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— Cr'e bon sang, continua le cocher, c’est rien que de le dire, je trouverais ca bien rigolo de me pr'esenter ou de faire pr'esenter cette facture-l`a `a mon ancien patron. Ah, le mec, comme qu’il sauterait, quand ca serait qu’un autre encaisseur, un vrai, viendrait lui demander de payer `a nouveau et qu’il comprendrait le truc. Seulement, dame, Nalorgne, je ne vois pas comment du tout op'erer ? Avez-vous quelqu’un ?
Le coup que pr'eparaient ensemble le trois voleurs 'etait tentant en effet. Herv'e Martel devait payer le lendemain dix mille francs `a la maison Norel, dernier versement de l’automobile qu’il avait achet'ee r'ecemment. Nalorgne s’'etait procur'e le renseignement, avait m^eme r'eussi `a obtenir, en allant acheter une pi`ece d'etach'ee aux usines Norel, un mod`ele de facture qu’un petit imprimeur avait parfaitement imit'e, que P'erouzin avait artistement dessin'e et Herv'e Martel paierait certainement les dix mille francs `a qui lui pr'esenterait cette facture irr'eprochable.
Seulement Martel les connaissait tous trois.
— Avez-vous quelqu’un, Nalorgne ? r'ep'eta Prosper. Il y a longtemps, je vous le dis, que nous devrions avoir pris un employ'e. L’extension des affaires nous y oblige et c’est bien le diable si l’on ne peut pas d'ecouvrir `a Paris un bonhomme honn^ete, s'erieux, de confiance.
Depuis quinze jours, en effet, les deux associ'es, sur le conseil de Prosper, ins'eraient dans les grands journaux de petites annonces, demandant pour encaissements un employ'e bien r'emun'er'e.
Ils donnaient alors une adresse poste restante, convoquaient les candidats dans des caf'es de la p'eriph'erie, car ils ne se souciaient gu`ere de r'ev'eler leur v'eritable adresse, mais jusqu’`a pr'esent, nul ne s’'etait pr'esent'e qui leur e^ut donn'e satisfaction. Nalorgne, en principe, trouvait tous les candidats trop intelligents.
— Tr`es peu de ces gaillards-l`a, P'erouzin, ils d'ebineraient le truc et nous vendraient `a la police.
P'erouzin, lui, trouvait tous les candidats trop b^etes, trop simples d’esprit :
— Je crois, r'ep'etait-il, je crois que d'ecid'ement nous ferions mieux de ne point traiter avec ceux-l`a. Pas assez d'ebrouillards.
— Bon sang de coquin de sort, jurait l’ancien cocher, c’est tout de m^eme malheureux que vous ne soyez pas fichus de d'ecouvrir un loustic capable de nous rendre les services dont nous ayons besoin, je vous ai bien trouv'es, moi. Ah sapristi, j’commence `a croire que vous manquez de flair. Enfin, qui avez-vous vu aujourd’hui ?
P'erouzin, seul, s’'etait occup'e de la question, car Nalorgne avait 'et'e chercher des renseignements sur les 'ech'eances de fin de mois.
— Je n’ai vu qu’une seule personne, dit-il, je l’ai vue au Caf'e blancde la place de Courcelles. C’est un petit vieux monsieur, pauvre mais propre, un certain Bertrand, ancien officier, para^it-il, il a l’air tr`es s'erieux et il m’a propos'e d’entrer chez nous, `a l’essai, pour une quinzaine.
— Eh bien, c’est parfait, cela.
— Il a l’air stupide, dit P'erouzin.
— Qu’est-ce que ca fait ?
L’ancien cocher pr'epara un v'eritable plan de combat :
— Vous avez son adresse `a ce Bertrand ?
— Oui, 9, rue Saint-Antoine.
— Eh bien, Nalorgne va lui 'ecrire de se trouver demain matin, `a sept heures, au Caf'e blanc, place de Courcelles. Vous irez tous les deux, Nalorgne et P'erouzin, vous d'ebattrez les conditions de ses honoraires. Il faut avoir l’air s'erieux. Puis vous lui donnerez la facture Norel et vous l’enverrez encaisser `a huit heures du matin, bien exactement, chez Herv'e Martel. Mon ex-patron a horreur de se lever de bonne heure. Il sera furieux qu’on vienne toucher si t^ot, il engueulera notre repr'esentant, mais il paiera. Ah, la bonne farce. Moiti'e moiti'e, cinq mille balles pour vous, cinq mille balles pour moi. Ca vaut la peine.
Nalorgne et P'erouzin 'etaient bien de cet avis, mais Nalorgne, cependant, 'elevait une timide objection :
— Venez avec nous, Prosper, vous verrez l’individu, vous verrez ce Bertrand, s’il vous pla^it.
Autant e^ut valu chanter. Prosper 'etait d'ej`a debout :
— Ta, ta, ta, faisait-il, vous parlez comme un gosse, non, je n’irai pas au Caf'e blanc, inutile. Il vaut beaucoup mieux que je m’en aille r^oder aux environs de chez Herv'e, si jamais il y avait un coup de Trafalgar. Je vous t'el'ephonerais `a votre caf'e, pour vous pr'evenir d’avoir `a revenir d’urgence au Contentieux. Car, bien entendu, vous ne donnez pas l’adresse du Contentieux `a ce Bertrand. Vous direz que vous ^etes tr`es press'es, qu’il vous rapporte les fonds au caf'e o`u vous allez, en l’attendant, pr'eparer tout une tourn'ee d’encaissement. Quand il reviendra avec les sous, vous trouverez bien moyen de l’occuper jusqu’au soir et nous verrons ensemble s’il convient alors de l’employer `a d’autres exp'editions.
— Vous avez raison, disait-il, vous parlez comme un sage.
— Parbleu, je parle d’or.
***
— Ainsi, monsieur Bertrand, c’est bien entendu. Si, pendant huit jours, vous nous donnez satisfaction, si vous ^etes ponctuel, r'egulier, si vous ne donnez lieu `a aucune plainte de la part de nos clients qui sont tous des gens respectables, de gros industriels, de riches financiers, nous vous engagerons chez nous aux appointements mensuels de 1.200 francs, qui seront, apr`es un an de loyaux services, 'elev'es `a 1.300 francs. Cela vous va-t-il ?