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Bel-Ami / Милый друг
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Мопассан Ги Де

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Il saisit la bouteille et but, a meme le goulot, a longues gorgees, avec avidite. Et il la reposa seulement lorsque le souffle lui manqua. Elle etait videe d'un tiers.

Une chaleur pareille a une flamme lui brula bientot l'estomac, se repandit dans ses membres, raffermit son ame en l'etourdissant.

Il se dit: «Je tiens le moyen.» Et comme il se sentait maintenant la peau brulante il rouvrit la fenetre.

Le jour naissait, calme et glacial. La-haut, les etoiles semblaient mourir au fond du firmament eclairci, et dans la tranchee profonde du chemin de fer les signaux verts, rouges et blancs palissaient.

Les premieres locomotives sortaient du garage et s'en venaient en sifflant chercher les premiers trains. D'autres, dans le lointain, jetaient des appels aigus et repetes, leurs cris de reveil, comme font les coqs dans les champs.

Duroy pensait: «Je ne verrai peut-etre plus tout ca.» Mais comme il sentit qu'il allait de nouveau s'attendrir sur lui-meme, il reagit violemment: «Allons, il ne faut songer a rien jusqu'au moment de la rencontre, c'est le seul moyen d'etre crane.»

Et il se mit a sa toilette. Il eut encore, en se rasant, une seconde de defaillance en songeant que c'etait peut-etre la derniere fois qu'il regardait son visage.

Mais il but une nouvelle gorgee d'eau-de-vie, et acheva de s'habiller.

L'heure qui suivit fut difficile a passer. Il marchait de long en large en s'efforcant en effet d'immobiliser son ame. Lorsqu'il entendit frapper a sa porte, il faillit s'abattre sur le dos, tant la commotion fut violente. C'etaient ses temoins. Deja!

Ils etaient enveloppes de fourrures. Rival declara, apres avoir serre la main de son client:

– Il fait un froid de Siberie.

Puis il demanda:

– Ca va bien?

– Oui, tres bien.

– On est calme?

– Tres calme.

– Allons, ca ira. Avez-vous bu et mange quelque chose?

– Oui, je n'ai besoin de rien.

Boisrenard, pour la circonstance, portait une decoration etrangere, verte et jaune, que Duroy ne lui avait jamais vue.

Ils descendirent. Un monsieur les attendait dans le landau. Rival nomma:

– Le docteur Le Brument.

Duroy lui serra la main en balbutiant:

– Je vous remercie.

Puis il voulut prendre place sur la banquette du devant et il s'assit sur quelque chose de dur qui le fit relever comme si un ressort l'eut redresse. C'etait la boite aux pistolets.

Rival repetait:

– Non! Au fond le combattant et le medecin, au fond!

Duroy finit par comprendre et il s'affaissa a cote du docteur.

Les deux temoins monterent a leur tour et le cocher partit. Il savait ou on devait aller.

Mais la boite aux pistolets genait tout le monde, surtout Duroy, qui eut prefere ne pas la voir. On essaya de la placer derriere les dos, elle cassait les reins; puis on la mit debout entre Rival et Boisrenard, elle tombait tout le temps. On finit par la glisser sous les pieds.

La conversation languissait, bien que le medecin racontat des anecdotes. Rival seul lui repondait. Duroy eut voulu prouver de la presence d'esprit, mais il avait peur de perdre le fil de ses idees, de montrer le trouble de son ame; et il etait hante par la crainte torturante de se mettre a trembler.

La voiture fut bientot en pleine campagne. Il etait neuf heures environ. C'etait une de ces rudes matinees d'hiver ou toute la nature est luisante, cassante et dure comme du cristal. Les arbres, vetus de givre, semblent avoir sue de la glace; la terre sonne sous les pas; l'air sec porte au loin les moindres bruits: le ciel bleu parait brillant a la facon des miroirs, et le soleil passe dans l'espace, eclatant et froid lui-meme, jetant sur la creation gelee des rayons qui n'echauffent rien.

Rival disait a Duroy:

– J'ai pris les pistolets chez Gastine Renette. Il les a charges lui-meme. La boite est cachetee. On les tirera au sort, d'ailleurs, avec ceux de notre adversaire.

Duroy repondit machinalement:

– Je vous remercie.

Alors Rival lui fit des recommandations minutieuses, car il tenait a ce que son client ne commit aucune erreur. Il insistait sur chaque point plusieurs fois:

– Quand on demandera: «Etes-vous prets, messieurs?» vous repondrez d'une voix forte: «Oui!»

«Quand on commandera «Feu!» vous eleverez vivement le bras, et vous tirerez avant qu'on ait prononce trois.

Et Duroy se repetait mentalement: «Quand on commandera feu, j'eleverai le bras, – quand on commandera feu, j'eleverai le bras, – quand on commandera feu, j'eleverai le bras.»

Il apprenait cela comme les enfants apprennent leurs lecons, en le murmurant a satiete pour se le bien graver dans la tete. «Quand on commandera feu, j'eleverai le bras.»

Le landau entra sous un bois, tourna a droite dans une avenue, puis encore a droite. Rival, brusquement, ouvrit la portiere pour crier au cocher:

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