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— Je sais, major, je r'eprouve toute brutalit'e, car les prisonniers apr`es tout sont des hommes, mais il faut avoir une main de fer.
Quelques instants plus tard, un sergent de section posait la main sur l’'epaule du 33.
— Allons en route, et `a la douche.
Le 33 ne broncha pas, mais on lut dans son regard comme un 'eclair de r'evolte. Il baissa les yeux. Toute r'esistance 'etait inutile.
Quand il eut pris le bain obligatoire, il voulut regagner la sorte de cabine dans laquelle il s’'etait d'ev^etu, son gardien l’en emp^echa :
— Pas de ce c^ot'e, mais en face, droit devant vous.
Le 33 alla droit devant lui, p'en'etra dans un vestiaire, le long des murs duquel pendaient des v^etements tous identiques.
Sans un mot, sans un geste de protestation, l’homme endossa la livr'ee d’infamie. Mais ce n’'etait pas tout. On l’introduisit chez le coiffeur qui, en l’espace de quelques secondes, d’une tondeuse n'egligente, fit tomber chevelure, barbe et moustache.
Une voix hurla :
— Le 33 `a sa cellule, division D.
Un gardien se pr'esentait :
— C’est pour moi, fit-il, mais auparavant, ne faut-il pas le conduire `a M. le directeur des ateliers ?
— Vous avez raison, r'epliqua le surveillant, qui avait donn'e l’ordre. Nous avons tellement de monde en ce moment qu’on ne sait plus o`u donner de la t^ete.
Sous la conduite de son gardien, le 33 parcourut un long couloir, puis il arriva dans une grande pi`ece, o`u se trouvait un bureau, derri`ere lequel un petit vieillard `a lunettes d’or tr^onait dans un amoncellement de paperasses.
— Qu’est-ce que c’est ? interrogea-t-il de la voix 'enerv'ee de quelqu’un qu’on d'erange perp'etuellement.
Puis apercevant le gardien et son prisonnier :
— Encore un nouveau, ca fait le trenti`eme, que je vois aujourd’hui.
Le petit vieillard se redressa, toisa le d'etenu.
— Approchez, dit-il. Que savez-vous faire ?
— Monsieur j’ai fait un peu tous les m'etiers, et je m’efforcerai de faire celui qui vous conviendra le mieux.
Le directeur technique grommela :
— Moi ca m’est parfaitement 'egal, je n’ai pas `a choisir. Vous savez que tout le monde doit travailler ici, d'ecidez-vous pour l’une des professions suivantes.
Le vieillard, alors, prit un carton sur lequel quelques lignes 'etaient trac'ees, d’une belle 'ecriture de ronde, tr`es administrative :
— Voici les m'etiers que l’on peut exercer ici : cordonnier, serrurier, relieur, tailleur, fabricant d’engins de p^eche, copiste ou traducteur. Nous manquons un peu de serruriers. Savez-vous tenir la lime ?
— Oui, monsieur.
— Eh bien, alors, vous serez serrurier.
Puis, heureux d’en avoir termin'e, il ordonna au gardien :
— Emmenez-le.
Au second 'etage d’un des six corps de b^atiments, `a droite en allant vers l’extr'emit'e, apr`es avoir pass'e devant une quantit'e de portes ferm'ees, le gardien qui pilotait le num'ero 33 dans cette immense demeure, lui ouvrit une cellule et l’invita `a y p'en'etrer :
— Voici la r`egle de la maison, expliqua-t-il, r'eveil `a cinq heures, toilette et d'ejeuner. De la chicor'ee avec du lait et du pain sec. Puis, travail jusqu’`a midi, une soupe pour d^iner, reprise du travail de une heure jusqu’`a cinq heures, souper : pommes de terre avec un autre l'egume. `A cinq heures et demie, reprise du travail jusqu’`a neuf heures du soir, puis, extinction des feux et coucher. Ah, j’oubliais de vous demander : ^etes-vous fumeur ?
— Pourquoi ?
— Parce que, d'eclara le gardien, l’administration vous autorise le matin, pendant que vous vous promenez dans le pr'eau, `a y fumer la pipe. La journ'ee est trop avanc'ee, pour qu’on vous occupe aujourd’hui. Demain, vous recevrez votre t^ache.
Puis il se retira, verrouilla la porte. Son pas s’att'enua. Puis ce fut le silence. Le 33 'etait seul dans sa prison.
La cellule avait environ deux m`etres cinquante de large et trois m`etres de haut. Elle 'etait 'eclair'ee par une fen^etre grill'ee pourvue d’un petit vasistas. Au plafond, une lampe 'electrique dont un commutateur g'en'eral pour toutes les cellules commandait la lumi`ere. La porte, 'epaisse et lourde, ne s’ouvrant que de l’ext'erieur, 'etait en bois doubl'e de fer, au centre se trouvait un guichet permettant de passer les aliments. Au-dessus, un trou, sorte de monocle appel'e « espion », perc'e `a hauteur d’homme et permettant de surveiller le d'etenu du dehors.
Le 33 'etudia son mobilier : un lit qui, repli'e, formait une v'eritable table ; une chaise, un paillasson, une gamelle et un couvert. C’est tout.
Le 33, ayant rapidement termin'e cet inventaire, se prit la t^ete entre les mains et soupira :
— Est-ce le tombeau ? Est-ce la fin ? Fant^omas, es-tu d'esormais retir'e du monde des vivants ?
Un 'eclair d’espoir brillait dans les yeux du prisonnier.
— J’en ai, pensa-t-il, au moins pour quatre mois encore.