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— Imb'ecile, ne comprends-tu pas que j’ai tout pr'evu, et que les anneaux des cha^ines seront aux trois quarts sci'es `a l’avance ? Sit^ot le wagon arr^et'e sur cette voie de garage, je me pr'ecipite avec des amis s^urs, et naturellement les caisses pleines d’or tombent entre nos mains.
— Bien, dit Nalorgne, mais, j’y pense. D’ordinaire, dans le dernier wagon, se trouve une gu'erite, et dans cette gu'erite, un chef de train. Ce dernier wagon viendra, je le suppose, avec le v'ehicule charg'e d’or.
— Naturellement. Je r'eponds `a l’avance `a votre objection en vous disant que le chef de train est un homme `a nous.
— Je n’aime pas beaucoup ca. Lorsqu’on se sera apercu du vol, ce chef de train sera interrog'e ; s’il para^it suspect, on le bouclera, et, alors, s’il parle.
— Vous n’avez rien compris, dit le Ma^itre : il ne manquera rien au chargement du wagon d’or, une fois notre vol commis.
— Comment ? s’'ecri`erent ensemble Nalorgne et P'erouzin. Que voulez-vous dire ?
— Je veux dire, articula Fant^omas, que, si on v'erifie les contenus des caisses une fois que nous serons pass'es, on pourra se rendre compte qu’il ne manque pas une seule pi`ece de monnaie `a l’exp'edition faite par les 'Etats-Unis au Gouvernement autrichien.
Abasourdi, P'erouzin d'eclara :
— J’avoue que je ne comprends pas.
— Cela n’a aucune importance.
Mais soudain, incapable de dissimuler sa surprise, le bandit se dressait tout debout, non sans avoir, un instant auparavant, pr^et'e l’oreille et entendu quelque chose qui le faisait tressaillir. Puis, d’un ton imp'eratif, sans m^eme se pr'eoccuper de la surprise que son attitude provoquait au milieu des consommateurs, Fant^omas, avisant le couple d’ivrognes, ordonnait :
— Approchez ici, vous autres.
Et comme les deux individus h'esitaient, ne sachant si c’'etait `a eux que l’on destinait cette apostrophe comminatoire, Fant^omas, bousculant la foule, arrivait jusqu’`a eux, prenait le grand D'egueulasse par le col, et, l’attirant aupr`es de lui, interrogea :
— Que viens-tu de dire, sinistre farceur ?
— Moi ? demanda le pochard abasourdi, si tu crois que je me souviens de ce que j’ai jaspin'e cinq minutes apr`es.
Mais Fant^omas, rudement, le secouait :
— Allons, r'ep`ete, tu as parl'e tout `a l’heure, `a ton copain, d’un accident `a Cherbourg, d’un navire qui venait de couler ?
— Ah, si ce n’est que cela r'epondit D'egueulasse, j’peux bien t’en raconter plus long encore, sur ce chapitre-l`a. Des fois que tu voudrais ^etre renseign'e, t’aurais qu’`a payer un verre, mais, comme je suis un bon zigue, j’m’en vas tout de m^eme te r'ep'eter pour rien ce que j’ai dit `a Fumier. Pour lors, cens'ement, je disais `a Fumier : Mon vieux poteau, faut l^acher tes poubelles et tes tas d’ordures de Paris et t’amener avec D'egueulasse travailler `a Cherbourg. Va y avoir du boulot ces jours-ci. Un grand navire s’est foutu au fond de l’eau, juste `a l’entr'ee de la passe ; or, para^it qu’il’ est bourr'e de marchandises qu’on va aller chercher avec les godasses de plomb et la cloche `a air sur la caboche.
— Ce navire, interrogeait-il anxieusement, lequel est-ce ? comment s’appelle-t-il ?
— J’devrais le savoir, fit-il, je viens de le dire y a pas deux minutes.
Fant^omas, malgr'e son sang-froid extraordinaire, bouillait d’impatience :
— Son nom ? te dis-je.
D'egueulasse rassembla ses esprits, jeta `a Fant^omas, d’un air d'etach'e, cette information, qui bouleversa le bandit :
— Le navire coul'e dans le port de Cherbourg, c’est un cargo-boat anglais, le Triumph.
***
Fant^omas et ses deux complices quitt`erent L’ Enfant J'esus, dont le s'ejour, par suite de la pr'esence de D'egueulasse et de Fumier, devenait de plus en plus insupportable.
Fant^omas avait un air sinistre, sa mauvaise figure des grands jours.
Nalorgne et P'erouzin veillaient au grain, gardant bouche close, lorsque soudain Fant^omas leur frappa sur l’'epaule.
— Eh l`a, vous autres, fit-il, d’une voix vibrante qui correspondait assur'ement `a son 'etat d’^ame. (Tout d’un coup, en effet, le visage de Fant^omas s’'etait transfigur'e). H'e, l`a, vous autres, fini le d'esespoir. Notre premier projet 'echoue, par suite d’un cas de force majeure dont nous ne sommes pas responsables, mais ne croyez pas que Fant^omas consente `a abandonner si vite une fortune aussi belle que celle qu’il a d'ecid'e de prendre. Les millions de l’Autriche, nous ne pouvons pas les enlever `a terre, comptez sur moi, nous irons les chercher au fond de l’eau.
— Au fond de l’eau ?
— C’est une facon de parler. En attendant, demain soir, `a pareille heure, vous me retrouverez `a l’usine du Grand-Montrouge.
Il dit, et s’'eclipsa.
9 – FANDOR ENQU^ETE
Nalorgne et P'erouzin, dans leur louche 'etude de la rue Saint-Marc, avaient chambr'e M lle H'el`ene, la dactylographe. Ils s’efforcaient de lui pr'esenter ce projet de mariage sous les aspects les plus flatteurs.