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Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Аллен Марсель

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Ce m^eme jour, `a cinq heures du soir, un homme v^etu d’un grand manteau de couleur sombre, et porteur d’un volumineux parapluie, p'en'etrait en faisant claquer ses sabots, dans la salle basse d’un cabaret du port d’Amsterdam, o`u se trouvaient d'ej`a de nombreux matelots.

L’homme au manteau se dirigeait vers une table 'ecart'ee, se jetait plut^ot qu’il s’asseyait sur l’un des tabourets r'eserv'es aux consommateurs.

— De l’alcool, commanda-t-il d’une voix br`eve. Servez-moi vite, et servez-moi bien.

Il avait appuy'e sa commande d’un argument toujours imp'erieux, jetant sur la table un louis d’or dont le tintement ne devait pas ^etre familier dans un pareil endroit.

L’homme au manteau brun prenait son front `a deux mains et semblait r'efl'echir avec une extr^eme attention.

— C’est invraisemblable, murmurait-il. Il est inou"i que les choses se passent ainsi et que je n’arrive point `a rien deviner de leurs v'erit'es… Suis-je victime d’une erreur ? Suis-je, au contraire…

Mais l’homme n’achevait pas sa phrase. Une grosse servante, `a la face d'ebonnaire, venait d’apporter un verre d’alcool, de cet alcool pur qui est la boisson pr'ef'er'ee des matelots hollandais, `a la table de l’homme.

L’inconnu but, prenant une large rasade, d’un geste las, 'enerv'e, fatigu'e.

— Je ne sais plus que croire, faisait-il encore… Et pourtant, il faut que, co^ute que co^ute, j’arrive `a d'ecouvrir la v'erit'e ! Il est impossible que je reste ainsi dans l’ind'ecision. Morbleu ! donnant, donnant… Mais voudront-ils me r'epondre ?

L’homme au manteau marron devait 'evidemment agiter quelque terrible probl`eme. Il devait avoir `a vaincre de rudes difficult'es pour parvenir `a quelque but myst'erieux, et il semblait aussi h'esitant qu’anxieux, aussi accabl'e que fou de col`ere…

Immobile, les coudes sur la table, et soutenant sa t^ete entre ses mains, il pensait, pensait sans rel^ache, le regard vague, ne voyant rien des all'ees et venues qui l’entouraient.

Le cabaret o`u cet homme venait d’entrer 'etait cependant exceptionnellement bruyant ; c’'etait la classique tabagie hollandaise, encombr'ee de lourds matelots au teint h^al'e, buvant fort, parlant bas, chantant par moments de lentes m'elop'ees et fumant toujours d’'enormes pipes dont la fum'ee bleu^atre rendait vite l’atmosph`ere opaque, embrum'ee, ^acre et piquante.

L’homme ne bougeait point. Il restait ainsi immobile et r'efl'echissant pendant pr`es d’une heure. La servante, maintes fois, 'etait venue lui demander s’il ne voulait point boire encore ; mais il n’avait m^eme pas r'epondu, paraissant ne point entendre ses offres, paraissant m^eme, ce qui 'etait plus extraordinaire encore, ne rien voir autour de lui, ne plus pouvoir fixer son attention sur autre chose que sur sa propre pens'ee.

Et c’'etait apr`es cette sorte d’'egarement si longtemps prolong'e que l’individu, brusquement, se redressait.

— Soit, faisait-il, monologuant `a la facon d’un homme qui pr'ecise sa pens'ee pour ne plus pouvoir en douter. Il me faut, co^ute que co^ute, sortir de cette ind'ecision… J’imagine qu’ils le comprendront. Ce sera de leur part, d’ailleurs, une question d’honn^etet'e. J’aurai une r'eponse… oui, j’aurai une r'eponse !…

Il ajoutait, un instant plus tard :

— Et la guerre reprendra sans doute, la guerre sans tr^eve ni merci ; la guerre qui se terminera maintenant, je le d'ecide et je le veux, par leur mort et par mon triomphe !…

L’homme avait tir'e de sa poche un portefeuille dans lequel il tirait une feuille de papier blanc, puis un crayon. D’une grande 'ecriture alors, mais d’une 'ecriture zigzaguante, invraisemblable, il 'ecrivait h^ativement quelques lignes qu’il relisait avec un grand soin.

— Cela suffira, pensa-t-il.

Une enveloppe qu’il prenait dans la poche de son v^etement 'etait bient^ot munie d’une adresse, et bient^ot encore l’inconnu y enfermait la feuille de papier qu’il avait r'edig'ee quelques instants avant, soupirant profond'ement en m^eme temps, et cependant paraissant quelque peu soulag'e par sa d'ecision.

`A ce moment, l’inconnu, heurtant sa monnaie, appelait `a nouveau la servante.

— De l’alcool, appela-t-il…

Son verre fut comble encore, la servante demandait :

— Vous ne voulez pas manger un morceau ?

Mais l’homme au manteau sombre haussait les 'epaules :

— La paix, disait-il.

Et, son verre en main, l’inconnu recommencait `a boire.

Or, comme l’homme au manteau sombre d'egustait ainsi, lentement cette fois, la br^ulante liqueur qu’il avait command'ee ; tandis qu’il promenait des yeux int'eress'es sur les d'etails pittoresques de la tabagie hollandaise dans laquelle il se trouvait, brusquement il paraissait tressaillir.

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