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Trois marches de pierre permettaient d’acc'eder au jardinet sur'elev'e d’un m`etre environ au-dessus du niveau du chemin.
Le vieillard, apr`es avoir frapp'e la pointe de ses souliers contre la premi`ere des marches pour d'ebarrasser ses semelles de la terre glaise qu’elles avaient apport'ee des champs et des vergers, ouvrit la petite barri`ere de bois.
`A peine 'etait-il dans l’enclos qu’une voix jeune et fra^iche le saluait d’un joyeux :
— Bonsoir, grand-p`ere !
— Bonsoir, grommela le vieillard… bonsoir, ma petite Berthe… comment as-tu pass'e la journ'ee ?
Puis, sans attendre la r'eponse, le vieux paysan poursuivait :
— Fichu temps, les petits pois 'etaient rares cet apr`es-midi…
L’interlocutrice du vieillard se r'ecriait :
— Vous osez dire, « fichu temps », grand-p`ere …. vraiment vous ^etes difficile…, jamais depuis que l’hiver s’est achev'e, nous n’avons encore eu une aussi belle journ'ee. De la chaleur, du soleil, des oiseaux qui gazouillent, du bleu plein le ciel…
— Ta ta ta… interrompit le vieillard, va toujours, petite, une jeunesse comme toi ca ne pense qu’`a regarder autour de soi et ca ne voit dans les paysages qu’un objet d’amusement. Moi je dis que c’est un fichu temps parce que lorsqu’il fait beau, la terre est trop s`eche et les pois ne poussent pas…
Le vieillard jeta avec d'edain sur un petit carr'e de gazon dessin'e devant la maisonnette, sa maigre r'ecolte. Il haussa les 'epaules et r'esign'e :
— Bah ! `A chaque jour suffit sa peine, les vents sont d’ouest ce soir, nous aurons de la pluie demain…
Tendrement, il se pencha alors sur le front de la jeune personne qui l’avait appel'e grand-p`ere. Il d'eposait `a la naissance de ses cheveux blonds un affectueux baiser.
— Vraiment, tu te sens mieux, fillette ?
Pour toute r'eponse la jeune femme embrassa l’a"ieul…
***
`A quelques centaines de m`etres du village de Rolleboise, dans cette maisonnette entour'ee d’un jardin propret, vivaient deux excellents vieillards : le p`ere Yxier et sa femme, la m`ere Catherine.
Ils avaient une modeste aisance, poss'edaient en toute propri'et'e le lopin de terre sur lequel s’'elevait leur demeure.
Leur existence durant, ils avaient travaill'e, 'economis'e. Leurs derniers jours s’ach`everaient, sinon dans l’opulence, du moins dans le calme et la paix, sans le souci du lendemain.
Depuis d'ej`a trois ou quatre ans, ils avaient avec eux leur petite-fille, jeune et jolie femme de vingt-cinq ans environ, M lleBerthe, comme on l’appelait dans le pays.
`A la mort de ses parents, survenue d`es son enfance, ils l’avaient 'elev'ee avec la plus grande tendresse, lui faisant donner une 'education soign'ee.
Puis la jeune fille partit pour Paris o`u elle exercait diverses professions. Ses grands-parents ne la virent plus qu’`a de rares intervalles, il leur sembla m^eme que peu `a peu elle se d'etachait d’eux.
Or, un certain jour, il y avait de cela pr`es de quatre ans, Berthe leur 'etait venue relevant, semblait-il, d’une grande maladie au cours de laquelle son existence avait 'et'e en danger.
On recommandait `a la jeune fille du repos, du calme, de la campagne. Les bons vieillards, bien que n’'etant pas riches, faisaient tr`es volontiers `a leur enfant ch'erie une place confortable et affectueuse `a leur foyer.
Lentement la jeune fille s’'etait remise.
… Cependant une voix retentit du fond de la maison :
— `A la soupe… `a la soupe… il est sept heures pass'ees…
La m`ere Catherine, femme du p`ere Yxier, sortait de sa cuisine et apparut, toute rouge de la chaleur du fourneau.
Prestement, Berthe se leva de la chaise longue en osier sur laquelle elle 'etait 'etendue et gagna la maison.
Son grand-p`ere, lui, d'elacant ses gros souliers macul'es de boue, se d'echaussait sur le seuil de la porte, puis p'en'etrait ensuite dans l’int'erieur, ayant, pour m'enager le parquet cir'e, mis au pr'ealable des chaussons de laine.
— Je t’ai fait une soupe au lait sp'eciale pour toi, d'eclara la m`ere Catherine `a sa petite-fille, puisque ton estomac ne te permet pas de manger le pot-au-feu…