Шрифт:
La disposition topographique de la pittoresque petite ville se pr^ete d’ailleurs admirablement `a cette promenade.
Saint-Calais, en effet, se trouve entour'e par une sorte de boulevard circulaire qui vient de part et d’autre rejoindre la grande rue et qui passe non loin de l’'eglise, emprunte la route de la gare, revient par le Palais de Justice jusqu’au champ de foire, d’o`u il rejoint la rue principale.
Fort mouvement'ee, cette promenade cesse cependant d’^etre anim'ee d`es huit heures et demie ou neuf heures du soir. Comme partout en province, il est dans les usages des habitants de Saint-Calais de se coucher de bonne heure. D’autre part, on s’y l`eve plus t^ot, ce qui r'etablit l’'equilibre et ne nuit pas `a l’hygi`ene, tout au contraire.
Un peu en retrait de la promenade, du c^ot'e ext'erieur du champ de foire s’'el`event un certain nombre de constructions neuves et de petites villas isol'ees les unes des autres par des jardins.
Ce soir-l`a, en raison de la petite pluie fine qui, avec la brume, n’avait cess'e d’attrister l’apr`es-midi de novembre, les promeneurs s’'etaient faits rares autour de ville et par suite, bien peu de gens 'etant sortis de chez eux apr`es le d^iner, le quartier neuf, tranquille ordinairement, semblait particuli`erement mort et d'esert. On n’y entendait aucun bruit, et des villas tr`es rapproch'ees les unes des autres ne montait aucun signe de vie indiquant qu’on les habitait.
De l’une de ces maisons, toutefois, une belle villa `a l’architecture normande qui se trouvait situ'ee un peu `a l’'ecart du groupe des autres constructions, un filet de lumi`ere filtrait `a travers les volets clos. Elle 'etait cependant silencieuse et seul le pinceau lumineux percant `a travers les fen^etres trahissait la pr'esence, `a l’int'erieur, d’un ^etre humain.
Soudain, dans le calme du soir, un bruit de pas furtifs se fit entendre et une ombre, une ombre masculine, se glissant le long des bouquets d’arbres et paraissant vouloir se dissimuler derri`ere la touffe des massifs, parvint jusqu’au pied de la demeure.
`A la vitre du rez-de-chauss'ee, qui semblait 'eclair'ee, l’homme frappa discr`etement et attendit.
Quelques instants plus tard, une fen^etre grinca, s’ouvrit de l’int'erieur mais les volets demeur`erent ferm'es.
Une voix, une voix de femme, interrogea doucement :
— Qui frappe ?
Le personnage qui s’'etait ainsi furtivement approch'e r'epondit `a voix basse :
— C’est moi, vous pouvez ouvrir.
La voix de femme reprit sur un ton de m'efiance :
— Moi ? ce n’est pas un nom ? Qui ^etes-vous ?
— Maxime de Tergall.
On parut rassur'e dans la maison, la fen^etre se referma. Encore quelques instants, une cl'e tournait dans une serrure, et la porte donnant sur le jardin s’ouvrait.
Le marquis de Tergall p'en'etra rapidement dans la villa et, apercevant soudain la personne qui venait de lui ouvrir, il s’'ecria avec un air de tendresse et de reproche :
— Chonchon, ma petite Chonchon, tu ne m’avais donc pas reconnu ?
Puis la porte se referma.
La maisonnette isol'ee au milieu des constructions neuves de Saint-Calais et dans laquelle venait de s’introduire le marquis de Tergall, non sans avoir pris toutes sortes de pr'ecautions, avait 'et'e lou'ee depuis quelques semaines d'ej`a par la chanteuse.
La jeune femme exercait son m'etier, beaucoup plus par habitude, par distraction et aussi pour s’assurer une situation sociale qu’elle p^ut avouer sans rougir, que par n'ecessit'e. Gr^ace en effet `a ses g'en'ereux protecteurs, elle avait des moyens qui lui permettaient de vivre `a son gr'e sans rien faire. En outre, elle se pr'etendait artiste et se jurait un v'eritable temp'erament. Chonchon, assez ind'ependante malgr'e tout, n’'etait pas f^ach'ee d’avoir une profession qui lui permettrait, le cas 'ech'eant, une existence certaine et, somme toute, pas d'esagr'eable. Toutefois, elle travaillait en amateur et ne se condamnait pas, comme la plupart de ses camarades, `a des repr'esentations jamais interrompues pendant le cours de la saison. Elle venait chanter huit jours au Mans, prenait quinze jours de cong'e ensuite, se produisait pendant quelques semaines dans les 'etablissements des villes avoisinantes, Saumur, Angers, Tours, puis regagnait Le Mans.
Il lui arrivait 'egalement de passer une semaine, quelquefois deux, dans sa petite maison de Saint-Calais, qu’elle avait lou'ee assez myst'erieusement `a son nom et o`u elle recevait, dans le plus grand secret, car ils ne tenaient pas `a se faire remarquer, l’un ou l’autre de ses amants.
Lorsque Chonchon avait entendu Maxime de Tergall se nommer, elle avait 'eprouv'e `a la fois une 'emotion violente et une satisfaction r'eelle.
Depuis la malencontreuse matin'ee, la chanteuse n’avait revu ni l’un ni l’autre de ses deux amants avou'es. Elle 'etait fort ennuy'ee de ce qui s’'etait produit et ne savait trop comment s’y prendre pour rattraper une situation terriblement compromise.
D`es lors, elle avait cru prudent et politique de ne pas manifester trop bruyamment son existence. Prudemment, elle 'etait venue s’installer dans sa petite villa de Saint-Calais, ayant le soin toutefois de faire savoir aussi bien `a Chamb'erieux qu’au marquis de Tergall qu’elle s’y trouvait.
Dans l’apr`es-midi, Chonchon avait eu une premi`ere surprise que lui apportait une lettre dont elle avait longuement et `a maintes reprises lu et relu le contenu.
Puis, le soir, c’'etait l’arriv'ee du marquis.