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B'eb'e, apr`es dix minutes de marche prudente, de manoeuvres savantes pendant lesquelles il d'eploya des ruses de Sioux, avait atteint le mur d’enceinte du cimeti`ere.
— Pas de bonshommes dans le paysage, murmurait la crapule, pas de spectateurs pour applaudir l’acrobate. Allons, c’est d'ecid'ement de mieux en mieux, comme je n’ai pas envie de faire la qu^ete, je me contrefiche du public. Bonne id'ee tout de m^eme que j’ai eue en venant faire un tour dans le jardin des mang'es-aux-vers.
Au lointain, dans la nuit froide, on distinguait les lumi`eres clignotantes de Louvain. `A droite, dress'ee `a une hauteur qui semblait prodigieuse dans la nuit, une lumi`ere vacillait.
— Ca, pensait B'eb'e, qui cherchait `a s’orienter, c’est un disque de chemin de fer, j’ai pas besoin d’en tenir compte. Voyons un peu plus sur la gauche.
Une masse noire ind'ecise se d'ecoupait `a demi sur le fond sombre du ciel.
— Tr`es peu d’aller `a cette vill'egiature-l`a, songea encore B'eb'e, c’est la prison. Merci, j’en viens et j’en ai largement ma claque. Voyons plut^ot vers la droite.
Sur la droite, il y avait de hautes maisons lointaines d'ej`a group'ees pr`es du mur d’enceinte qui entoure la ville de Louvain. Il y avait surtout une sorte d’amas de masures dont la silhouette parut famili`ere `a l’apache.
— Allons toujours prendre un verre de vin chaud `a Tivoli-Cabaret, ca n’a jamais fait de mal `a personne et trois sous de cordial, ca pourrait me faire du bien pour me remonter le moral.
Un quart d’heure plus tard. B'eb'e 'etait accoud'e `a une petite table du Tivoli-Cabaretsur laquelle fumait un bol de punch bouillant.
L’apache but `a petites gorg'ees, heureux de sentir la chaleur br^ulante du liquide lui p'en'etrer le corps.
Or, tandis qu’il buvait, B'eb'e r'efl'echissait. Mais ses r'eflexions n’avaient rien de joyeux.
— Ma foi, s’avouait-il, ce que je comprends de plus clair `a ce qui s’est pass'e, c’est que je n’y comprends rien du tout. En somme voil`a mon bilan, le bilan de mes op'erations. Je peux me le d'eposer `a moi-m^eme, histoire de t^acher d’y mettre un peu de lumi`ere. Donc, depuis trois jours, pour une fois, sais-tu, comme ils disent en ce patelin-ci, y a trois individus qui m’embo^itent le pas, sans me l^acher d’une semelle, sans me permettre de fl^aner une seconde. Qui est-ce ces trois individus ? Je n’en ai pas la moindre id'ee. Mais ce dont je me doute, c’est que tout `a l’heure, au moment m^eme o`u apr`es avoir jet'e ma corde lisse, j’attendais que Fant^omas s’aboule en douce, si je ne m’'etais pas retourn'e j’allais bel et bien ^etre fait par les trois bonshommes. Ah, les salauds.
Et, de rage, `a la pens'ee du danger qu’il avait couru, ou qu’il pensait avoir couru, B'eb'e tapait `a grands coups sur la table.
Que s’'etait-il donc pass'e ?
Depuis qu’il entretenait une correspondance myst'erieuse avec Fant^omas, devenu le D. 33, B'eb'e vivait dans la crainte perp'etuelle d’^etre surpris, arr^et'e par quelque policier belge ayant d'ecouvert son man`ege.
Or, au moment pr'ecis o`u B'eb'e venait d’envoyer la corde par-dessus le mur, il avait distinctement apercu, `a quelques centaines de m`etres de lui, trois personnes semblant s’avancer de son c^ot'e avec des intentions qui n’'etaient que trop faciles `a deviner.
B'eb'e n’avait pas demand'e son reste.
— Acre, s’'etait dit l’apache, v’l`a la rousse. Para^it qu’y a de l’eau dans le gaz.
Et sans se tenir de plus long discours, abandonnant sa corde, abandonnant m^eme Fant^omas, il s’'etait enfui.
On ne l’avait pas retrouv'e, il avait pu sortir sans encombre de la n'ecropole, maintenant il consommait du vin chaud au Tivoli-Cabaret, tout cela c’'etait tr`es bien, mais ce n’'etait pas assez.
`A demi rassur'e, B'eb'e se leva :
— Et Fant^omas ? Et le trio ? Ah nom de Dieu, il n’y a pas de justice. Je parie bien que Fant^omas est encore boucl'e et que le trio continue `a vouloir me mettre la main sur l’'epaule. Demain, pensait l’apache, je t^acherai voir `a trouver moyen de t'el'egraphier `a Fant^omas. Bon, je l’avertirai de la pr'esence du trio, et que ledit trio, ca ne m’encourage pas `a continuer mes manigances. Au revoir, monsieur. Fant^omas s’arrangera comme il pourra, moi je me tire des pattes. Quitte `a revenir dans un mois ou deux pour recommencer `a m’occuper du Costaud.
***
`A quelque distance de la prison de Louvain, dans une rue montueuse et mal pav'ee du faubourg, se dressent d’'enormes magasins g'en'eraux perp'etuellement travers'es du va-et-vient des charrettes, camions, fardiers, haquets, et ainsi de suite.
B'eb'e habitait ces magasins g'en'eraux. L’apache n’avait pas 'et'e long, en effet, `a deviner tout l’int'er^et que pr'esentait pour lui un semblable emplacement.
— On ne p^eche pas une aiguille dans une botte de foin, s’'etait dit B'eb'e, c’est bien le diable si l’on me pince dans la multitude de pauvres diables qui turbinent l`a dedans.