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— Elle est sauv'ee…
Fandor, `a cette nouvelle, perdait la t^ete. Pendant quelques minutes, il 'etait incapable de retrouver son sang-froid. Mais quand il parvenait enfin `a se ma^itriser, il 'ecoutait Juve, haletant, croyant vivre un extraordinaire cauchemar aux p'erip'eties fantastiques.
— Parlez, venait-il de dire, parlez donc… vous voyez bien, Juve, que vous me faites mourir ?…
Et Juve, le bon Juve, pouvait s’expliquer enfin. Le policier, d’ailleurs, ne pouvait fournir de bien nombreux d'etails `a Fandor. Ce qu’il savait 'etait en somme, peu de chose ; il le disait rapidement :
— 'Ecoute, Fandor, commencait Juve. C’est une aventure extraordinaire. Figure-toi que je rentrais ici, n’ayant rien appris, n’ayant rien trouv'e, ne pouvant m^eme rien soupconner, la mort dans l’^ame enfin, et me demandant si Fant^omas n’avait pas `a jamais disparu, lorsque la patronne de l’h^otel me remettait au passage une lettre qui, `a ce qu’elle me disait, venait de lui ^etre apport'ee par un homme inconnu, v^etu d’un grand manteau brun.
Fandor, en entendant ces d'etails, sursautait :
— Un homme v^etu d’un grand manteau brun, faisait-il, mon Dieu ! qui 'etait-ce donc ?
Juve n’h'esita pas `a lui dire :
— Fant^omas…
Et comme Fandor sursautait, Juve affirmait nettement :
— Oui, Fandor, c’'etait Fant^omas… Fant^omas a eu l’audace d’apporter ici m^eme, `a notre h^otel, une lettre et cette lettre, la voici…
Juve parlait d’un ton calme, et Fandor, pour une fois, ne l’interrompait pas. La stup'efaction que le journaliste 'eprouvait en cet instant, en apprenant que Fant^omas avait correspondu avec Juve, 'etait telle qu’il 'etait apr`es tout logique que Fandor ne trouv^at rien `a dire.
— Cette lettre, la voici, r'ep'etait Juve. 'Ecoute :
Et le policier avait sorti de sa poche une feuille de papier, il la brandissait, il en r'ecitait le texte par coeur.
— Voici ce qu’a 'ecrit Fant^omas, d'eclarait-il. Voici ce qu’il a os'e 'ecrire :
Apr`es un instant de silence, d’une voix grave qui soulignait les mots, Juve r'ecita :
— Donnant !… donnant ! Juve, vous aurez confiance en ma parole, comme j’aurai confiance en la v^otre. Nous sommes ennemis, mais nous ne nous m'eprisons point. Je sais ce que vaut votre honneur de policier, vous savez ce que vaut mon honneur de bandit. Juve, vous vous affolez en ce moment, vous et Fandor, en vous demandant ce qu’est devenue H'el`ene. Soit, je n’aurais nulle piti'e de votre inqui'etude, car je vous hais l’un et l’autre, si je n’avais, moi aussi, une inqui'etude pareille au coeur.
Juve, donnant, donnant… Je vous livre un secret, livrez-m’en un autre. Vous voulez savoir ce qu’est devenue H'el`ene. Apprenez donc qu’elle s’est enfuie de la prison que je lui avais r'eserv'ee, et que, d’apr`es les t'emoignages fortuits que j’ai pu recueillir, il r'esulte que ma fille, `a l’instant m^eme o`u elle allait couler, entra^in'ee au large par le flot, a 'et'e heureusement sauv'ee par un voilier portant le nom d eLa Cordill`ere, voilier de commerce, se rendant au Chili, et devant arriver l`a-bas dans deux mois. Juve, donnant, donnant. Je vous dis o`u est H'el`ene : sur ce voilier o`u, bon gr'e, mal gr'e, elle est prisonni`ere pour deux mois.
Juve, `a l’instant o`u j’enlevais H'el`ene, Vladimir disparaissait myst'erieusement. Je ne puis savoir ce qu’il est devenu. Votre habilet'e 'echoue pour retrouver ma fille, ma puissance ne me permet pas de retrouver mon fils. Juve, vous avez imm'ediatement devin'e que j’'etais le ravisseur d’H'el`ene, et je viens de vous dire o`u elle se trouve. Juve, soyez honn^ete, dites-moi si c’est vous qui avez arr^et'e Vladimir, dites-moi si vous avez l’intention de le livrer ?
Juve, les renseignements que je vous donne sont sinc`eres, j’aurai confiance en vous. Si comme je le crois, vous savez o`u est Vladimir, vous laisserez ce soir votre fen^etre ouverte, et j’irai librement me pr'esenter devant vous pour apprendre vos intentions.
Et Juve ajoutait, ayant termin'e cette 'etrange lecture :
— Et tout cela, Fandor, tout cela est sign'e : Fant^omas…
Deux heures plus tard, Juve et Fandor se tenaient encore dans leur chambre d’h^otel, discutant avec ardeur au sujet de l’extraordinaire lettre qu’ils venaient de recevoir de Fant^omas.
Assur'ement, les circonstances 'etaient extraordinaires, qui avaient amen'e le bandit `a se livrer ainsi `a Juve !
Assur'ement, si Fant^omas avait 'et'e contraint de dire o`u 'etait H'el`ene pour apprendre o`u 'etait Vladimir, c’est que de graves n'ecessit'es l’obligeaient imp'erieusement `a savoir ce qu’'etait devenu son fils.
Juve et Fandor, d’un commun accord, avaient donc d'ecid'e de fermer leur fen^etre, signal convenu qui devait apprendre `a Fant^omas qu’ils ignoraient compl`etement les derni`eres aventures de celui qui s’'etait fait passer pour le comte d’Oberkhampf.