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— Amenez-la moi, d'eclara avec enthousiasme le pauvre M. Ronier, cependant que, graves et dignes, Nalorgne et P'erouzin se levaient pour le quitter.
— Nous ferons notre possible, d'eclara Nalorgne, pour vous faire conna^itre M lle H'el`ene d’ici une semaine au plus.
Nalorgne salua gravement, P'erouzin fit de m^eme, mais au moment de partir, l’ancien notaire, toujours pratique, dit au faux M. Ronier :
— Et alors, cher monsieur, il est encore une petite chose dont nous n’avons point encore parl'e : c’est la question des honoraires.
— Vous me les fixerez vous-m^eme, r'epondit Juve, magnanime, lorsque l’affaire sera conclue.
Les deux agents d’affaires se retir`erent, et Juve, apr`es s’^etre fait d'ebarrasser de ses postiches, se mit `a r'efl'echir tr`es profond'ement.
***
— Eh bien, P'erouzin ?
— Eh bien, Nalorgne ?
— Ca, c’est plus fort que de jouer au bouchon.
— Vous l’avez donc reconnu aussi ?
— Parbleu, comme c’est difficile. `A policier, policier et demi. J’aime `a croire que nous ne sommes pas compl`etement idiots.
— Et que, tout au contraire, ce pauvre Juve est bien d'eprim'e.
— Ah, ah, ah, monsieur Ronier, la farce est bonne, en v'erit'e.
— Ce que c’est, tout de m^eme, que d’^etre paralys'e.
— Mais croyez-vous qu’il le soit r'eellement ?
— Parbleu, c’est indiscutable. Tout Paris l’a su, au moment de ce que l’on a appel'e l’accident de Juve, et qui n’'etait autre qu’un mauvais coup de Fant^omas.
— Mon cher Nalorgne, dit P'erouzin, je vais vous poser une question pr'ecise. R'epondez-moi avec la m^eme pr'ecision. Dites, pourquoi croyez-vous que Juve, qui nous conna^it fort bien, nous a fait venir ici ? Pourquoi se donne-t-il pour un vieux monsieur d'esireux de se marier ? Il ment ? Il dit la v'erit'e ?
— P'erouzin, pourquoi allez-vous chercher midi `a quatorze heures. C’est bien simple, Juve, en tant que policier, est un homme fini, us'e, perdu. Il veut prendre femme. C’est son droit. Mieux encore, c’est tr`es naturel.
— Nalorgne, vous voyez les choses trop simplement. Ce qui arrive n’est pas d^u au hasard seul. Fant^omas qui nous tombe sur le dos…
— Vous vous en plaignez ?
— Non. Mais il y a aussi cette H'el`ene, que nous ne connaissons ni d’`Eve ni d’Adam, qui nous demande de lui rechercher Fandor, puis, voil`a que, convoqu'es par un certain M. Ronier, nous tombons sur Juve. Tout cela n’est pas clair.
— Limpide, au contraire. Cela prouve que nos affaires s’arrangent de mieux en mieux et qu’apr`es avoir crev'e de faim nous allons faire fortune. Songez donc, P'erouzin, `a la Pr'efecture de police, on nous a dit encore tout r'ecemment que nos d'emarches allaient ^etre couronn'ees de succ`es, et voyez-vous l’'eclat que cela donnerait `a nos affaires ? MM. Nalorgne et P'erouzin, inspecteurs de la S^uret'e, de la vraie S^uret'e et, en outre, travaillant avec… Ah, je ne nous donne pas six mois pour ^etre millionnaires.
— Croyez-vous que Juve ne sait pas que nous l’avons reconnu ?
— Il ne se doute de rien.
— Pourquoi, poursuivit P'erouzin, se dissimule-t-il sous un faux nom ?
— Rendez-vous compte, P'erouzin, que Juve, `a l’heure qu’il est, est fini, archi-fini, incapable m^eme de faire un geste. Or, quelle peut ^etre la pens'ee de cet homme qui a pass'e les dix derni`eres ann'ees de sa vie `a poursuivre… Il a peur.
— Fant^omas ne sait pas qui est M. Ronier.
— Non, Fant^omas ne le sait pas encore.
8 – LES CLIENTS DE « L’ENFANT J'ESUS »
« `A l’Enfant J'esus ». C’est `a peine si l’on pouvait en croire ses yeux, et cependant l’infect bouge qui terminait la rue Championnet, du c^ot'e de la Chapelle, portait cette enseigne.
C’'etait un marchand de vin, un zinc ne payant pas de mine, sale, exigu, enfum'e, qui s’intitulait ainsi a) parce que de son toit l’on apercevait les tours du Sacr'e-Coeur ; b) parce que le patron de l’assommoir se pr'enommait Joseph ; c) parce que ce Joseph, Auvergnat d’ailleurs, pr'etendait que sa boutique, vu les tr'esors de victuailles qu’elle contenait, ressemblait `a s’y m'eprendre `a l’'Eden perdu `a cause de notre m`ere `a tous, mauvaises raisons au demeurant.
— Par exemple, ajoutait-il, ce sont les vierges, saintes ou non, qui manquent dans la maison.
Et, de fait, le troquet du p`ere Joseph 'etait le rendez-vous de toute la racaille du quartier, des apaches en veine de paresse, et des filles du trottoir. L’'etablissement, toujours d'esert le matin, peu achaland'e l’apr`es-midi, se remplissait, d`es la nuit tomb'ee, d’une client`ele interlope et qui, jusqu’aux petites heures, ne cessait de faire le tapage le plus infernal en absorbant des liquides de feu ou d’encre.