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Fant^omas 'etait radieux.
— Ouf, songeait-il, s’'etirant voluptueusement sur la banquette capitonn'ee, me voici, je pense, d'efinitivement hors d’affaire. J’ai des v^etements nouveaux, je suis dans un train o`u l’on ne sait pas que je suis. Bien fins seront L'eon et Michel s’ils parviennent `a me rejoindre.
Il en 'etait l`a de son monologue quand, la porti`ere de son compartiment s’ouvrit, un employ'e se tenant sur le marchepied lui demandait, sans d’ailleurs avoir l’air de soupconner quoi que ce soit :
— Votre billet, monsieur ?
Fant^omas n’avait pas song'e `a cela.
Quelques minutes avant, en sautant du wagon de marchandises, pour venir prendre place dans le compartiment de premi`ere classe, il avait n'eglig'e de regarder le nom de la station o`u le train arrivait.
Pour gagner du temps, machinalement, il fouillait dans les goussets de son gilet.
Aussi, fut-ce avec un 'etonnement voisin de la stup'efaction, qu’il entendit l’employ'e lui dire :
— Dans la poche de droite. Oui, dans celle-l`a monsieur. C’est un permis de circulation que vous avez. Je viens de l’apercevoir pendant que vous vous fouilliez.
Il y avait de quoi ^etre saisi, mais Fant^omas encore une fois, donna la preuve de son sang-froid.
— En effet, r'epondit-il, c’est un permis de circulation.
Et il tendit `a l’homme un billet jaune, un billet qu’il avait pris en effet, dans la poche droite de son gilet, un billet qui, naturellement, 'etait le billet de l’homme tu'e deux heures auparavant.
Or, l’employ'e de chemin de fer avait `a peine jet'e les yeux sur le permis que lui tendait Fant^omas, qu’il sursauta `a son tour :
— Ah bien, par exemple, vous avez de la veine que je sois venu vous contr^oler, monsieur, sans quoi vous vous trompiez de route. C’est `a Saint-Calais que vous allez ?
— `A Saint-Calais, oui, c’est par ici ?
— Non. Par ici c’est Bess'e, Bess'e-sur-Braye.
— Alors, mon ami ?
— Eh bien, monsieur, c’est l`a qu’il faut changer de train pour la correspondance. D'ep^echez-vous. Passez-moi votre valise. Oui. La correspondance est dans deux heures.
Fant^omas n’eut pas le temps de r'efl'echir.
Obligeamment, l’employ'e qui, certainement, 'etait fort loin de se douter de la stup'efaction du voyageur, se saisit de la valise jaune, marqu'ee C. P. que lui tendait Fant^omas et il la descendit sur le quai. Fant^omas le suivit.
— Apr`es tout, songeait le bandit, fort 'eloign'e de deviner ce que Saint-Calais pouvait pr'esenter de dangers pour lui, va pour ce patelin ou pour un autre. D’ailleurs, en attendant la correspondance, si j’en trouve le moyen, je prendrai un billet pour une autre destination.
Apr`es avoir remerci'e l’employ'e, Fant^omas empoigna donc sa valise et, `a petits pas, s’achemina vers la gare.
Or, le bandit n’avait pas avanc'e de quelques m`etres, qu’un homme en blouse bleue, arm'e d’un grand fouet, un voiturier sans nul doute, se pr'ecipitait vers lui :
— Eh monsieur, monsieur, criait-il, arr^etez-vous donc, me voil`a. Parbleu, il a joliment du retard, vot’ train. Donnez-moi donc votre valise, s’il vous pla^it. Et comme ca alors vous avez fait bon voyage ?
Interdit, interloqu'e, Fant^omas ouvrit la bouche pour r'epondre. L’homme ne lui en laissa pas le temps :
— Ma foi, reprenait-il, c’est encore de la chance que vous ayez eu une valise marqu'ee `a vos initiales. Sans ca, savez-vous bien, monsieur, que je me demande comment nous nous serions « reconnus ». Justement aujourd’hui, voyez plut^ot, il y avait deux voyageurs pour Bess'e et nous sommes trois voituriers. Allons, venez, monsieur, venez. C’est maintenant l’affaire d’une demi-heure de route, pour que vous soyez « chez vous ».
16 – LE RENDEZ-VOUS D’AMOUR
Comme dans beaucoup de villes provinciales, il est d’usage, `a Saint-Calais, d’aller faire le soir, lorsque le temps s’y pr^ete, ce qu’on appelle un tour de ville. Les gens de la bonne soci'et'e, les petits rentiers, les commercants qui ont ferm'e leurs boutiques et surtout la jeunesse, les amoureux, les fianc'es, appr'ecient volontiers cette promenade hygi'enique et agr'eable qui permet non seulement de rencontrer ses amis, de faire un brin de causette, mais encore d’entendre les potins, d’apprendre les nouvelles et m^eme, au besoin, d’'ebaucher des relations. C’est pourquoi le tour de ville `a Saint-Calais est particuli`erement appr'eci'e des habitants.