Шрифт:
— De quelle heure `a quelle heure ? demanda le procureur.
Faisant un effort de m'emoire, Th'eodore d'eclara :
— Il me semble que j’y 'etais entre deux heures et cinq heures du matin. Le jour est venu assez rapidement, il y avait cependant du brouillard. Je ne sais pas… je ne sais plus… J’'etais si troubl'e.
— Pardon, fit le magistrat en donnant un coup de poing sur la table. Il me faut de la pr'ecision : qu’avez-vous fait de neuf heures `a deux heures du matin ?
— Je vous l’ai dit, monsieur. J’ai cherch'e, en vain d’ailleurs, `a retrouver, `a voir…
— Nommez-la.
— Je ne la nommerai pas. Je pr'ef`ere emporter ce secret dans la tombe. J’ai peut-^etre vol'e, monsieur, mais jamais, au grand jamais, je ne compromettrai l’honneur d’une femme.
M e Gauvin intervenait :
— Apr`es tout, monsieur le procureur, fit-il doucement, c’est bien, ce qu’il vous dit l`a, Th'eodore, et pour ma part, j’insiste… j’insiste pour que vous n’insistiez plus.
Mais le procureur semblait lanc'e et il insistait tout de m^eme, sans pr^eter la moindre attention, semblait-il, au clignement d’oeil et au geste que lui faisait M e Gauvin.
Le procureur continuait `a interroger :
— Dans quel quartier avez-vous err'e avant deux heures du matin ?
— Je ne r'epondrai pas, fit Th'eodore qui s’'enervait.
Le procureur parut s’'enerver `a son tour :
— Je vais donc vous le dire, monsieur, fit-il. Vous 'etiez dans le quartier environnant l’'eglise de la Trinit'e. Oh, n’essayez pas de nier, je le sais ! Je vais m^eme pr'eciser encore, vous ^etes all'e du c^ot'e du faubourg Montmartre, des Folies-Berg`ere.
Th'eodore rougissait, puis palissait. Il fut oblig'e de s’asseoir tant il 'etait troubl'e. Il jeta sur son p`ere un regard de d'esespoir.
M e Gauvin trouvait que le procureur forcait la note, manquait de tact. Il voulut intervenir pour protester.
Le magistrat avait une attitude singuli`ere. D’un geste il imposait silence au notaire, puis continuait :
— Vous ne voulez pas parler, monsieur Th'eodore Gauvin, peu importe. Je vais vous dire ce qui s’est pass'e. Vous ^etes rest'e une heure, peut-^etre plus, rue Richer. Un agent de police, constatant votre allure 'etrange et d'esordonn'ee, vous a intim'e l’ordre de circuler, et vous avez m^eme protest'e, disant que vous 'etiez libre d’aller o`u vous vouliez, vous avez menac'e cet agent de repr'esailles, que sais-je ? Que faisiez-vous rue Richer ?
— Monsieur, monsieur, balbutiait Th'eodore, c’est toujours au sujet de cette femme. De gr^ace, ne la nommez pas.
— Je comprends vos appr'ehensions, fit le magistrat.
Le procureur se levait et, fixant le jeune homme dans les yeux, il articula :
— M. Th'eodore Gauvin, voulez-vous, oui ou non, me donner l’emploi exact de votre temps entre onze heures du soir et trois heures du matin ?
Th'eodore se tordait les bras.
— J’ai err'e, vous dis-je, err'e dans les rues.
— Ca n’est pas vrai.
— Je vous le jure, monsieur.
Th'eodore s’'etait lev'e, comme m^u par un ressort. Il 'etendait la main, mais le procureur lui aussi s’'etait lev'e, et, d’une voix s'ev`ere, il commenca :
— Monsieur Th'eodore Gauvin, au nom de la loi…
Un cri retentit, coupa la phrase du procureur. Le p`ere de Th'eodore intervenait :
— Monsieur, cria-t-il avec indignation, en s’adressant au magistrat, vraiment, vous allez trop loin. Th'eodore a avou'e sa faute, il s’en repent. J’ai pardonn'e.
Le magistrat, solennellement, sans para^itre entendre le notaire, reprenait :
— Monsieur Th'eodore Gauvin, au nom de la loi, je vous arr^ete.
Le notaire intervenait `a nouveau :
— Voyons, Monsieur de Larquenais, s’'ecriait-il, je ne vous en demande pas tant. Ce n’est pas ce que nous avons convenu, et je ne comprends pas que vous vous amusiez `a torturer ainsi cet enfant. D’ailleurs vous le savez bien, comme moi, le vol qu’il a commis n’est pas punissable, puisque c’est moi, son p`ere, qui suis le vol'e, et que je ne porte aucune plainte. Je vous en prie, finissons-en et dites-lui que votre attitude n’a eu pour but que de lui faire bien sentir toute la gravit'e de son acte. C’est fait maintenant, c’est fini. Je vous remercie et nous nous en allons.
Le rouge 'etait mont'e au front de M e Gauvin, qui trouvait que, r'eellement, ce jeune magistrat abusait de la situation et se comportait avec une rudesse sans pareille.
— Viens, Th'eodore, d'eclara M e Gauvin furieux encore.
Mais le procureur intervenait :
— Attendez !
Et son ordre 'etait si imp'eratif que le p`ere et le fils s’arr^et`erent net.
Le notaire s’'etait retourn'e, regardait le magistrat. Celui-ci le toisait s'ev`erement :