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23 – VENGEZ-MOI
Pr'ec'ed'e du porte-cl'es, Juve, quelques minutes `a peine apr`es que mistress Davis eut quitt'e Garrick, faisait son entr'ee dans la cellule du condamn'e `a mort.
De la voix rauque qui lui 'etait habituelle, le gardien annoncait :
— Garrick, voil`a votre partenaire… vous devenez enrag'e pour les cartes, ma parole…
— J’aime assez cela, r'epondit le prisonnier qui, tournant le dos `a l’entr'ee de la cellule, affectait de ne pas se retourner…
— Eh bien, alors jouez, continua le gardien, et bonne chance !…
Le policeman s’introduisit dans le cachot, le gardien s’'eloigna, il boucla soigneusement la porte, son pas lourd enfin 'ebranla en 'echos lointains les couloirs interminables de la prison…
Certain qu’on ne pouvait plus l’entendre, le policeman 416, Juve, interrogea d’une voix calme :
— Vous m’avez demand'e Fant^omas ?
— Je vous ai demand'e…
Brusquement, le condamn'e qui, jusqu’alors n’avait pas chang'e de posture se retourna, regarda Juve… Et Juve, muet de stup'efaction, recula d’un pas :
— Fant^omas, qu’avez-vous ?
— Un horrible chagrin.
Sur le visage du bandit, un visage bl^eme, grimacant, o`u les yeux allumaient un reflet fi'evreux, deux grosses larmes roul`erent lentement.
Que pouvait avoir Fant^omas ? pensait Juve, pour qu’il soit dans un tel 'etat, pour qu’un tel d'esespoir apparaisse dans son maintien…
Juve, apr`es quelques secondes de contemplation muette, r'ep'eta :
— Vous avez un chagrin et vous m’avez demand'e ? moi ?… je ne comprends pas.
— Juve, vous rappelez-vous notre causerie de l’autre jour ?
— Je m’en souviens, Fant^omas !
— Vous souvenez-vous que, donnant donnant, si vous m’avez confi'e que lady Beltham vous avait 'echapp'e, si je vous ai avou'e que j’avais perdu les traces de Fandor, vous m’avez promis, vous, de retrouver lady Beltham avant mon ex'ecution, et moi, de vous fournir les moyens de sauver J'er^ome Fandor ? Vous vous souvenez ?
Juve, `a son tour avait p^ali…
Quand mistress Davis, en passant par la chambre du gardiennage, avait annonc'e que Garrick d'esirait voir le policeman 416, Juve n’avait pu s’emp^echer de tressaillir…
Si Fant^omas le demandait, c’'etait assur'ement qu’il avait une proposition `a lui faire ?
Juve 'etait persuad'e qu’en lui affirmant que Fandor 'etait en vie, et que peut-^etre on pouvait encore le sauver, Fant^omas ne lui avait pas menti…
C’'etait en pensant `a Fandor, en se demandant si le bandit allait r'eellement lui donner un renseignement important, qu’il s’'etait pr'ecipit'e vers son cachot, et voil`a qu’en effet, d`es ses premi`eres paroles, Fant^omas parlait de Fandor.
— Je me souviens de tout cela, r'epondait enfin Juve, je vous ai promis de vous amener lady Beltham, Fant^omas, je vous l’am`enerai.
— Juve, je vous ai promis de vous faire retrouver Fandor, je vous le ferai retrouver…
« Juve, reprit Fant^omas, une fois d'ej`a, je vous ai demand'e que nous causions en amis. Pouvez-vous, une heure durant, me faire confiance ? voulez-vous, pour une heure, m’aider ?
— Vous faire confiance ?… oui, Fant^omas… Vous aider ? Non. Vous ^etes le g'enie du mal, tout ce que vous faites aboutit `a d’horribles cons'equences. Je ne veux ^etre en rien, m^eme au prix de la vie de Fandor, l’instrument de vos oeuvres…
— Juve, vous vous trompez lourdement, grossi`erement… Entre gens comme nous, je vous assure qu’il ne devrait pourtant pas y avoir de m'eprises de ce genre. C’est un compromis que je vous offre, mais c’est un compromis acceptable. Je n’ai pas l’intention de vous demander quoi que ce soit qui puisse r'epugner `a votre conscience, car je sais que vous me le refuseriez… Mais j’entends vous demander de m’aider, de m’aider `a une oeuvre morale, n'ecessaire, je vous prie de m’'eviter d’'epouvantables chagrins, un deuil…
— Un deuil ? dit Juve. Quoi, vous ^etes menac'e d’un deuil… Lady Beltham ?
— Non ! non, je vous ai d'ej`a dit, Juve, que j’ignorais o`u 'etait lady Beltham. Je ne vous ai pas menti, je ne sais rien d’elle. Ce n’est pas d’elle que je m’inqui`ete…
— De qui alors ?
— De qui… de…
Mais Fant^omas, `a son tour, n’acheva pas la phrase commenc'ee…
Elle 'etait difficile entre toutes `a conclure, l’entente qui devait lier Juve au bandit, le policier au criminel. Et Fant^omas lui-m^eme, quelle f^ut son audace, quel que f^ut son g'enie, tremblait d’avoir `a prier Juve, d’avoir `a se mettre `a sa merci…