette invraisemblable affirmation de Saturnin se disant mordu par une femme qui prenait un bain tout habill'ee. Ca c’est idiot. C’est h'elas le cas de le dire, c’est absurde. Car enfin, il n’y aurait que Mme Borel…
Brusquement, M. Anselme Roche s’interrompit. Juve eut un petit sourire, un peu narquois, et cela g^ena le magistrat :
— Ah c`a, pensait ce dernier, est-ce que ce maudit policier a d'ej`a devin'e que je porte `a cette enqu^ete un int'er^et tout particulier, que je suis 'eperdument amoureux de Mme Borel ?
Juve cessa de sourire et ne laissa gu`ere le temps `a M. Anselme Roche de m'editer en paix.
— Voyons, voyons ! Monsieur Anselme Roche, n’y a-t-il pas autre chose que vous devriez me signaler maintenant ? Ce Saturnin Labour`es, est-ce que… ?
— Vous savez qu’il est mort, le pauvre, interrompait pr'ecipitamment le procureur, mais vous n’ignorez pas sans doute, que l’on accuse dans le village, un certain Bouzille, un chemineau d’avoir fait le coup. Saturnin Labour`es en somme, tout idiot qu’il 'etait, devait savoir quelque chose, avoir vu quelque chose. Si Bouzille a v'eritablement…
Mais Juve haussait les 'epaules :
— Bouzille, d'eclara le policier, est un insupportable bavard, un individu assommant, peut-^etre, un vagabond nuisible, mais ce n’est pas un assassin. Ah, au fait, Monsieur le procureur, je l’ai fait arr^eter tout `a l’heure, pour n’^etre pas continuellement importun'e par lui. Vous serez bien aimable de diriger contre sa personne un commencement d’enqu^ete. Nous le rel^acherons dans quelques jours.
— Juve, dit le procureur, je voudrais vous demander… Enfin, je pense… C’est-`a-dire… Ne croiriez-vous pas volontiers ?
— Quoi ?
— Que Fant^omas n’est pas 'etranger…
— Fant^omas a bon dos. D’un bout `a l’autre du territoire, et m^eme hors fronti`eres, maintenant, quand il se passe un fait myst'erieux, on est pr^et `a dire : c’est du Fant^omas. Que diable, il ne faut pas exag'erer ! Monsieur le procureur, voulez-vous m’accompagner jusqu’`a la Maison Borel ? Il serait bon que je puisse jeter un coup d’oeil.
Au m^eme moment, on frappa `a la porte de la salle de la mairie.
— Entrez, commanda Juve, consultant du regard le procureur de la R'epublique.
L’homme qui fit son apparition dans la pi`ece 'etait un soldat, un jeune spahi, 'el'egamment serr'e dans la courte veste rouge de son uniforme, ayant une figure fine et intelligente, d’admirables yeux bruns, la tenue et la d'emarche d’un homme du monde.
— Je n’abuserai pas de vos instants, dit le spahi, mais je crois que je ne puis tarder plus longtemps `a venir vous parler. Je me nomme Martial Altar`es.