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— Merci, petite…
Vagualame sembla indiff'erent `a la remise du document. Il consid'erait maintenant la jeune femme si attentivement, que celle-ci lui demandait :
— Mais qu’avez-vous donc `a me regarder comme ca ?…
— Je te trouve tr`es jolie !…
— Comment ! voil`a que vous devenez galant !…
— Galant !… non, tu exag`eres : je te trouve jolie, Nichoune, mais tu as de vilaines mains…
L’artiste riait et tendait ses deux petites mains.
— Que leur reprochez-vous donc ?
— Elles sont rouges… Je m’'etonne qu’une femme comme toi ne pense pas `a les faire blanchir… Tu ne connais donc pas le moyen ?
— Non… Que faut-il faire ?…
— Mais, c’est l’enfance de l’art, ripostait le mendiant. Tiens, tu n’as chaque soir qu’`a t’attacher les deux mains avec un ruban et `a les maintenir lev'ees au-dessus de ta t^ete.
— Comment ca ? Je ne comprends pas !
— Mais si !… tu mets un clou dans la muraille, n’est-ce pas ?… et puis tu t’arranges que toute la nuit tu gardes les mains lev'ees… Tu verras que le lendemain elles seront blanches comme des lis…
Nichoune paraissait vivement int'eress'ee.
— Vrai ?… J’essayerai cela ce soir… Il faut dormir les mains attach'ees en l’air, alors ?
Quelques minutes apr`es, Vagualame s’'eloignait par les rues de Ch^alons. L’affreux bonhomme ricanait.
— Les mains en l’air, ma jolie !… essaye cela ce soir ! Avec la petite maladie de coeur que je te connais, j’imagine que le r'esultat ne se fera pas attendre ! H'e… h'e… cela servira d’exemple `a ceux et `a celles qui veulent 'ecrire au juge d’instruction…
Et Vagualame songeait encore :
— Il va falloir que je fasse tr`es attention ce soir, quand je viendrai me cacher chez cette petite imb'ecile… il faudra de toute facon que je puisse prendre cette lettre compromettante avant que personne dans l’h^otel se soit apercu du d'ec`es… il faudra surtout que personne ne s’apercoive… oh ! cela, il est vrai…
Ceux qui croisaient Vagualame croyaient tout simplement rencontrer un vieux joueur d’accord'eon…
9 – CHEZ LE SOUS-SECR'ETAIRE D’'ETAT
— Entrez ! dit, d’un ton exc'ed'e Hofferman, fort occup'e `a 'ecrire.
Un caricatural planton s’introduisit timidement dans le bureau du chef du service des renseignements.
— C’est un huissier du cabinet, dit-il, qui fait demander `a mon colonel de bien vouloir descendre tout de suite voir M. le sous-secr'etaire d’Etat.
Hofferman leva la t^ete, 'etonn'e.
— Moi ? vous ^etes s^ur que c’est moi ?
— Oui, mon colonel.
— C’est bien, j’y vais.
Le planton s’'eclipsa. Hofferman resta un instant songeur, puis brusquement se levait, entrouvrait la porte de la pi`ece voisine et s’adressant au commandant Dumoulin :
— Je descends un instant, le sous-secr'etaire d’'Etat me demande…
Le colonel, `a pas press'es, parcourut les interminables couloirs qui le s'eparaient du b^atiment dans lequel 'etaient am'enag'es les bureaux du sous-secr'etaire d’'Etat.
— Que peut-il donc me vouloir ? se demandait le colonel Hofferman en p'en'etrant dans le cabinet du ministre.
M. Maranj'evol n’'etait pas seul dans son vaste salon : en face de lui, se tenant `a contre-jour, se trouvait un homme d’assez haute stature et dont les cheveux rares bouclaient l'eg`erement.
Le sous-secr'etaire d’'Etat se leva de son fauteuil et, sans le moindre pr'eambule, fit les pr'esentations :
— M. Juve, inspecteur de la S^uret'e… Colonel Hofferman, chef du Deuxi`eme Bureau…
Le policier et le militaire s’'etaient salu'es gravement.
Un peu froids, ils attendaient en silence que M. le sous-secr'etaire d’'Etat voul^ut bien amorcer l’entretien.
M. Maranj'evol, en deux mots, expliquait qu’`a la suite d’un bref entretien avec Juve, au sujet de la mort du capitaine Brocq, il avait cru n'ecessaire de le mettre en rapport avec le colonel Hofferman.
— Ma foi, monsieur, d'eclara-t-il d’une voix s`eche, je suis fort heureux de la circonstance qui nous r'eunit. Je ne vous cacherai pas que je suis 'etonn'e, tr`es d'esagr'eablement 'etonn'e m^eme, de votre attitude depuis quelques jours `a propos de ce malheureux drame. J’ai toujours consid'er'e jusqu’`a pr'esent que la personnalit'e priv'ee d’un officier, surtout d’un officier de l’'Etat-Major, 'etait une chose quasi-inviolable. Or, il m’est revenu qu’`a la mort du capitaine Brocq vous vous ^etes livr'e, non seulement `a des enqu^etes minutieuses sur les circonstances ayant accompagn'e le d'ec`es, mais encore que vous aviez perquisitionn'e au domicile du d'efunt, sans nous en aviser au pr'ealable. Je ne puis admettre cette facon de proc'eder, et je me f'elicite d’avoir l’occasion de vous le dire !