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— Oui, interrompit Michel, il s’est adress'e `a Nalorgne, `a P'erouzin, les anciens inspecteurs de Monaco, que vous avez bien d^u conna^itre, Monsieur Juve ?
— Si je les ai connus !
— En tout cas, Monsieur Juve, dit L'eon, ca n’est pas pour durer.
— Je sais ce que vous voulez dire, fit Juve : Nalorgne et P'erouzin vont ^etre admis `a la S^uret'e en qualit'e d’inspecteurs auxiliaires.
— Tiens, s’'ecria Michel, comment savez-vous cela ?
— C’est moi, fit Juve, qui les ai recommand'es, sans qu’ils s’en doutent d’ailleurs, `a M. Havard.
— Je voudrais bien, s’'ecria L'eon, avoir par eux des renseignements sur le myst`ere de l’avenue Niel.
Juve ne dit rien, il pr^etait l’oreille :
On entendait marcher dans le jardin. Des pas pr'ecipit'es qui faisaient crier le gravier.
Juve conclut l’entretien qu’il avait avec ses deux jeunes coll`egues.
— Mes chers amis, dit-il, retirez-vous, je vous en prie, j’attends des visiteurs, les voici qui arrivent. Ne vous montrez point. Sortez par la pi`ece `a c^ot'e, de facon `a ne pas les rencontrer dans l’escalier. J’y tiens 'enorm'ement.
Puis, comme L'eon et Michel prenaient cong'e :
— Au fait, ca vous int'eresse peut-^etre de savoir qui vient me rendre visite ? Eh bien, ce sont Nalorgne et P'erouzin.
***
— Jean.
— Monsieur Juve ?
— Il n’y a plus de M. Juve en ce moment : c’est le vieux Ronier qui te parle. Comprends-tu ce que cela signifie ?
— Naturellement, je comprends, ronchonna Jean ; je ne suis tout de m^eme pas compl`etement idiot.
Maussade, l’excellent domestique passa dans le cabinet de toilette attenant `a la chambre de son ma^itre. Il en rapporta une perruque blanche, une barbe postiche, ajusta le tout, tendit au policier un miroir :
— Cela vous va, patron ?
— Oui, tu peux les faire entrer.
Nalorgne et P'erouzin venaient rendre visite `a leur client, M, Ronier, qui leur avait 'ecrit pour leur demander de collaborer `a son futur bonheur.
— La paralysie, expliquait Juve, m’immobilise encore, mais je ne tarderai pas `a ^etre gu'eri, et comme la maladie n’emp^eche pas les sentiments, que, sans ^etre vieux, je suis quelque peu ^ag'e et fatigu'e de vivre seul, j’ai pens'e qu’il serait agr'eable pour moi de me marier. Vous, messieurs, qui avez les plus hautes relations dans la soci'et'e parisienne, vous devez ^etre les hommes les mieux d'esign'es pour trouver l’'epouse qui me conviendrait. J’ai quelque fortune, je ne serai pas exigeant pour la dot de ma future femme, il suffit qu’elle soit honn^ete, respectable et gentille.
— Monsieur, affirma, sur un ton doctoral Nalorgne, qui avait 'ecout'e ce pr'eambule avec une superbe gravit'e, vous ne pouvez pas en effet vous adresser mieux qu’`a nous, et d’ores et d'ej`a nous avons votre affaire.
— Tiens, qui donc ?
Nalorgne le foudroya du regard et poursuivit :
— Une jeune fille charmante, monsieur Ronier, qui vous donnera toute satisfaction. Nous la connaissons depuis son enfance. C’est une amie de notre famille, s'erieuse, excellente 'education, a toujours travaill'e. Elle exerce la profession de dactylographe. Son pr'enom : H'el`ene.
— Ah, fit P'erouzin, j’y suis. Elle travaille chez M. Herv'e Martel car, M. Ronier, ce grand courtier maritime, le plus connu de la place de Paris, est aussi notre client.
Mais Nalorgne, apr`es avoir fait `a Juve un boniment dans les r`egles, s’arr^eta soudain, et il regarda le faux M. Ronier avec une insistance si singuli`ere que celui-ci parut s’en rendre compte :
— Hein ? demanda Juve avec une pointe d’anxi'et'e tr`es bien dissimul'ee, voil`a que vous avez des regrets maintenant, en me voyant. Vous vous dites : cette jeune fille ne voudra jamais 'epouser un pauvre homme dans un si mis'erable 'etat.
— Oh, s’'ecria P'erouzin, ce n’est certainement pas cela que pense mon associ'e Nalorgne, mais…
P'erouzin 'egalement avait fix'e le vieillard, et sur sa physionomie s’'etait peinte une certaine stup'efaction. Il allait poursuivre, Nalorgne l’en pr'evint :
— Nous ne nous permettrions pas, monsieur, d’avoir une telle opinion sur quelqu’un qui nous fait l’honneur de nous accorder sa client`ele. Certes, le coeur des jeunes filles est un ab^ime insondable, et nous ne pouvons vous donner, d`es aujourd’hui, une promesse formelle d’acceptation. M lle H'el`ene ne s’engage `a rien en faisant votre connaissance, et je suis convaincu que, par sa gr^ace, son charme, sa douceur et sa touchante timidit'e, elle fera sur vous la plus d'elicieuse impression.
Juve tressaillit. Ses esp'erances 'etaient exauc'ees. Nalorgne et P'erouzin s’offraient spontan'ement `a lui faire conna^itre la personne qu’il d'esirait voir, car, malgr'e le peu d’int'er^et qu’il avait eu l’air, devant L'eon et Michel, de prendre aux myst'erieuses affaires de l’avenue Niel, Juve se passionnait pour ces vols extraordinaires, et le c'el`ebre policier, de son lit de douleur, voulait savoir. Il avait entendu parler de cette H'el`ene, la dactylographe, et il s’'etait jur'e de la conna^itre. Or, voici que la proposition de Nalorgne et de P'erouzin allait singuli`erement lui faciliter les choses :