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Longtemps Berthe n’avait eu aucune raison d’en douter, mais voici que soudain les drames auxquels elle avait 'et'e m^el'ee s’'etaient pr'ecipit'es.
Bobinette convaincue d’une compromission honteuse, d’avoir voulu trahir…, avait tent'e de s’empoisonner, pour 'echapper aux rigueurs de la Justice.
Un homme alors l’avait sauv'ee, tir'ee d’affaire. Cet homme, c’'etait Juve.
Or, par Juve, Berthe avait appris que lady Beltham n’'etait pas la sainte qu’elle croyait…, qu’elle n’'etait pas morte, qu’elle vivait encore…
L’Am'ericaine paraissait de plus en plus 'emue.
Les deux femmes 'etaient arriv'ees `a l’ombre d’un bouquet d’arbres. Elles se regard`erent les yeux dans les yeux et soudain Berthe poussa un grand cri.
Il lui sembla qu’un voile se d'echirait, que ses yeux jusqu’alors aveugles, voyaient et voyaient comme il fallait voir…
La grande dame aux cheveux d’or, au regard 'etrange et clair, aux traits d’une merveilleuse beaut'e, `a la d'emarche si majestueuse que l’on eut dit une reine, et qui se trouvait devant elle, avec qui elle vivait d'ej`a depuis plus de deux semaines… mais elle la connaissait, elle l’avait maintes fois entendu d'ecrire, elle avait longtemps contempl'e ses portraits… son nom lui montait aux l`evres…
La grande dame ne lui laissa pas le temps de parler. Posant affectueusement ses mains sur les 'epaules de la jeune fille, elle r'epondit `a l’interrogation muette :
— Oui, je suis lady Beltham.
Bobinette atterr'ee, stup'efaite, demeurait immobile, sans r'epondre.
Quel parti prendre ?
Lady Beltham 'etait-elle une grande coupable ou une grande victime ? L’'etrang`ere, cependant, lisait dans la pens'ee de Bobinette.
— Berthe, Berthe, dit-elle, ne me condamnez pas sans me conna^itre, n’essayez pas de comprendre des choses sur lesquelles moi-m^eme je n’ai pas d’opinion… Nous sommes les unes et les autres, ici-bas, de pauvres 'epaves qui flottent au gr'e des flots insurmontables… ne jetez pas la pierre sans avoir entendu la confession du p'echeur, ne jugez pas.
Berthe se jeta dans les bras de lady Beltham.
C’'etait instinctif, spontan'e.
Cette grande dame, sinc`ere ou fausse, poss'edait l’art de s'eduire ou de charmer, `a un point tel que nul n’'etait capable de s’y soustraire…
Berthe, toute secou'ee par l’'emotion que provoquait en elle l’'evocation de son terrible pass'e, sanglota doucement, appuy'ee sur l’'epaule de lady Beltham. Celle-ci brusquement s’arracha `a cette 'etreinte, courut `a l’entr'ee du petit bois, `a l’ombre duquel elles se tenaient toutes deux.
— Berthe, appela-t-elle d’une voix inqui`ete…
— Lady Beltham ?… Qu’y a-t-il ?
La grande dame d'esignait du doigt des individus qui passaient `a l’horizon.
— Ces deux hommes, interrogea-t-elle, sur la route… qui sont-ils ?
— Je ne les connais pas, dit Berthe.
Cependant les individus se dissimulaient derri`ere un repli de terrain.
Lady Beltham, rassur'ee en apparence, 'etait venue s’asseoir sur un tapis de mousse. Berthe s’installa `a c^ot'e d’elle.
Les deux femmes 'echang`erent d’am`eres r'eflexions.
— Oui, disait lady Beltham, laissons ce pass'e qui m’est odieux, que je voudrais d'etruire… ah ! si l’on pouvait simplement refaire sa vie, an'eantir…
De sa voix douce, Berthe lui demanda :
— Qui ^etes-vous d'esormais, madame… comment vous appelle-t-on ?
Lady Beltham leva ses yeux admirables vers le ciel. Son regard s’assombrit :
— Je suis, d'eclara-t-elle, la femme d’un homme que j’abhorre et qui me trompe, un homme que j’ai fui, que je fuis encore, tant par d'epit que par d'esir de vengeance.
— Restez ici, madame, restez avec nous, reposez-vous dans la paix et la tranquillit'e de cette campagne, je vous aime d'ej`a tant, je ne crois pas vous d'eplaire, nous serons bonnes amies.
Lady Beltham, h'esitante, mais s'eduite assur'ement par l’offre de la jeune fille, l’enveloppait d’un long regard affectueux, lorsqu’elle fr'emit `a nouveau, se dressa toute droite :
— Berthe, j’ai peur, encore ces hommes, rentrons…
Lady Beltham, sur le pas de la porte acheva le r'ecit de ses malheurs :
— Vous avez entendu parler, peut-^etre, de ce crime incompr'ehensible, en Angleterre. Il s’agit d’un docteur, d’un dentiste anglais, un certain M. Garrick, dont la femme a subitement disparu… on accuse cet homme, qui a une ma^itresse, d’avoir assassin'e sa femme l'egitime… il s’en d'efend, mais son 'epouse demeure introuvable.
— Vous savez quelque chose sur l’affaire Garrick, madame ? La femme de ce docteur Garrick, la femme disparue, si c’'etait…
— Eh bien ?