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L’homme se pr'ecipita devant le v'ehicule et, affol'e, s’'ecria :
— Arr^etez, arr^etez, au secours.
17 – UN CADAVRE DANS LA FOR^ET
Sous la conduite de l’obligeant voiturier, qui, aux initiales de sa valise, l’avait « reconnu », Fant^omas, 'emu par ce dernier incident, se dirigea vers la sortie de la gare.
« C’est l’affaire d’une demi-heure », venait d’annoncer le voiturier, « et vous serez chez vous ».
Fant^omas, qui pensait arriver dans un pays totalement inconnu pour lui, dans un pays o`u nul ne l’attendait, se voyait, par le fait m^eme de son crime, embarqu'e dans une suite de quiproquos qui pouvaient devenir graves.
Boulevers'e d'ej`a par l’incident du contr^oleur de chemin de fer lui demandant `a v'erifier son billet, alors qu’il ne s’y attendait pas, Fant^omas n’avait point song'e au moment o`u le voiturier l’abordait, o`u l’homme le « reconnaissait », `a feindre la surprise, `a nier qu’il 'etait celui pour qui on le prenait.
— Maintenant, songeait-il, il est trop tard. J’ai eu l’air d’accepter les propositions de ce bonhomme, je ne peux plus les rejeter. Je suis engag'e dans une aventure dont il ne m’est plus permis de sortir par la ruse. On verra si la force peut m’aider.
Telle 'etait en effet la sinistre accoutumance au meurtre de l’^ame du bandit qu’`a toutes les questions Fant^omas entrevoyait deux solutions :
Ou il tirait parti des circonstances en inventant quelque ruse subtile, ou il avait recours `a la force. Il faisait de la Mort son alli'ee, tuait sans piti'e, sans merci, sans h'esitation d’aucune sorte, ceux qui se trouvaient sur sa route et qui 'etaient susceptibles de lui ^etre occasion d’une g^ene ou d’un ennui. C’est dans cet 'etat d’esprit, songeant d'ej`a que l’assassinat du voiturier s’imposait, que Fant^omas monta dans la carriole. Cependant, l’homme qui le guidait paraissait un joyeux vivant, toujours de bonne humeur, dou'e d’un de ces temp'eraments actifs qui aiment `a se multiplier, `a rendre service autant pour obliger autrui que pour trouver une occasion de se remuer, de d'epenser leur 'energie.
— Et comme ca, demandait-il, tout en faisant tourner son cheval qu’il avait pris par la bride, et comme ca, vous n’aviez pas de gros bagages ? Non ? Ou sans doute, alors, vous pensez les faire prendre demain matin par l’omnibus de l’h^otel ? Dame, sur ma carriole, je serais bien g^en'e pour vous mettre une grosse malle. Ici, on n’a pas de bonnes voitures, les chemins sont trop mauvais. Ah, ma foi, ca va vous changer de Mont-de-Marsan, peut-^etre bien ?
Les dents serr'ees, faisant un effort pour r'epondre au verbiage du bavard, Fant^omas se borna `a r'epliquer :
— Eh oui, un peu.
— Ah c`a, se demandait au m^eme moment l’extraordinaire bandit, qu’est-ce que tout cela signifie ? Cet homme a l’air de savoir parfaitement d’o`u je viens. Il me parle de Mont-de-Marsan, donc il me prend pour quelqu’un venant de Mont-de-Marsan. L’individu que j’ai tu'e tout `a l’heure devait arriver de l`a-bas ? Hum, c’est bizarre. Comment cela va-t-il finir ? Vais-je pouvoir me tirer encore une fois indemne du pi`ege imb'ecile o`u je suis tomb'e ?
Brusquement, Fant^omas se sentait pris d’une sorte d’agacement, d’une v'eritable col`ere contre lui-m^eme.
— J’ai agi comme un 'etourdi, pensait-il, en prenant les apparences, la personnalit'e du cadavre que j’ai fait, sans m’^etre au pr'ealable renseign'e sur ce qu’'etait ce bonhomme. `A la rigueur, je puis admettre qu’un voiturier se trompe sur ma personnalit'e, mais, tout `a l’heure, cet homme m’annoncait qu’il me conduisait « chez moi ». Qu’est-ce que c’est que ce « chez moi ». Quelle t^ete vais-je faire si, par hasard, j’y trouve de soi-disant parents, une femme, des enfants peut-^etre ?
Et de plus en plus, au fur et `a mesure qu’il r'efl'echissait `a la m'eprise du voiturier, aux cons'equences tragiques que son erreur pouvait avoir, Fant^omas voyait la n'ecessit'e qu’il y avait pour lui de supprimer ce t'emoin g^enant, ce t'emoin qui, petit `a petit, sans qu’il p^ut rien pour l’emp^echer, au trot de son cheval, allait le conduire vers le myst'erieux domicile qu’il lui attribuait dans sa simplicit'e, et o`u, sans aucun doute, les pires dangers devaient l’attendre.
Fant^omas, cependant, 'etait trop homme de sang-froid pour s’affoler quelle que f^ut la situation tragique o`u il se voyait r'eduit. Tout en s’installant sur la banquette de la carriole, il ne n'egligeait point d’observer les moindres d'etails qui pouvaient jeter un peu de clart'e sur sa vraie situation.
La valise fatale, la valise marqu'ee C. P., la valise qui l’avait fait prendre pour quelqu’un qu’il n’'etait pas, lui 'etait pr'ecieuse `a consid'erer. Ce n’'etait certainement pas un sac de grand luxe, mais c’'etait cependant une mallette de cuir jaune d’assez bonne apparence, t'emoignant que son propri'etaire devait appartenir `a une classe ais'ee, t'emoignant aussi qu’il devait souvent voyager, car on y voyait de nombreuses 'etiquettes attestant des d'eplacements dans tous les coins de France et m^eme en des stations baln'eaires, en Suisse, en Italie.