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Depuis quelques instants, en effet, il profitait des lueurs aveuglantes de l’incendie pour d'evisager avec une fixit'e 'etrange le jeune homme qui lui proposait de l’aider `a sauver sa fille.
— Le Camelot, dit-il `a mi-voix, mais je le reconnais, c’est lui, lui.
Brusquement, Fant^omas se leva `a son tour. Plus brusquement encore, il traversa en courant le jardinet, il disparut, laissant sa fille aux mains du jeune homme.
Et celui-ci, stup'efi'e, l’entendit crier :
— C’est H'el`ene, je vous la confie, sauvez-la. Moi, je n’ai que le temps de m’'echapper.
***
— Ah nom de Dieu, brigadier, croyez-vous que c’'etait juste ?
— Oui, oui. Il avait bien combin'e son coup.
— Quelle crapule.
— Vous avez raison, brigadier. Des gaillards comme ca, c’est vraiment pain b'eni quand on peut les prendre sur le fait. Celui-l`a n’y coupera pas. C’est la guillotine.
— En effet. Ca sera la guillotine.
— Ou les travaux forc'es `a perp`ete.
— Comme de juste.
… La plaine de Saint-Ouen n’'etait plus qu’un immense brasier d’o`u montaient vers le ciel des tourbillons de fum'ee rabattus par un vent implacable.
Les agents qui venaient de proc'eder `a la rafle se retiraient enfin, rentrant `a Paris, harass'es, et c’'etaient deux d’entre eux qui devisaient de la sorte, joyeux.
Alors que l’incendie battait son plein, en effet, alors que M. Havard, en compagnie de Juve, se d'ecidait `a quitter le campement des chiffonniers, une sc`ene 'etrange avait eu lieu, qui avait profond'ement satisfait les braves gardiens de la paix.
L’un d’eux avait apercu, marchant avec pr'ecaution au milieu des cabanes croulantes, des d'ecombres de toutes sortes, un homme, un homme jeune, qui portait sur ses 'epaules, ployant sous ce faix, une femme `a demi 'evanouie. D’abord, un mouvement d’enthousiasme pour le courage du sauveteur avait voulu que tous les braves gardiens se pr'ecipitassent en avant pour aider l’inconnu `a tirer la femme du brasier. Ce mouvement, par malheur, n’avait pas dur'e.
En venant `a la rafle les agents avaient recu des instructions fort pr'ecises et ils ne pouvaient ^etre victimes d’une erreur.
— Le Camelot, c’est le Camelot.
Ce cri, pouss'e d’abord par un seul agent, 'etait en un instant sur toutes les l`evres.
Oui, ce sauveteur 'etait bien le Camelot, recherch'e, le Camelot qui avait motiv'e la rafle, qui s’'echappait, feignant de sauver une femme pour passer `a la faveur de l’apitoiement g'en'eral.
Les agents se pr'ecipit`erent sur lui. Le Camelot 'etait bouscul'e, presque pass'e `a tabac. Assailli de vingt c^ot'es `a la fois, il n’eut pas le temps de se d'efendre.
L’attaque violente, cependant, dont il 'etait victime de la part des gardiens de l’ordre ne pouvait se prolonger. Bient^ot, le Camelot se vit passer les menottes.
— Mais enfin, demanda alors en haletant le Camelot, qu’est-ce que vous avez donc tous, `a vous acharner contre moi ? qu’ai-je fait ? je sauvais une malheureuse chiffonni`ere. J’imagine que ce n’est pas d'efendu ?
Ce qu’il avait fait, le Camelot devait l’apprendre rapidement.
— Ah, ah, mon gaillard, vous voulez faire le malin ? vous rousp'etez ? vous demandez pourquoi l’on vous « chauffe » ? r'epondit un des brigadiers, eh bien, on va vous le dire. Vous avez assassin'e Ellis Marshall. Et c’est tout bonnement pour arriver `a vous pincer qu’il y avait une rafle ce soir.
Le brigadier s’attendait bien `a surprendre son prisonnier, en lui faisant d’aussi nettes r'ev'elations, mais il ne s’attendait pas `a une stup'efaction pareille `a celle qui se lisait sur le visage du Camelot.
— C’est `a cause de moi qu’il y avait rafle ? r'ep'etait le jeune homme, b'egayant presque d’'etonnement, et je suis accus'e d’avoir tu'e Ellis Marshall ? mais vous ^etes fous. Vous ne savez donc pas qui je suis ? J'er^ome Fandor. Menez-moi vers Juve, que diable.
Fandor, car c’'etait bien Fandor, en effet, qui, depuis longtemps cach'e dans la p`egre pour mieux surveiller la fille de Fant^omas, incarnait le personnage du Camelot, qui avait 'et'e en « camelot » chez le p`ere Grelot, en « camelot » encore `a la salle d’armes, puis s’'etait grim'e en garcon coiffeur pour voler `a Ellis Marshall le faux portefeuille rouge. Fandor se d'emenait comme un beau diable.
— Menez-moi vers Juve, hurla-t-il, menez-moi vers Juve.
— Vers le Pr'esident de la R'epublique aussi ? Si Juve veut vous voir, mon lascar, il saura bien o`u vous retrouver. Au D'ep^ot, allez.
***
— Lui, lui, lui.
Au moment o`u les agents se pr'ecipitaient sur J'er^ome Fandor pour l’arr^eter, la fille de Fant^omas, qui reprenait `a demi connaissance, ne savait m^eme qui l’aidait `a se sauver, fit un effort sur elle-m^eme pour s’arracher `a l’assoupissement qui la faisait encore incapable de se d'efendre.
On entra^inait Fandor, elle 'etait rudement 'etendue sur le sol. Pendant quelques minutes, nul ne s’occupait plus de la jeune fille tant on mettait d’acharnement apr`es le Camelot.
La fille de Fant^omas profita naturellement de l’extraordinaire tumulte. Abandonn'ee, couch'ee sur un talus herbeux longeant une route, elle rampa, elle avanca en d'epit des ronces, des pierres, se tra^inant sur ses genoux, tressaillant aux moindres bruits, croyant toujours qu’on allait la poursuivre.
Vingt minutes plus tard, cependant 'etant suffisamment loin pour ne plus avoir `a redouter d’^etre appr'ehend'ee par la police, la fille de Fant^omas se releva, prit sa course et, dans le petit jour qui commencait `a pointer, droit devant elle, sans m^eme savoir o`u elle allait, partit, 'eperdue. H'el`ene, la rage au coeur, le d'esespoir dans l’^ame, venait de s’apercevoir qu’elle ne poss'edait plus le portefeuille rouge. Qui l’avait pris ?