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`A cette minute, l’inconnue s’interrompit…
La sc`ene 'etait 'etrange, en v'erit'e, car `a peine avait-elle dit ces mots que l’'equipage, `a nouveau, 'eclatait d’un grand rire amus'e.
— Oui ! oui ! ca va bien ! disait un des matelots. On sait ce qu’on sait et on ne sait pas ce qu’on ne sait pas. Ca, c’est des affaires que vous verrez plus tard, quand vous serez tout `a fait bien, avec notre capitaine !…
— Mais, je suis bien, murmura la jeune femme…
Elle voulait se lever, en effet, elle se f^ut lev'ee peut-^etre par un prodige d’'energie, si des poignes robustes ne l’avaient maintenue et forc'ee `a s’'etendre `a nouveau.
— Bougez donc pas, murmurait-on.
La rescap'ee demanda :
— Mais ce bateau… ce bateau sur lequel je suis… o`u va-t-il ?
Les matelots se consult`erent du regard.
— Bah ! on peut lui dire, hasarda l’un.
L’homme au rhum fut cat'egorique :
— Eh bien, ma poulette, on va comme qui dirait tout `a c^ot'e. Deux mois de mer et l’on sera rendu… Et encore, si l’on ne tombe pas dans le calme plat…
— Deux mois de mer !…
La rescap'ee venait de r'epondre sur un ton d’indicible effroi. Elle articula faiblement :
— Mais la prochaine escale ?
— Pas d’escale pour nous, ma belle…
— Pas d’escale ? Ce bateau va o`u, alors ?
L’homme l^acha dans un 'eclat de rire :
— O`u s’en va La Cordill`ere ? Dame ! o`u vous irez… et si vous voulez en savoir plus, voil`a la chose : tout tranquillement, nous filons vers le Chili, et cela, en doublant la pointe !
Or, l’homme n’avait pas fini de parler que la rescap'ee subitement changeait de visage. Elle avait tout `a l’heure paru atterr'ee, maintenant elle semblait presque joyeuse.
— Au Chili, r'ep'etait-elle, vous allez au Chili ?
Et brusquement elle demanda :
— `A vous autres qui m’avez sauv'ee, je dirai merci plus tard, mais il faut, avant tout, que j’accomplisse une d'emarche grave. Puis-je parler au capitaine ?
Il y eut encore des 'eclats de rire ; l’un des hommes demanda :
— Ca d'epend… Qui faudrait-il annoncer ?
La rescap'ee n’h'esita pas.
— Dites que je me nomme H'el`ene Fandor.
Mais comme H'el`ene – car c’'etait bien H'el`ene – annoncait ainsi son nom, un nouvel 'eclat de rire faisait sursauter les hommes qui composaient le surprenant 'equipage de La Cordill`ere.
— M’est avis, murmurait un vieux marin, que c’est surtout H'el`ene Fant^omas qu’il faudrait dire !
Quel 'etait donc l’'etrange b^atiment qui avait recueilli, alors qu’elle p'erissait en mer, la femme de J'er^ome Fandor ?
Chapitre III
L’inconnu
Si les menaces de Fant^omas avaient laiss'e la malheureuse H'el`ene accabl'ee, prostr'ee, comme morte d’effroi, il 'etait 'evident que le bandit, en raison m^eme de l’amour qu’il portait `a la jeune fille qu’il continuait `a regarder comme sa fille, devait, lui aussi, effroyablement souffrir des paroles de col`ere que celle-ci lui avait adress'ees, de la r'ebellion dont elle avait fait preuve `a son 'egard.
Fant^omas aussi bien quittait la cabine o`u il venait d’entretenir sa fille, cette cabine d’o`u, quelques heures plus tard, H'el`ene devait si audacieusement s’'evader, en proie au plus grand trouble.
Le bandit avait fait bonne figure tant qu’il s’'etait trouv'e devant la jeune femme, donnant en cela une preuve de son extraordinaire 'energie morale, mais, d`es qu’il se trouvait hors de sa pr'esence, d`es qu’il 'etait seul avec lui-m^eme, il perdait tout de son impassibilit'e habituelle.
— H'el`ene, murmurait Fant^omas… aime Fandor ! Elle aime mon ennemi mortel, et moi, elle me hait…
Ah ! certes, Fant^omas `a ce moment concevait une nouvelle col`ere `a l’'egard de Fandor. Certes, le journaliste incarnait toujours `a ses yeux l’ami d'evou'e de Juve, l’intr'epide jeune homme qu’il combattait depuis dix ans, mais soudain il lui trouvait une autre qualit'e, une qualit'e qui motivait plus encore sa rancune, il 'etait l’homme qu’aimait H'el`ene !
C’'etait alors un 'etrange sentiment qui s’emparait de Fant^omas. Le mis'erable qui n’avait jusqu’alors jamais connu de souffrance morale, qui avait toujours su se faire profond'ement indiff'erent, compl`etement impassible, go^utait l’^apre tourment de la jalousie. Il souffrait terriblement `a la pens'ee que sa fille H'el`ene, qu’il ch'erissait si tendrement, qui 'etait m^eme la seule personne au monde qu’il aimait depuis la mort de lady Beltham, non seulement n’avait pour lui aucune affection, mais encore adorait son plus mortel ennemi.