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`A peine la porte se fut-elle referm'ee que les deux amants p'en'etraient dans un petit salon discr`etement 'eclair'e d’une lumi`ere douce, tamis'ee par un grand abat-jour. Chonchon, qui se rendait fort bien compte qu’elle allait avoir `a jouer une partie d'ecisive, attendait l’attaque, pr^ete `a riposter de son mieux, mais ne voulant pas entamer les hostilit'es. Le marquis, d’autre part, ne semblait gu`ere dispos'e `a prendre le premier la parole.
Tergall avait un air pr'eoccup'e, soucieux, il ne s’'etait pas assis, mais demeurait immobile au milieu de la pi`ece, consid'erant d’un air vague et presque surpris, tous ces objets familiers qu’il connaissait si bien. Et il semblait 'etonn'e que rien ne f^ut chang'e dans ce petit salon confortable et charmant, o`u il avait pass'e de si bonnes heures, alors qu’en se rappelant les r'ecents 'ev'enements, il avait l’impression au contraire que quelque chose d’'enorme s’'etait produit, un cyclone, un typhon, un cataclysme. Et tous ces bibelots existaient encore ?
Mais soudain, Maxime de Tergall se pr'ecipita aux pieds de la jeune femme :
— Chonchon, s’'ecria-t-il d’une voix 'etrangl'ee par l’'emotion, cependant que ses yeux se remplissaient de larmes, ne m’aimes-tu donc pas ? Pourquoi m’avoir tromp'e l^achement, m'echamment, et surtout avec cet ignoble individu, ce bandit, ce criminel, avec Chamb'erieux ? Ah, je m’'etais jur'e de ne te pardonner jamais, de rompre d'esormais toutes relations avec toi et je le ferai, je le ferai. Mais auparavant, je veux savoir ce qui s’est pass'e, j’exige une explication.
Chonchon 'etait une femme perspicace. Avant de r'epondre, elle consid'era un instant l’homme qui lui ordonnait ainsi de parler. Il n’avait pas l’air bien terrible, cet accusateur, ce ma^itre qui dictait ses instructions, `a genoux devant celle qui les 'ecoutait. Et Chonchon se rendait compte qu’elle avait affaire `a un esclave qui la suppliait et que d’ici quelques instants, si elle savait s’y prendre, c’'etait Maxime de Tergall qui finirait par lui demander pardon.
Chonchon ayant prolong'e suffisamment le silence articula lentement :
— Pauvre ami, comme je t’ai fait souffrir. Et pourtant ca n’est pas ma faute. Crois bien que moi, de mon c^ot'e, j’'etais, je suis encore bien malheureuse. H'elas, je le reconnais, j’ai eu tort, j’aurais d^u tout te dire, mais je ne voulais pas te faire de peine. Voil`a, nous autres, pauvres femmes, nous sommes toujours victimes de notre d'elicatesse et de notre coeur.
— Que veux-tu dire ?
Chonchon s’expliqua :
— Comprends-moi bien, fit-elle, je ne t’ai pas tromp'e, je ne t’ai jamais tromp'e avec Chamb'erieux.
Le marquis de Tergall 'etait dispos'e `a admettre bien des choses, mais n'eanmoins, `a cette d'eclaration, il sursauta, il bondit en arri`ere.
— Tu ne m’as pas tromp'e ? Ca, par exemple !
Chonchon l’interrompit :
— Laisse-moi finir, poursuivit-elle.
Puis, elle ajoutait les yeux baiss'es :
— C’est lui que j’ai tromp'e avec toi. Oui, continua-t-elle en s’animant, il est mon amant en titre, il l’'etait d'ej`a bien avant que je te connaisse. Naturellement, je ne l’aime pas, c’est toi que j’aime, mais quand je t’ai connu je n’'etais pas, je ne pouvais pas ^etre s^ure de ta fid'elit'e. Seulement, pour ne pas 'eveiller ta jalousie, je t’ai cach'e l’existence de Chamb'erieux. Je ne t’ai pas racont'e nos relations. 'Etait-ce bien la peine ?
— Mon Dieu ! est-ce possible ?
— Je ne pouvais pas avoir une grande confiance en toi, et m^eme depuis que je te connais, je n’ose envisager l’avenir. N’es-tu pas mari'e ?
— H'elas si, mais cela n’a pas d’importance.
— Cela en a beaucoup, dit Chonchon. Voyons, Maxime, ne parlons plus de ces choses, c’est un mauvais r^eve qu’il faut oublier. Il se trouve que nous avons l’un et l’autre, dans nos existences respectives, des personnes dont le souvenir nous est p'enible `a 'evoquer. Tu as ta femme, j’ai Chamb'erieux. Apr`es tout, nous sommes quittes, oublions-le.
Le marquis de Tergall ne demandait pas mieux que de se rendre aux objurgations de sa ma^itresse.
— Tu as raison, Chonchon, oublions, puisque nous sommes en pr'esence de l’irr'eparable et que rien, pour le moment ne nous permet de modifier cette situation.
Le marquis s’'etait relev'e, il vint s’asseoir sur le canap'e, `a c^ot'e de la chanteuse, passa son bras autour de la taille de celle-ci. Mais soudain, Chonchon se recula :
— Chut.
Puis elle interrogea brusquement :
— Quelle heure est-il ? D'ep^eche-toi de me le dire.
— Dix heures et quart.
— Bon, nous avons encore une demi-heure.
Le visage du marquis exprima soudain une vive contrari'et'e.
— Une demi-heure ? fit-il, veux-tu donc t’en aller ? o`u comptes-tu te rendre par cette nuit sombre et mauvaise ?
— Moi, fit Chonchon, je ne vais pas me fourrer les pieds dehors, telle n’est pas mon intention, seulement c’est toi qui vas partir.