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Herv'e Martel haussa les 'epaules :
— Tu vas voir que je ne les ai pas non plus, fit-il. `A son tour, il se d'eshabilla. En calecon, en chemise,
les deux amis se regard`erent.
— C’est tout de m^eme fort, commenca Maurice de Cheviron, mais j’en aurai le coeur net, que diable.
Il d'eboutonna son faux-col, se d'ev^etit compl`etement :
— L`a, maintenant, je pense qu’il est bien prouv'e que les cent mille francs ne sont pas sur moi.
Herv'e Martel l’avait imit'e :
— Ni sur moi.
Or, tandis qu’ils 'etaient ainsi d'eshabill'es, un coup discret fut frapp'e `a la porte du cabinet de travail.
— Entrez, cria Herv'e, machinalement.
Le visiteur poussa la porte, la visiteuse plut^ot, car c’'etait Rosalie, la vieille bonne qui venait avertir son patron que l’automobile l’attendait.
Ayant vu les deux hommes en petite tenue, Rosalie partit au galop dans le corridor, criant :
— Ils sont devenus fous. Ce sont des satyres. Au secours, au secours !
6 – L’INSAISISSABLE APPARA^IT
Ce n’'etait pas encore le grand luxe, le luxe des banques fastueuses o`u les clients sont invit'es `a s’asseoir sur de vastes et moelleux fauteuils de cuir, mais tout de m^eme le contentieux avait gagn'e en confortable, progress'e en luxe et son am'enagement faisait le constant orgueil de P'erouzin et de Nalorgne.
La veille m^eme, les deux associ'es s’'etaient rendus aux « Magasins R'eunis » et y avaient fait l’acquisition d’un certain nombre d’objets de premi`ere utilit'e. Une corbeille `a papier monumentale remplacait l’antique carton `a chapeau qui jusqu’alors en avait tenu lieu, des chaises neuves s’alignaient le long du mur, deux fauteuils de bureau tendaient des bras accueillants au milieu de la pi`ece, une lampe de cuivre, 'etincelante, tr^onait en bonne place sur la table de Nalorgne.
`A cette table, P'erouzin 'etait assis. Il brandissait un superbe crayon bleu, acquisition de la veille, et il alignait des chiffres, cependant que Nalorgne, pench'e sur son 'epaule, surveillait anxieusement son travail.
— Combien trouvez-vous, P'erouzin ?
— Huit et huit seize et trois dix-neuf, et six, vingt-cinq, je pose cinq et je retiens deux. Mon cher ami, nous avons fait ce mois-ci, huit mille sept cents francs. C’est trop beau. Ca ne durera pas.
— P'erouzin, vous ^etes assommant avec votre pessimisme qui ne vous emp^eche pas d’engraisser. Pourquoi voulez-vous que ca ne dure pas ? La combinaison est merveilleuse, simple, sans al'eas, elle n’expose presque pas `a des risques, et de plus elle promet de rapporter gros, toujours plus gros. Tenez, je donnerai ma t^ete `a couper que nous ferons cinquante mille cette ann'ee. Cinquante mille francs, vous m’entendez ? nous ferons cinquante mille francs.
— Ou vingt mois de prison.
— P'erouzin, vous ^etes assommant. Vous voyez toujours tout en noir, vous mettez tout au pis. Ah, tenez, vous m'eriteriez, en v'erit'e, que tout `a l’heure je r'ep`ete vos paroles `a Prosper, `a notre excellent ami Prosper, `a notre cher associ'e.
Cela s’'etait fait tout doucement.
Petit `a petit, gagn'es `a la tranquille inconscience de Prosper, P'erouzin et Nalorgne s’'etaient trouv'es associ'es avec l’escroc.
Les s'eduisants sourires d’Irma de Steinkerque, ma^itresse admir'ee de Prosper, n’avaient peut-^etre pas 'et'e d’ailleurs pour peu de chose dans l’extraordinaire changement qui s’'etait fait dans l’attitude des deux hommes d’affaires passant du r^ole de policiers `a celui de complices, d’escrocs. `A vrai dire, Nalorgne et P'erouzin, depuis qu’ils aidaient Prosper `a r'ealiser ce que celui-ci appelait ses petits b'en'efices, n’avaient gu`ere lieu de se plaindre. L’association donnait les meilleurs r'esultats. P'erouzin, qui geignait toujours, s’'etait r'ev'el'e comme un dessinateur de premi`ere force, il n’avait pas son pareil pour dessiner un acte, car il n’entendait pas qu’on dise, cela le vexait, qu’il imitait les signatures. Nalorgne, de son c^ot'e, ne restait pas inactif. Peut-^etre avait-il trouv'e sa voie, il faisait preuve d’une merveilleuse ing'eniosit'e pour obtenir des renseignements sur les mouvements de caisse des grandes maisons de commerce de Paris. Prosper, jadis n’op'erait que les jours d’'ech'eance, maintenant, gr^ace aux secours qu’il recevait de Nalorgne et P'erouzin, il ne s’'ecoulait gu`ere de journ'ees sans que, muni de factures d^ument acquitt'ees, il ne parv^int `a se faire remettre des fonds.
— Nalorgne, je ne sais pourquoi mais j’imagine que demain, oui demain, nous conna^itrons notre Waterloo.
— Taisez-vous donc, mon cher. Je pense au soleil d’Austerlitz.
L’arriv'ee de Prosper, coupa court `a ces m'etaphores guerri`eres. Prosper, joyeux, comme `a son ordinaire, la figure 'epanouie, le geste large et la voix tonitruante :
— H'e, alors, les enfants, criait l’ancien cocher, serrant les mains de Nalorgne et P'erouzin, comment ca va la petite sant'e ? pas mal hein ? Vous avez embelli votre logement, des chaises neuves, une lampe, une corbeille `a papiers. Sapristi de sapristi, c’est pas du fumier de moineaux.
Nalorgne et P'erouzin, cependant, avaient 'et'e chercher des verres, puis une vieille bouteille de fine que l’ancien cocher aimait `a accoler.
Prosper, d’ailleurs, ne perdit pas son temps en circonlocutions :
— Si qu’on parlait d’affaires, proposait-il, qu’est-ce que vous avez comme boulot aujourd’hui ? J’ai dans l’id'ee, je ne sais pas pourquoi, que vous devez avoir quelque chose `a me communiquer, pas vrai, Nalorgne ?
Nalorgne s’'etait assis derri`ere son bureau. Il tirait d’un tiroir ferm'e `a double tour un petit dossier o`u il tira un papier qu’il passa `a Prosper.
— Voil`a une belle affaire.
— H'e, je vois que vous ne vous mouchez pas du pied. Dix mille balles qu’il y a `a toucher. Cr'e cochonnerie, c’est tentant en effet. Seulement, je ne vois pas comment on pourrait proc'eder.
Le cocher reposait sur le bureau le papier qu’il venait d’examiner. C’'etait une facture au nom de la maison Norel, constructeurs d’automobiles. Cette facture d^ument acquitt'ee, gr^ace `a l’habilet'e sp'eciale de P'erouzin, 'etait au nom d’Herv'e Martel.